Paragraphe 2 : la procédure d'alerte par les
associés minoritaires
Comme il a été dit ci-dessus, la
procédure d'alerte est un moyen de contrôle de la vie de la
société aux mains des actionnaires. Elle vise à
prévenir les problèmes auxquelles les sociétés
peuvent faire face et vient renforcer le droit à l'information des
actionnaires et de surcroit la protection des actionnaires minoritaires. Il
existe pourtant des éléments qui justifient que l'on y recourt et
dont les actionnaires doivent bien saisir la portée avant d'en user (A)
car l'on sait également que ses effets sont assez conséquents sur
la vie de la société (B)
A. Le fondement de la procédure d'alerte par les
actionnaires minoritaires
Dans les sociétés commerciales, la transparence
est d'une importance capitale. Malgré la confidentialité dont
doivent faire preuve les dirigeants des sociétés, ils doivent
pouvoir faire objet de contrôle et rendre compte de leur gestion aux
actionnaires qu'ils les ont nommés. En revanche, ceux-ci ont le droit
légal d'être informés sur la vie de la
société.
Il faut dire que la reddition des comptes ne date pas
d'aujourd'hui. ARISTOTE observait déjà que : « dix
logistae et dix euthuni étaient tirés au sort.
Chaque responsable public devait leur rendre des comptes. Ils
présentaient leurs résultats à la Cour. Quiconque
détournait des fonds devait rendre dix fois la somme
dérobée. Dans le cas d'erreurs administratives, la Cour
l'évaluait et le responsable devait la rendre sur un délai de 9
mois, à défaut, le remboursement doublait. 376»
Sur la base de cette affirmation d'Aristote, le
législateur a donné aux actionnaires minoritaires le droit
d'être informés de la vie de leur société en les
dotant du pouvoir de déclencher l'alerte (1), même si ce droit
connaît des limites (2).
A.1. Le droit des actionnaires minoritaire de
déclencher l'alerte
Le pouvoir conféré aux actionnaires minoritaires
de déclencher l'alerte peut se justifier par leur détention du
pouvoir sociétaire de nommer et de révoquer les dirigeants
sociaux et de celui de faire adopter les mesures nécessaires au
rétablissement de la situation.
376ARISTOTE, La constitution d'Athènes,
in NORMANTON, 1966
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Ce pouvoir exorbitant dont ils disposent devrait leur
permettre de jouer un rôle fondamental lorsque la société
dans laquelle ils sont actionnaires connaît des difficultés
pouvant compromettre la continuité de son exploitation.377
Acteurs souverains de la société, les
associés disposent des prérogatives leur permettant de
s'imprégner de la gestion des dirigeants.378A cet effet, ils
peuvent non seulement consulter les documents susceptibles de fournir des
renseignements sur la situation de la société, mais aussi poser
des questions sur une situation au sujet de laquelle ils ne sont pas
éclairés. La reconnaissance de ce droit témoigne de la
préoccupation du législateur de voir l'associé participer
à la bonne marche de la société.
La continuité de l'exploitation demeure un
critère fondamental auquel les actionnaires doivent se
référer pour déclencher l'alerte.379Cette
notion est principalement fondée sur la situation financière de
la société et sur les faits objectifs pouvant survenir dans un
avenir prévisible.380
Cette procédure d'alerte constitue donc une
prérogative des actionnaires relevant de la gestion normale de la
société.381
En définitive, la procédure d'alerte est un
moyen renforcé d'information et de contrôle de la gestion sociale
entre les mains des actionnaires. Il présente une utilité
remarquable tant pour la société que pour les actionnaires.
D'abord, la mise en oeuvre de la procédure d'alerte est
utile pour la société. Elle permet ensuite d'éviter les
questions orales fastidieuses qui peuvent être posées par les
actionnaires aux dirigeants sociaux. Cependant, ce droit d'alerte dont
disposent les actionnaires est soumis à certaines limites.
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