2.3.2. La question de l'identité militante :
Les mouvements sociaux sont aussi des moments
privilégiés de construction, de maintenance des identités.
En effet, la notion d'identité est en science sociale d'autant plus
19 McAdam, D. & Paulsen, R. (1993) Specifying
the relationship between social ties and activism, Americain journal of
Sociology
20 Gaxie, D. (1977) Economie des partis et
rétributions du militantisme, Revue française de science
politique
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problématique qu'elle devient envahissante.
D'après Claude Dubar21, « l'identité est le
sentiment subjectif d'une unité personnelle, d'un principe
fédérateur durable du moi et un travail permanent de maintenance
et d'adaptation de ce moi à un environnement mobile ». De plus,
l'identité est aussi le fruit d'un travail incessant de
négociation entre des actes d'attribution, des principes
d'identification venant d'autrui et des actes d'appartenance qui visent
à exprimer l'identité pour soi, les catégories dans
lesquelles l'individu entend être perçu. Dès lors, l'action
protestataire constitue un terrain propice à ce travail identitaire que
les rites formalisent par un apprentissage physique. Elle constitue un acte
public de prise de position qui classe l'individu mobilisé dans le
regard des autres. Par exemple, la façon dont les cortèges sont
disposés ou bien les slogans chantés ou écrits sur les
banderoles ou les drapeaux rappellent l'appartenance à un groupe et
à une identité particulière. Concrètement, chaque
groupe contestataire ou syndicat à sa propre identité et
cherchera à imposer la sienne aux populations de manifestants afin de
renouveler les membres de la communauté.
La capacité d'un groupe à se doter d'une
identité forte et valorisante constitue une ressource de première
importance pour que ses membres s'affirment dans l'espace public. Cependant,
les biographies individuelles des individus qui se mobilisent sont
conditionnées par l'expérience extrême du militantisme et
ceci de façon définitive. Si la dimension identitaire est partie
intégrante des mouvements sociaux, elle prend une place éminente
dans une série de mobilisations spécifiques. Nous pouvons prendre
l'exemple des mouvements nationalistes dont le but est d'obtenir une
reconnaissance de son identité ou encore l'exemple des mouvements de
statut où les mobilisations ont comme enjeu de préserver, de
conforter le statut social d'un groupe, c'est à dire son prestige, la
considération qu'il estime mériter. Le processus passe par
l'affirmation ou la réaffirmation des valeurs et du style de vie du
groupe, de leur légitimité. Donc, il est nécessaire pour
un groupe contestataire de se forger une identité forte qui permettra de
s'affirmer sur un espace public d'enjeux.
L'aspect relationnel est important dans l'engagement au
mouvement. En effet, l'idée qu'un mouvement social est une fonction de
transgression qui amène à la solidarité va renforcer le
sentiment d'appartenance à un groupe donné mais contribue
également à la construction ainsi qu'au maintien des
identités. De plus, nous savons qu'il existe différentes
21 Dubar, C. (1991) La socialisation, Armand Colin,
Paris
18
variables qui conditionnent le militantisme comme l'aspect
psycho affectif ou encore l'aspect relationnel. Nous pouvons dire que l'acte
protestataire constitue un terrain propice à ce travail identitaire.
Plus précisément, il semblerait que ce terrain identitaire soit
un enjeu de prise de position qui s'effectue sur la place publique par un rite
d'apprentissage physique. Dès lors, la question de l'initiation du corps
à une culture contestataire permettrait de former les individus, par des
rites, à des logiques militantes.
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