II.1.2. Les enjeux de la réglementation
prudentielle
Les principes de réglementation et supervision bancaire
semblent valides quel que soit le niveau de développement des secteurs
bancaires considérés. Cela est illustré par l'adoption
dans la majorité des PED, de normes prudentielles similaires à
celles en vigueur dans les pays industrialisés en particulier.
L'expérience récente de ces Pays en termes de performances semble
toutefois semer le doute sur l'efficacité de tels transferts de
technologies réglementaires des pays industrialisés vers les
régions en développement (Daoud, 2004). Ainsi, selon Rojas-Suarez
(2001), les normes de fonds propres n'ont pas joué leur rôle
d'indicateur avancé des crises et d'instruments effectifs du
contrôle du risque bancaire. Plusieurs raisons peuvent être
avancées pour expliquer une telle désillusion dans la performance
des normes de fonds propres. Pour certains, c'est la capacité même
de des instruments à diriger dans la bonne direction les incitations des
banquiers qui est en cause. Ainsi, Caprio et Honohan (1999) soulignent qu'un
accroissement du capital bancaire n'entraîne pas nécessairement
une mise sous risque des richesses des actionnaires. C'est uniquement lorsque
ces derniers perçoivent que le maintien de l'activité bancaire
est leur meilleure option, que la probabilité de survie s'accroît.
Par conséquent, la réglementation du capital bancaire doit
s'accompagner de considérations relatives à la valeur de la
franchise bancaire (c'est-à-dire la valeur des flux de profits futurs
ajustée du risque), car celle-ci est déterminante pour les
incitations des banquiers. Selon Stiglitz (2001), il est souvent omis qu'un
accroissement des exigences des fonds propres se traduise par une
réduction de la franchise bancaire. Au final, le bénéfice
net d'une telle action peut être plus faible que celui escompté,
et parfois même conduire à une réduction du capital
bancaire. En effet, le type de capital qualifié pour satisfaire les
normes réglementaires étant coûteux (relativement aux
dépôts), il s'en suit une réduction de la valeur de la
franchise et une effectivité de la prise de risque. Un corollaire
important est que les mouvements de libéralisation récents qu'ont
connus les PED, en s'accompagnant d'une concurrence bancaire accrue et d'une
suppression des limites sur la rémunération des
dépôts ont affecté négativement la valeur des
franchises bancaires et, par conséquent, conduit à un
accroissement du risque. Dans ce contexte, Hellmanet al. (2000) montrent que la
réglementation du capital bancaire, pour rester efficace, doit
s'accompagner de mesures encadrant la rémunération des
dépôts. D'autres commentateurs évoquent le transfert
inadapté des standards de Bâle dans ces régions
caractérisées par un environnement économique fortement
volatil. Dans les PED, la volatilité nominale, mais également
réelle, est double, voire triple, de celle observée dans les pays
industrialisés. Dans un tel contexte, de nombreux auteurs
suggèrent l'adoption d'un ratio minimum de capital supérieur
à celui de 8 % recommandé par le Comité de Bâle
(Kane, 1995 ; Gavin et Hausmann, 1996). Malgré le cadre suffisamment
flexible offert par l'accord de capital, rares sont les superviseurs locaux qui
ont compensé par des ratios de capital plus élevés,
l'environnement risqué dans lequel leurs banques opèrent
(Goldstein, 1997).
La réglementation bancaire présente non
seulement des carences ou des lacunes internes mais elle laisse aussi
apparaître un manque de coordination entre ses diverses dispositions. On
a du mal à identifier clairement les rôles dévoués
aux structures nationales créées et ceux des supranationales
(Lacoue-Labarthe, 2004).
La réglementation bancaire a prévu la
création ou la naissance d'autres types d'établissements
financiers, mais leurs conditions de mise en oeuvre ne sont pas clairement
définies et même spécifiées (Nouy, 2004). Il en est
de même pour leur fonctionnement dans une sphère financière
sans marché financier ou des capitaux.L'application des réformes
prévues par la réglementation bancaire a posé des
problèmes pratiques à cause de l'absence d'une période
transitoire clairement définie car les diverses mesures semblaient
être inadaptées et inacceptables par rapport à la situation
des banques (Daoud, 2004). Au niveau de la conduite des réformes, des
lacunes apparaissaient également dans les textes. En d'autres termes, la
réglementation n'avait aucune disposition commune relative aux
restructurations bancaires. Pendant que certaines institutions bancaires
commençaient par des recapitalisations, d'autres procédaient
d'abord aux allégements des effectifs pour réduire leurs frais
généraux (Rochet, 2003). Les dispositions réglementaires
communes auraient permis aux banques de se concerter pour conduire au mieux les
diverses réformes bancaires (Simon, 2004).
De ce qui précède, force est donc de constater
que la réglémentation prudentielle n'a pas que des
privilèges, mais que cette dernière entraîne
également des coûts en termes d'accès au services
bancaires.
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