A.2. Limites au droit d'alerte
Le droit d'alerte revêt un caractère facultatif
et limitatif. Le caractère facultatif de la
procédure d'alerte se retrouve dans les articles 157 et 158 de l'AUSCGIE
qui disposent que tout associé « peut, deux fois par exercice
» poser par écrit, des questions aux dirigeants.
377 Aymar Toh, La prévention des difficultés
des entreprises : étude comparée de droit français et
droit OHADA, Université de Bordeaux, Thèse de Doctorat,
décembre 2015, p.121
378P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des
sociétés : LGDJ, 6ème éd., 2015, n°
497, p. 330
379 Didier Tokafo Kenfack, Libres, propos sur la
réglementation de l'alerte en OHADA, Revue des procédures
collectives, Revue Bimestrielle Lexis Nexis, Jurisclasseur, mars-avril 2016,
p.23.
380 Patrice Christian Ewane Motto, op.cit. p.91.
381Jacques Derthal ALBAS, op.cit. p.25.
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Ce caractère est bien perceptible dans l'utilisation du
terme « peut ». Il s'ensuit que les associés ne sont
pas tenus, en cas de constatation d'indices, même concordants,
d'enclencher (la procédure.382 Autrement dit, même en
cas de constat de ces indices, ils ne sont pas tenus de mettre en branle les
procédures d'alerte.383 Celle-ci ne peut être
déclenchée que lorsque ce sont leurs intérêts qui
sont véritablement menacés ou alors dans des
sociétés où il n'existe pas de Commissaires aux
Comptes.
En d'autres termes, ils ne pourront pas voir leur
responsabilité engagée en cas d'abstention. Tout au plus, ils
pourraient, en cas de dégâts, subir personnellement des remords
sur le plan moral.
Un autre aspect qui rend inopérante la procédure
d'alerte enclenchée par les actionnaires tient à son
caractère limité. En effet, des difficultés ou des faits
de nature à compromettre la continuité de l'exploitation peuvent
apparaitre à tout moment de la vie d'une société. Mais
selon le législateur OHADA, les associés ne peuvent recourir
à l'alerte que deux fois par exercice.384
En dehors de cette période, l'associé n'a plus
le droit de poser par écrit des questions aux dirigeants, sauf à
l'occasion des Assemblées générales. Cette limitation des
pouvoirs de contrôle de la société par les actionnaires
semble étrange quand on sait que la plupart des sociétés
n'ont pas de Commissaires aux Comptes.
En décrétant cette limitation, le
législateur n'a-t-il pas pensé qu'au cours des deux exercices,
les questions peuvent reposer sur de simples spéculations et que c'est
par la suite que les sujets sérieux surgissent ? De même, que va
faire l'associé qui a épuisé ses moyens d'action? Il est
vrai qu'il lui reste la possibilité de s'adresser directement au
Commissaire aux Comptes s'il veut aller au terme de sa démarche. Mais
qu'adviendra-t-il en l'absence du Commissaire aux Comptes?
A notre avis, il aurait été plus judicieux que
l'exercice du droit d'alerte des associés soit possible toutes les fois
que des faits de nature à entraver la bonne marche de la
société sont relevés.385
382Jacques Derthal ALBAS, op .cit p.26.
383 Eric Aristide MOHA FOPA, Réflexions critiques
sur le système de prévention des difficultés des
entreprises OHADA, Université de Deschang-Cameroun, Mémoire
de DEA, 2007, p.97
384 Article 150 de l'AUCSGIE
385 Didier Tokafo Kenfack, op.cit. p.24
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Malheureusement, les associés n'ont pas actuellement
les « mains libres» en matière d'alerte comme les Commissaires
aux comptes. Mais leur « soufflet dans le sifflet» permet d'alerte
l'autorité compétente. 386
Et comme le souligne par ailleurs le Professeur Yves Guyon, la
procédure d'alerte permet tout au plus à l'actionnaire de prendre
date en montrant qu'il a été conscient des difficultés de
sa société à un moment où les dirigeants se sont,
eux, montrés optimistes.387 Ce qui évidemment a des
effets sur la gestion de la société (B).
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