6.2. Les techniques du corps :
Lors du mouvement brestois qu'il existait des significations
propres aux populations de manifestants mais surtout que les pratiques
corporelles étaient fonction de la communauté d'appartenance. En
effet, si l'on se penche sur les techniques qui sont utilisées pour
contester, nous avons observé qu'il existe une différence entre
certaines communautés composées à la fois
d'étudiants et de lycéens.
Dans certaines communautés, les techniques
utilisées sont plutôt le cortège où l'ensemble des
manifestants marchent principalement sur la route, en chantant des slogans
à l'encontre des personnalités de l'Etat mais aussi en
brandissant des banderoles avec des revendications fortes. Nous avons
également observé que lorsque ce type de manifestants rencontre
les forces de l'ordre, il n'y a pas de rapport de force physique, bien au
contraire, les uns jouent avec les autres. Concrètement, les
manifestants dansent devant les CRS ou bien les ignorent complètement.
De plus, les visages et les vêtements sont marqués de signes
distinctifs qui renseignent également quant à l'appartenance d'un
individu à tel ou tel syndicat et donc à telle ou telle
communauté. Il existe des signes visibles qui nous permettent de mettre
en avant l'une ou l'autre des communautés militantes. Nous avons pour
exemple les membres de la CNT, syndicat travailliste, qui avaient des badges et
des drapeaux à l'effigie de leur groupe. Certains vont même
jusqu'à se peindre le visage afin de mettre en avant leurs idées
contestataires. Ainsi nous avons pu voir au moment des grèves, des
lycéens « tatoués » de revendication forte telles que
« non à Darcos » ou encore « la LRU dans le cul
».
D'un autre côté nous avons vu des
communautés dont les membres cachaient leur corps par des cagoules ou
bien des gants en raison de l'orientation de l'engagement physique. Comme
récit d'une personne commentant en direct les événements
du 11 décembre au centre ville de Brest :
C'était impressionnant, j'étais avec ma
copine en train de faire un tour en ville et j'avais l'impression d'être
sur un champ de guerre. Il y avait un affrontement à la Liberté
entre des jeunes et les CRS. On ne sait pas qui
30
c'était. Les jeunes cassaient tout sur leur
passage, les abris bus, les vitrines des magasins. Bref, c'était
énorme. J'ai même vu une fille en voiture se faire péter sa
vitre arrière alors qu'elle s'était arrêtée pour
laisser passer la foule. Céline et moi commencions a remonter, ca
devenait dangereux. Mais bon, je n'avais jamais vu ca, de la casse gratuite et
un plaisir à le faire. Incroyable. Même pas de banderoles.
Ce récit des affrontements nous renseigne sur plusieurs
points importants. Le premier concerne l'attitude des jeunes qui cassent tout
sur leur passage. Le second point nous renseigne sur les signes distinctifs, en
effet, il n'y en a pas. Nous avons vu par les deux exemples
précédents qu'il existe des formes de contestations
particulières à chaque communauté et qu'il existe des
signes distinctifs afin de montrer son appartenance à un groupe en
particulier ou non.
Donc, lors des manifestations les individus s'engagent
physiquement en utilisant un répertoire d'actions. Le type d'action et
les techniques corporelles utilisées permettent d'identifier
l'appartenance d'un membre à l'une ou l'autre des communautés.
Pourtant, se pose la question de l'apprentissage des significations et des
techniques corporelles qui inscriront le manifestant dans un groupe.
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