2. La compétence universelle pratiquée
à l'échelle nationale : l'exemple français
L'étude de la compétence universelle d'un
État, dans le cadre de cette étude, peut paraître à
première vue étrange. Il s'agit néanmoins d'une
étape décisive à la compréhension de la
compétence de la C.P.I. En effet, la compétence
complémentaire de la C.P.I implique l'étude de la
compétence des États.
Le droit pénal français connaît le
principe de la compétence universelle. Inscrite à l'article 6891
du Code de procédure pénale27, elle est
conditionnée par la présence de l'individu sur le sol
français, et se limite à certaines infractions. Peuvent
être citées à titre d'illustration, les crimes de torture
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les crimes de
terrorisme, les infractions relatives à la protection des
intérêts financiers de l'Union européenne et à la
lutte contre la corruption des fonctionnaires européens28.
Force est de constater que les crimes susmentionnés ne
coïncident pas avec les crimes qui relèvent de la compétence
de la C.P.I (voy. Supra). C'est pour cette raison, que le
législateur a introduit dans le Code de procédure pénale,
par la loi du 9 août 2010, l'article 689-11 qui prévoit que les
juridictions françaises sont compétentes pour juger « des
crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale
en application de la convention portant statut de la Cour pénale
internationale signée à Rome le 18 juillet 1998 ».
Il peut sembler, à première vue, que la
compétence universelle dont disposent les tribunaux français soit
absolue. Cependant, tel n'est pas le cas. En effet, les conditions
posées par l'article 689-11 du Code pénal font de l'application
d'une telle compétence une quasi-hypothèse d'école. Trois
conditions principales sont posées : l'individu doit résider
habituellement en
24 Mandat d'arrêt du Il avril 2000
(République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.
I. J. Recueil 2002, p. 3
25 Bassiouni (C.), La compétence universelle
pour les crimes internationaux : perspectives historiques et pratiques
contemporaines, Revue de droit international de Virginie, Vol. 42,
2001, p.82 (nous traduisons).
26 Pour un panorama, voy. Blanco Cordero (I),
Compétence universelle. Rapport général, Revue
internationale de droit pénal, vol. 79, no. 1, 2008, pp. 13-57.
27 Pour la conformité d'une telle
compétence au droit de la C.E.D.H, voy. Cour E.D.H, 17 mars 2009, Ely
Oulb Dah c/France, Req. N° 13113/03.
28 Art. 689-2 à 689-11 du C.P.P
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France ; les faits doivent être punis par l'État
où les crimes ont été commis ou bien l'État dont il
a la nationalité doit être partie à la Cour.
Face à ces conditions, certains parlent d'un «
projet chimérique »29. Ils rappellent à travers
un exemple certes caricatural, mais juridiquement correct que «
aujourd'hui, Bachar el-Assad, Kim Jong-un ou n'importe quel responsable de
milices coupables des pires crimes peuvent venir à Paris sans être
inquiétés »30. Il semble ainsi que, de nos jours,
il est plus facile en France d'échapper à des poursuites en
organisant un génocide qu'en corrompant un fonctionnaire
européen.
Cette situation paradoxale a conduit le sénateur Jean
Pierre Sueur à déposer devant le Sénat une proposition de
loi visant à reformer l'article 689-11 du Code pénal. La
proposition de loi, adoptée par le Sénat le 26 février
2013 (annexe 1), vise à supprimer les trois conditions prévues et
instaurer, par ce fait, une véritable compétence universelle.
Transmise à l'Assemblée nationale, cela fait cinq ans qu'elle
attend d'être inscrite à l'ordre du jour.
Dès lors, face à cet exemple d'une
compétence universelle limitée, il est désormais opportun
d'étudier la compétence universelle de la C.P.I.
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