CHAPITRE II : LE CADRE THÉORIQUE
Cette recherche se réfère aux instructions
officielles et au curriculum burkinabè. Le sujet comporte deux
principales dimensions : la première concerne l'observation en tant que
méthode d'enseignement et technique d'apprentissage utilisée dans
l'enseignement-apprentissage des sciences expérimentales ; la seconde
concerne les phénomènes biologiques lents. Dans ce cadre
théorique à deux parties, il est d'abord présenté
une revue de littérature, puis un succinct développement du cadre
conceptuel.
I. Revue de littérature
Dans nos lectures exploratoires menées essentiellement
dans la littérature d'expression française, nous avons
trouvé quelques ouvrages ou recherches réalisées en
biologie ou dans le domaine de la didactique des sciences, qui partagent des
centres d'intérêt avec notre sujet. Dans cette revue, il est
présenté d'abord et essentiellement, les lectures que nous avons
faites sur la croissance des plantes, qui est le principal objet d'enseignement
qui nous intéresse. Par la suite, nous regroupons les écrits de
recherches que nous avons lus, en deux thèmes : respectivement la
problématique de l'enseignement des phénomènes biologiques
lents, et celle des démarches scientifiques et des stratégies
d'enseignement-apprentissage des SVT.
I.1. La croissance des plantes
I.1.1. Historique des conceptions du modèle de
croissance
Nous commençons par cet historique en estimant avec
deux historiens des sciences, que le détour par l'histoire est toujours
éclairant dans la recherche en didactique (Johsua et Dupin, 1993). La
connaissance de ces éléments permettent, nous l'espérons,
d'éclairer l'épistémologie de l'enseignant et de l'aider
ainsi dans sa démarche d'enseignement de la croissance des plantes.
L'histoire de la biologie végétale montre que
plusieurs ruptures épistémologiques ont jalonné la
pensée scientifique sur le phénomène de la croissance des
plantes. A la question « comment les plantes arrivent à
croître ? », les savants ont donné plusieurs explications.
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Le premier modèle scientifique a été
donné par Aristote (384-322 av. J-C). À son époque, le
modèle était que le monde est formé de quatre
éléments selon une théorie bâtie par son propre
maître, Platon : l'air, le feu, l'eau, la terre. Pour Aristote, la plante
se nourrit de terre pour croître. Il explique que les plantes «
mangent » l'humus qui leur donne de la masse (Rumelhard, 1985). Cette
explication n'avait aucune assise expérimentale et était donc
fondée uniquement sur le bon sens.
Il a fallu attendre plus d'un millénaire pour que la
communauté scientifique rompe avec ce modèle. L'homme de ce
tournant fut Von Helmont (1577-1644), avec une expérience rigoureuse.
Helmont plante un rameau de saule5 pesant 5 livres6 dans
un pot contenant 200 livres de terre. L'arrosage de la plante est assuré
essentiellement par la pluie. Cinq ans après, le savant arrache le pied
de saule et le pèse. Il trouve 169 livres et trois onces, alors que la
masse de terre n'a diminué que légèrement. Les quelques
onces ne pouvant pas bâtir les 169 livres de saule, Helmont conclut que
la plante ne se nourrit pas de terre, mais d'eau (Campestrini, 1992). Le
modèle aristotélicien tombe ainsi dans l'obsolescence.
Ce nouveau modèle a également
résisté pendant quelques siècles avant que les travaux des
chimistes ne viennent le bousculer. Ainsi, les composés chimiques
étant déjà connus par la science, des chercheurs comme Von
Sachs (1832-1897) et Knop (18171891) vont montrer que ce sont les
éléments minéraux contenus dans l'eau qui jouent un
rôle déterminant dans la nutrition et la croissance des plantes.
Ils réussissent cette prouesse en effectuant des cultures de plants sur
des solutions nutritives de même quantité, mais dont la
composition en éléments minéraux varie (Kassou et Souchon,
1992).
Puis, d'autres travaux réalisés notamment sur
les échanges gazeux chez la plante, ont permis d'intégrer le
rôle du dioxyde de carbone et de la lumière. Ces travaux ont
été réalisés par différents chercheurs :
Joseph Priesley (en 1772), Jan Ingen-Housz (en 1779), Jean Senebier (en 1782),
Nicolas Théodore de Saussure (en 1804), etc. La
5 La saule est une espèce de plante à port
arborescent, qui peut être reproduite par bouturage
6 La livre est une ancienne unité de masse qui correspond
à 500 grammes
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photosynthèse devient le modèle vedette: l'eau
et les éléments minéraux interviennent dans la nutrition,
mais c'est la fixation du carbone en présence de la lumière qui
permet l'élaboration de matière et donc la croissance (Kassou et
Souchon, op.cit).
Aujourd'hui, des chercheurs tentent de construire des
modèles mathématiques, physiques, etc., et même «
simulatifs », pour expliquer ou décrire certains aspects de la
croissance végétale. En effet, dans ses travaux de thèse
en physique, Corson (2009) s'intéresse aux réseaux de nervures
des feuilles, pour expliquer et décrire les mécanismes physiques
de la croissance des tissus végétaux. Cet auteur émet
l'hypothèse d'un couplage entre les contraintes mécaniques et la
différenciation des tissus vasculaires. Corson (op.cit.) pense que
« l'évolution du tissu repose sur le mécanisme physique de
la croissance [...] c'est-à-dire l'allongement irréversible des
parois, décrites comme des tiges viscoélastiques, sous l'effet de
la tension induite par la turgescence » (p.62). Il suggère par
ailleurs que la distribution des forces (équilibre ou
déséquilibre) explique la forme des cellules
(régulières ou irrégulières) et l'expansion des
tissus.
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