6.3. Une initiation à l'engagement physique :
Les nouveaux étudiants étaient initiés
par les étudiants les plus anciens au moment des manifestations. Par
exemple, nous pouvons dire qu'au moment des AG les étudiants militants
les plus anciens informent les nouveaux étudiants sur la façon
dont se déroule les manifestation, sur les actions possibles, sur les
personnes à éviter car trop éloignés des
convictions du groupe. Bref, le nouvel étudiant subit un rite
initiatique mais plus précisément nous pouvons parler ici de rite
d'institution car le pouvoir qui instaure est aussi important que le rite lui
même. On devient manifestant ou militant dès le moment où
l'on est institué par les pairs plus expérimentés.
Dès lors, c'est au travers d'actions d'engagement corporel des individus
que s'opèrent les changements. Les rites initiatiques d'institutions
accordent alors une place importante au corps dont l'objectif est de donner
à l'individu une nouvelle identité. Ici, l'initiation passe par
la mise en action corporelle sur l'espace public en utilisant les signes
distinctifs.
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David Le Breton 32 précise que le signe
distinctif, par exemple un tatouage, est lié à des significations
précises au sein d'une communauté et qu'il est porteur d'une
valeur identitaire. Dès lors, il est important pour les membres des
communautés étudiantes et lycéennes d'initier un maximum
d'individu à ses signes.
Il ne faut pas oublier également le caractère
multiforme et complexe des cérémonies ainsi rite de d'institution
et rite de renouvellement ne s'excluent pas mutuellement. Etant donné
que la population étudiante et lycéenne est en perpétuelle
changement. Nous avons pu observer que les étudiants qui initient les
plus jeunes sont aussi les plus avancés dans les études. C'est
pourquoi il est possible qu'en plus du rite initiatique d'institution soit
effectué un rite de renouvellement qui vise à instituer les
nouveaux membres au sein des communautés déjà existantes
mais également de donner aux membres les plus avancés les moyens
d'instituer les nouveaux. Pour preuve, le plus souvent ce sont de jeunes
lycéens ou étudiants qui sont institutionnalisés. Ici, le
sens du terme « institutionnalisés » renvoit à
l'idée de la ligne qui opère le passage d'un état à
un autre et insiste sur la mis en évidence du pouvoir des
autorités qui les instaurent. Dans notre cas il s'agit des
étudiants ou lycéens les plus anciens.
Il s'agit d'un rite initiatique d'institution et de
renouvellement par l'apprentissage de techniques de corps qui inscrivent
l'individu dans une logique propre au groupe de référence. De
plus, l'apprentissage de l'engagement est possible par interaction et permet
à l'étudiant ou le lycéen d'intérioriser les
valeurs et les connaissances du groupe avec lequel il établit des
échanges grâce à une construction culturelle des
significations (Jérôme S. Bruner)33. Cet apprentissage
du corps répond à une intention forte de contester les
décisions prises par l'Etat et donc de défendre les valeurs
propres à un groupe donné, concrètement les
étudiants contestent la LRU car cette loi semble attaquer les «
valeurs » qui font l'université, revendiquées par les
étudiants comme la démocratie de l'enseignement ou l'accès
à tous à la connaissance. Cependant, nous posons la question des
enjeux sous-jacents à la mise en mouvement massive d'étudiants et
de lycéens.
32 Le Breton, D. (2002) Signes d'identités.
Tatouages piercing et autres marques corporelles, Métaillé,
Paris
33 Bruner, J.S. (1990) Acts of Meaning, MA: Harvard
University Press, Cambridge
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