3. Problématique : un rituel utilisant la
pratique corporelle
Lors des AG étudiantes nous avons été
attentif à une question simple mais riche en indication quant aux
raisons de l'implication du manifestant : « qui a lu la loi ? ». La
première fois que cette question a été posée nous
étions à l'AG de Segalen où s'étaient
regroupés près de 400 étudiants. Une vingtaine de mains se
levèrent afin de répondre à la question.
L'expérience se renouvela en AG en Science puis en AG en Staps. A chaque
fois nous faisions le même constat, c'est-à-dire que peu de gens
avaient pris connaissance de cette loi. Pourtant, le nombre de manifestants
étaient bien plus important dans la rue que le nombre personne l'ayant
lu.
L'engagement des étudiants et des lycéens semble
aller au-delà de la simple manifestation contre la LRU ou contre la note
Darcos. En effet, pendant les manifestations étudiantes et
lycéennes nous posions la question du « pourquoi vous manifestez ?
» à différentes personnes et beaucoup de réponses
s'orientaient vers « ba, en fait, j'avais pas cours aujourd'hui » ou
bien « j'aime bien manifester » aussi « je sais pas trop ... je
crois que c'est contre une loi ». Ces réponses semblent nous
indiquer que la participation à un événement commun se
suffit à lui-même pour mettre en action les individus. Dès
lors, l'utilité de mettre son corps en mouvement sur le bitume brestois,
si l'on ne connaît même pas les raisons concrète de la
manifestation, ne correspondrait il pas à une célébration
collective ?
Ce travail a pour ambition de questionner
l'instrumentalisation du corps qui semble conditionnée par un rite,
c'est-à-dire que l'activité corporelle d'un individu serait un
vecteur permettant de défendre des revendications lors d'une
célébration collective qui est le mouvement social.
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Michel Foucault22 affirmait que dans la
société occidentale, le corps est le premier outil d'expression
de l'individu. Dans notre cas, la manifestation est une forme d'expression de
l'individu avec un objectif d'engagement corporel et collectif ayant des
actions concertées en faveur d'une cause. Marcel Mauss23,
précisait que toute technique à sa propre forme ou attitude car
il existe un art d'utiliser le corps propre à des objectifs mais
accessible uniquement par initiation. Ici, le mouvement social semble
être un lieu où différents rites, initiant les nouveaux
manifestants par une activité corporelle, opèrent afin de
construire ou de maintenir une identité militante.
Comment peut-on qualifier et préciser la fonction du
mouvement social brestois ? A quoi l'engagement physique d'un individu lors
d'un mouvement social permet-il de répondre ? De quelles façons
l'activité corporelle des manifestants peuvent être
utilisée ?
Nous montrerons que le mouvement social de Brest est un rite
permettant d'initier de nouveaux étudiants et lycéens à
des identités militantes et contestataires associées à des
groupes identifiés afin de répondre à des enjeux de
rapport de force contre l'Etat par un engagement corporel.
Premièrement, nous qualifierons le mouvement de 2007
à Brest comme le regroupement d'un certain type de personnes ayant des
objectifs identiques, c'est-à-dire que l'action des populations de
manifestants semble être orientée vers une contestation de l'Etat.
L'ensemble des actions menées collectivement sont organisé.
Cependant, ce mouvement social serait composé de multiples
communautés ayant émergée suite aux interactions entre les
populations étudiantes et lycéennes. Ces communautés
sembleraient avoir des modalités d'usage de l'engagement
différent.
Ensuite, nous questionnerons la fonction du mouvement de Brest
comme rite initiatique utilisant l'activité corporelle.
C'est-à-dire que nous chercherons à identifier les types de rite
utilisés mais également les moyens utilisés afin
d'instituer les individus dans les groupes donnés. Nous formulons
l'hypothèse que le mouvement social de Brest est à la fois un
rituel initiatique mais également un rite de renouvèlement.
22 Foucault, M. (2004) Surveiller et punir. Naissance
de la prison, Gallimard, Paris
23 Mauss, M. (1950) Notion de techniques du corps in
Sociologie et Anthropologie, PUF, Paris
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Enfin, nous questionnerons les enjeux de l'engagement physique
par l'analyse des tracts et des affiches qui nous renseigneront sur les
facteurs influencent la mise en mouvement. On peut faire l'hypothèse que
les meneurs cherchent à mettre en mouvement le plus grand nombre de
manifestants afin de rééquilibrer le rapport de force contre le
gouvernement.
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