2.2.2. Le rite d'institution et de renouvellement :
Pierre Bourdieu 13 propose de substituer au concept
de rite de passage celui de « légitimation », rite de «
consécration », rite « d'institution », en analysant la
ligne qui opère le passage d'un état à un autre, il
insiste sur la mise en évidence du pouvoir qui les instaure. Ce n'est
pas le passage qui compte mais plutôt la ligne qui sépare un avant
d'un après. Dès lors le rite institue, sanctionne, sanctifie le
nouvel ordre établi : il a un effet d'assignation statutaire et
encourage le promu à vivre selon les attentes sociales liées
à son rang. Le rite d'institution est un rite qui légitime une
différence de façon arbitraire. Par exemple, la circoncision
consacre et donc institue la différence entre l'homme et la femme. Plus
précisément, Van Gennep14 n'a jamais prétendu
que toutes les formes de rituels relevaient du passage, et à l'inverse,
il a souligné le caractère multiforme et complexe des
cérémonies. C'est pour cela qu'il est possible qu'un rite
d'institution ainsi qu'un rite de renouvellement au sein d'une
communauté puisse s'interpénétrer. Finalement, il existe
une nécessité de légitimisation des nouveaux arrivants par
les membres les plus anciens. Qu'il « institue » ou qu'il «
fasse passer », le rite ne peut être auto-administré, il faut
une autorité supérieure, qu'il s'agisse de l'Eglise, de l'Etat ou
d'un représentant laïc du pouvoir concerné par la
manifestation.
2.2.3. La transition et la communitas:
Les rites peuvent êtres considérés comme
des formes de négociation d'un nouveau statut au sein d'une
société donnée qui présente un système
structuré et hiérarchique de positions. L'étape de
transition définie par Victor Turner15 est importante car il
s'agit d'une étape où s'instaure une « anti-structure
». Mary Douglas16 ajoute à cela que le danger
réside dans l'étape elle-même puisque le passage d'un
état à un autre est indéfinissable. Elle complète
son idée par le fait que tout individu qui passe de l'un à
l'autre est en danger et ce danger émane de l'individu lui-même.
Dès lors, l'individu en phase liminale présente des
13 Bourdieu, P. (1982) Les rites comme actes
d'institution, Actes de la recherche en sciences sociales, 43
14 Van Genepp, A. (1909) Les rites de passages, Emile
Nourry, Paris
15 Turner, V. (1967) Le phénomène
rituel. Structure et contre-structure, PUF, Paris
16 Douglas, M. (1971) De la souillure. Essais sur les
notions de pollution et de tabou, Maspéro, Paris
14
traits spécifiques : il échappe aux classements
sociologiques puisqu'il est dans une situation de transition d'une phase
à une autre.
L'étape de liminalité conduit d'ailleurs
jusqu'à une anti-structure sociale que Victor Turner nomme
communitas, au cours de laquelle des liens peuvent se créer
hors des hiérarchies et des rapports sociaux ayant normalement cours
dans le groupe. Ce phénomène qui s'apparente à la
liminalité serait actuellement présent dans notre
société par des structures qui refusent de se fonder sur la
classe sociale et rejettent l'ordre social. En ce qui concerne les mouvements
sociaux, la participation aux manifestations semblerait répondre
à cette notion de communitas. C'est-à-dire un type de structure
éphémère dans le temps ayant comme objectif de contester
l'ordre social et la hiérarchie.
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