2.3. L'identité militante acquise par un rite du
corps
Fondamentalement, le militantisme, c'est « l'action
menée ensemble par un groupe de personne »18.
L'idée défendue par Tim Jordan est que l'essentiel dans le
militantisme n'est pas tant le fait d'être à plusieurs à
accomplir une même action mais plutôt la solidarité
existante dans l'objectif de la transgression. Chaque groupe de protestation
fut au départ formé de gens qui reconnaissent chez les autres
leurs propres frustrations, aspirations et désirs de transgresser les
règles actuelles du monde. La solidarité est le résultat
de ces interactions, la reconnaissance d'un « nous » fait de nombreux
« je » séparés.
C'est pour cela qu'il est intéressant de se pencher sur
l'ensemble des traits pertinents qui conditionnent le militantisme dans un
premier temps, puis de questionner l'identité militante, en effet les
rites utilisant l'apprentissage physique amèneraient à construire
une identité militante.
18 Jordan, T. (2003) S'engager, les nouveaux
militants, activistes, agitateurs ..., Autrement Frontières, Paris
16
2.3.1. Le militantisme étudiant :
McAdam et Paulsen19 cherchent à comprendre
pourquoi au sein d'un groupe donné, par exemple les étudiants,
certains militent tandis que d'autres demeurent passifs. Une étude sur
les étudiants volontaires au mouvement des droits civiques met en
évidence différentes variables : plus un individu est au contact
de personnes engagées dans l'action militante, plus sa situation
personnelle minimise les contraintes professionnelles et familiales, plus ses
projets d'engagement reçoivent l'aval de ceux dont il est affectivement
proche, plus la probabilité de le voir militer s'accroît.
Cependant, certains reproches lui sont formulés tels que le fait de
prendre peu en considération les profils sociaux de sa population
(origine familiale, trajectoires) mais aussi le fait qu'il n'a pas
mobilisé un groupe témoin d'étudiants n'ayant eu aucun
engagement. L'importance d'un paramètre psychoaffectif comme le soutien
des proches ou bien l'investissement d'amis dans un mouvement social sont des
facteurs important des recrutements mais également de l'initiation
à la culture manifestante.
Pour Daniel Gaxie20, une meilleure
compréhension du militantisme implique aussi de le penser au quotidien,
de comprendre le tissu de relations et d'interactions que suscite l'engagement.
A partir d'un travail sur les partis, il est l'un des premiers à
esquisser une théorie de la pratique militante. L'expérience
ainsi vécue ébranle les personnalités, suscite une
modification profonde des schèmes de perception de la vie. Dès
lors la vie est perçue sous un mode plus communautaire, vie plus
excitante, prenant un sens plus intense à travers la participation
à un mouvement dont les enjeux dépassent les projets et bonheurs
individuels. Donc, la participation à un mouvement social va
façonner l'identité militante de l'individu de façon
stable même après la mobilisation.
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