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La protection des interets des actionnaires minoritaires dans les societes mixtes cas de la societe sucriere de Moso (SOSUMO)


par Jean Claude BIZIMANA
Université Lumière de Bujumbura - Master 2021
  

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Section 2 : Les recours procéduraux contre l'abus de majorité

Le législateur burundais, donne la possibilité aux actionnaires minoritaires, en cas de constatation d'un abus de majorité, soit de solliciter une expertise de gestion sur des actes de gestion (paragraphe 1), soit de recourir à la procédure d'alerte (paragraphe 2).

Paragraphe 1. L'expertise de gestion

L'expertise de gestion permet de limiter les conséquences d'une gestion malhonnête en mettant en lumière les erreurs au moment où on peut encore les corriger. Cette procédure permet aux, associés d'inciter à une gestion plus transparente.336 Ce qui renforce la protection de leurs intérêts. Notons cependant qu'il ne s'agit pas d'une protection arbitraire, préjudiciable aux seuls actionnaires majoritaires. Elle est plutôt sensée défendre le principe de l'égalité entre actionnaires.337

L'intérêt de cette expertise est l'obtention d'informations sur la gestion de la société, qui permettront à l'actionnaire minoritaire d'apprécier l'opportunité de certains actes de gestion. Elle pourra donc être de nature à justifier l'exercice d'une action ultérieure contre les dirigeants sociaux.

Même si le législateur burundais n'a pas réglementé la notion d'expertise de gestion, elle l'a bel et bien été dans d'autres législations notamment celle de l'OHADA. Ces dernières nous permettront de bien comprendre son contenu et son fondement (A), ainsi que sa portée et les conditions de nomination d'une personne compétente qui s'en chargera (B).

336 Marc Marcel KANA KENGNI, La distribution des dividendes endroit des sociétés commerciales OHADA, Université Dschang, Mémoire de Maîtrise en droit des affaires et de l'entreprise, année académique 2012-2013, p.49

337Seniadja Adjo Flavie, La protection des actionnaires minoritaires des sociétés anonymes dans l'espace OHADA, Mémoire de DEA en droit fondamental, Université Catholique d'Afrique de l'Ouest d'Abidjan, décembre 2009, p.8.

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A. Le fondement de l'expertise de gestion

L'expertise de gestion est une procédure qui vient encore renflouer les moyens d'information des actionnaires minoritaires sur la gestion de la société à un moment donné. Elle a pour but de renforcer leur droit de regard sur la gestion de chaque exercice comptable et de concrétiser ainsi leur intervention dans la vie sociale.338 Ils y recourront s'ils soupçonnent le gestionnaire d'avoir poursuivi un intérêt personnel, l'enjeu étant d'en avoir le coeur net.339

En droit OHADA, l'expertise de gestion trouve sa base légale dans les articles 159 et 160 de l'AUSC et du GTE. Au terme de ces articles, « un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième (10 %) du capital social, individuellement ou groupés, sous quelle que forme que ce soit, peut demander au président de la juridiction compétente du siège social, la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion qui leur paraissent douteux ou contestables ».

Les destinataires du rapport d'expertise sont le demandeur, les organes de gestion, de direction ou d'administration ainsi que le Commissaire aux Comptes. A notre avis, la production de ce rapport joue le rôle de la transparence et permet aux dirigeants de la société qui seraient indexés de s'exprimer sur les faits qui leur seraient reprochés.

L'expertise de gestion répond en outre au souci premier de garantir une information fiable nécessaire aux associés. Elle matérialise donc la volonté du législateur d'assurer la protection des actionnaires, qui ne participent pas directement à la gestion, par une procédure particulière sortant du cadre traditionnel d'information et s'intégrant dans le judiciaire.340

Dans l'affaire Abbas HAMMOUD c/Jacques Claude LACOUR et dame Éveline Dorothée, le juge a estimé que « l'expertise de gestion doit être ordonnée dès lors qu'elle a été demandée par un associé qui se plaint de n'être pas informé de la vie sociale et doute de la sincérité des coassociés et du sérieux des résolutions prises en assemblées. 341»

Quant aux mérites de l'expertise de gestion, elle en présente plusieurs. Elle participe en effet à une meilleure gouvernance des sociétés, car permettant au juge de vérifier à la lumière de

338S.S. KUATE TAMEGHE, Quelques ambiguïtés de l'expertise de gestion dans l'Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, in Recueil d'Etudes sur l'OHADA et l'UEMOA, Vol I, Collection Horizons Juridiques Africains, PUAM, p. 151

339Patrice Christian Ewane Motto, op.cit. p.78.

340Ngom BISSAN, l'expertise de gestion, in Encyclopédie OHADA, s/dir. Pougué, Lamy, Paris 2011, p. 786, cité par MAMA OTABELA Hugues Joël, op.cit. p.10.

341 Tribunal Régional de Niamey, ordonnance de référé n° 245 du 22 octobre 2002, Abbas HAMMOUD c/Jacques Claude LACOUR et dame Éveline Dorothée Flambart, OHADATA, J.04-80.

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l'intérêt social, l'opportunité de certains actes de gestion posés par les dirigeants sociaux. Elle permet également un renforcement les droits des minoritaires en leur garantissant un recours judiciaire pour se faire entendre.342 En d'autres termes, la minorité révèle son aptitude à intervenir en qualité d'organe subsidiaire de contrôle.

Pour Yves GUYON, le but de l'expertise de gestion n'est pas de donner au demandeur une information générale, mais plutôt une information qui tend seulement à faire toute la lumière sur une ou plusieurs opérations déterminées à propos desquelles il aura des renseignements aussi complets et aussi précis que possible.343

Quand bien même la procédure d'expertise de gestion présente des avantages pour les actionnaires minoritaires, on peut tout de même lui reprocher de rester imprécise sur l'opération de gestion qui doit fonder son intervention.344 Il faut également souligner ici que le législateur OHADA a imposé un minimum de détention de capital pout tout demandeur.345 Il s'agit d'un « filtre légal» destiné à stopper sans doute les demandes intempestives ou capricieuses des minoritaires.346 Si on transposait cette disposition dans la législation burundaise, on verrait qu'elle constituerait un fait limitatif surtout dans un cas comme celui des coactionnaires de la SOSUMO qui, à deux, ne totalisent que 1 % du capital social. Ce qui laisse à penser que cette disposition serait un « parapluie » pour les dirigeants de la société.

Concernant l'ampleur de la compétence de l'expertise de gestion, elle couvre une ou plusieurs opérations particulières. C'est-à-dire qu'elle ne concerne au sens strict du mot, que des opérations de gestion, et non des opérations qui relèveraient de la compétence exclusive de l'Assemblée générale ou d'un organe de la société.347 Mais, pour éviter que cette procédure de gestion ne puisse paralyser les organes de gestion, la Cour de Cassation a posé des conditions à son exercice.

342Cerati -GAUTIER (A), la nouvelle expertise de gestion, assure -t-elle une meilleure information des actionnaires minoritaires ?, Petites affiches n° 69, 2002, p.4 et s.

343 Yves Guyon l'expertise de gestion, jurisclasseur des sociétés, 1985, fasc.134. D. pp.1-13.

344 MARTEAU Petit, la notion de gestion et le droit des sociétés, thèse Paris II, 1992.p.124

345 Pour intenter une action en expertise de gestion il faut qu'un actionnaire ou groupé détienne au moins 10 % du capital.

346Nany Elodie ITSIEMBOU MABIKA, op.cit., p.429

347SENIADJA ADJO Flavie op.cit. p.17

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Ainsi, la demande d'expertise ne peut avoir d'effets que si elle se base sur des présomptions d'irrégularité, car c'est une mesure d'investigation portant sur une opération dont la régularité est douteuse.348

La demande d'expertise de gestion reste donc limitée. Elle ne porte que sur une opération de gestion donnée349 et non sur un audit général de gestion de la société réservé au seul Commissaire aux Comptes. L'arrêt du 15 juillet 1987 de la Cour de Cassation a interprété restrictivement la notion d'acte de gestion.350

Par exemple, l'expertise de gestion pourrait ainsi porter sur le versement d'un acompte sur dividende jugé comme une atteinte à l'intérêt351 ou encore sur une convention réglementée jugée irrégulière. S'il est fait droit à la demande de l'associé, ce dernier bénéficiera de l'assistance d'un expert, qui aura pour mission de mettre de la lumière là où règnent l'opacité et l'obscurité.

Les actionnaires minoritaires pourront aussi demander une expertise de gestion en cas de constat d'un transfert de fonds suspect par un actionnaire.352 En effet, ce type d'opération est susceptible de causer des problèmes de trésorerie dans la société et d'inciter les dirigeants à procéder à la répartition des dividendes même en l'absence de bénéfices. Ils doivent s'assurer de saisir le Président du Tribunal compétent et non le Tribunal lui-même qui, le cas échéant, se déclarera incompétent.353

De même, les actionnaires minoritaires ont besoin de prendre connaissance des documents sociaux afin de prendre des décisions éclairées. Au cas où le dirigeant refuserait de présenter le bilan, les actionnaires minoritaires peuvent requérir une expertise de gestion pour contourner les comptes sociaux.354L'information obtenue par l'expert en sera probablement plus étendue que celle donnée en cas de fonctionnement normal de la société. Ainsi,

348Cass. com. 22 mars 1988, Rev. soc. 1988, p. 227; Cass. com. 18 oct. 1994, Bull. civ. IV, n° 306; Cass. com. 18 juin 1991, Bull. Joly 1991, p. 816.

3499 nov. 1991, Bull. civ. IV, no 355; D. 1991, IR, p. 295; Bull. Joly 1992, p. 66, § 15, note P. LE CANNU ; JCP G 1992, II, no 21833, note M. JEANTIN ; Rev. soc. 1992, p. 510, note M. MARTEAU-PETIT; RTD com. 1992, p. 639, obs. Y.REINHARD.

350Cass. com. 15 juill. 1987, Bull. Joly 1987, p. 703, n° 289, note P. LE CANNU ; RTD Com. 1988, p. 75, n° 6, note Y. REINHARD

351 M. JEANTIN, note sous ord. du T. com. Paris, Bull. Joly 1989, p.898.

352 Cotonou, arrêt n° 256/00 du 17 août 2000 SONACOP c/Etat Béninois in OHADA, jurisprudence Nationale n° 1 décembre 2004, p.78.

353 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 871 du 21 mai 2002, Hassen YACINE c/société natte industrie, J-03-04, trouvé sur le site internet www.ohada.com.

354 Tribunal régional hors classe de Dakar, ordonnance de référé n° 1671 du 23 décembre 2002, Abdoulaye NDIAYE c/NDiougo LO J-03-186.

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l'expertise de gestion aboutira-t-il à la révélation de faits que les dirigeants refusaient de communiquer en s'abritant derrière le principe de la confidentialité auquel obéissent la plupart des opérations de gestion.

L'expert sera chargé d'établir un rapport à annexer à celui des Commissaires aux Comptes préparé en vue de sa présentation devant la prochaine Assemblée générale et de sa publication.355

La jurisprudence considère que l'expertise de gestion ne saurait se justifier qu'en cas de présomption d'abus ou d'irrégularités affectant les opérations indiquées et susceptibles de nuire aux intérêts sociaux comme de compromettre le fonctionnement ou la pérennité de l'entreprise.356

Certains juges de fond ont également invoqué la prévention des abus de majorité. Or, l'intérêt social protégé est, dans ce cas, celui de la société ainsi que celui des actionnaires faisant partie d'un groupe minoritaire qui pourront ainsi être renseignés sur la nature, la portée et les conséquences des opération de gestion susceptible de leur porter préjudice.357

Bien qu'on ait une jurisprudence abondante sur la notion d'expertise de gestion, il faut dire que le terme « opération de gestion» n'a été défini, ni par le législateur burundais, ni par le législateur communautaire OHADA. Il revient donc aux juges d'expliquer ce qu'il faut comprendre par là. D'une façon générale, l'expertise de gestion ne s'applique qu'aux opérations de gestion.

Mais, force est de constater que ces dernières sont caractérisées par une assiette beaucoup plus large.358 Autrement dit la gestion de la société commerciale est un tout. Vouloir dissocier les éléments constitutifs de ce maillon pourrait porter préjudice à la société.

Ainsi par exemple, l'expertise de gestion a été demandée pour vérifier la régularité des transactions ayant entouré le rachat des actions d'une société par une autre et celle du mouvement de fonds entre sociétés,359 la réalisation d'un audit d'une société aux fins de

355Nani Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.421.

356 Cass.Com, 18 oct.1994, n° 92-19159, note 884.

357 CA Rouen, 17 mars 1970, D.1971, p.177 ; JCP.G. 1971, II, 16 606, note N. Bernard

358 Khaled AGUEMON op.cit. p.259.

359 CA Cotonou, Arrêt n° 256/2000 du 17/8/2000 AFFAIRE Société Continentale des Pétroles et d'Investissements Monsieur Séfou Fagbohoun SONACOP Monsieur Cyr Koty, Monsieur Mounirou Omichessan c/Etat béninois, Ohadata J-06-101.

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déterminer la valeur actuelle des actions et le montant réel des bénéfices dégagés depuis sa création.360

Les actionnaires majoritaires peuvent également invoquer le défaut de communication d'éléments satisfaisants de réponse aux questions écrites qu'ils ont posées : il appartient alors au juge de rechercher si les éléments de réponse fournis présentent ou non un caractère satisfaisant.361 L'absence de réponse n'interdit pas au juge de rejeter la demande d'expertise s'il est établi que l'actionnaire disposait d'informations suffisantes sur les questions qui ont été posées.362

A l'analyse de ces arrêts, on constate que la qualification d'opération de gestion est vaste et vouloir la limiter n'est pas sans conséquence sur la vie de la société.

Pour éviter de se perdre dans les méandres des domaines que couvre ce terme, la solution la plus adaptée paraît résider dans l'analyse de l'opération en cause, celle qui risque de porter atteinte à l'intérêt social.363

La notion de « gestion» pourrait donc être élargie en misant non pas sur la procédure envisagée pour l'essentiel, mais davantage sur le but fixé, qui est la protection de l'intérêt de la société.

S'il est fait droit à cette demande, le Juge détermine l'étendue de la mission et les pouvoirs dévolus aux experts dont les frais sont supportés par la société.364(2) Mais, pour être recevable, la demande d'expertise de gestion doit avoir un caractère sérieux (1).

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius