5.2. Y a-t-il une interaction des objectifs ?
Cette partie vise à rendre compte de
l'enchaînement des différents objectifs au sein du mouvement de
novembre/décembre 2007 afin de mettre en évidence le fait que les
individus se regroupent en fonction d'objectifs inter-population et que ses
interactions font émerger les communitas. Pour se faire, il a
été impératif de rendre compte de la réalité
ainsi que de la « vie » du mouvement c'est-à-dire que les
objectifs se sont enchainés de façon spatiale et temporelle. Nous
allons expliquer et démontrer de quelles façons les objectifs
étaient imbriqués à certains moments et pas à
d'autres. Nous ne présenterons que deux exemples proches afin
d'expliquer les liens entre en objectifs et les actions. Les dates sont
arrêtées à des moments clés et mettent en
évidence les interactions entre objectifs ou bien la migration du
mouvement d'une population à une autre.
Le premier exemple est daté du 20 novembre 2007
où a eu lieu une grande manifestation rassemblant différents
mouvements sociaux tels que les cheminots, les avocats et les scolaires. Nous
sommes là dans un contexte social fort de contestation sociale qui
agit
27 Cf. annexe 4
26
sur le mouvement lycéen étudiant lui-même.
Cet exemple met en avant trois éléments importants, dont le
premier est la mise en action des anti-bloqueurs anti-gréviste qui
étaient mobilisés jusqu'à présent,
c'est-à-dire qui ne s'étaient pas engagés dans le
mouvement de contestation. Le second élément est la mise en
action des lycéens anti-LRU. Pour preuve, le courrier de la proviseure
du lycée Dupuy De Lôme28 à destination des
parents d'élèves informant que les étudiants manifestants
invitent les lycéens à rejoindre les rangs. Le troisième
élément concerne la convergence des populations lycéenne
et étudiante autour de la lutte contre la LRU. En effet, les deux
populations se sont rassemblées pour tenter d'être plus efficaces
dans le mouvement de contestation. Plus précisément, ce qui a
permis l'interaction entre les dynamiques étudiantes et lycéennes
est l'objectif recherché : contester la LRU. C'est pour cela que ne sont
en action que les groupes ou communautés ayant le même objectif,
sans tenir compte de l'appartenance aux populations. Concrètement, nous
avons vu des étudiants et des lycéens manifester ensemble contre
le LRU dans les rues de Brest.
Le second exemple est daté du 13 décembre 2007.
Le matin se déroule une manifestation anti-Darcos sans problèmes
avec des enseignants du secondaire. Là encore les lycéens et les
enseignants se regroupent afin de contester la note Darcos. Le mouvement de
l'après midi était orienté sur le rassemblement du plus
grand nombre de jeunes et avait comme objectif la confrontation avec les forces
de l'ordre. Cela peut paraître fort mais les discussions que nous avons
pu avoir avec les lycéens ou les Renseignements Généraux
de la police nous ramenaient toujours au même point, la volonté de
confrontation. C'est pourquoi cette manifestation s'est regroupée sans
tracts mais par du bouche à oreille. La volonté de confrontation
était si élevé que nous avons décidé de
suivre le cortège en faisant attention de ne pas être assimiler
à des policiers, vu la différence d'âge avec les
participants. Au cours de la manifestation, des jeunes ont attaqué la
présidence de l'UBO. A noter que des membres de syndicats travaillistes
étaient présent mais sans banderoles ni signes distinctifs. A
partir de ce moment nous pouvons voir que la population jeune « casseurs
» est convergente avec les lycéens « casseurs ». Ce
rapprochement est le signe de l'intérêt commun qu'ont les deux
populations, jeunes « casseurs » et lycéens « casseurs
», à vouloir se confronter physiquement aux forces de l'ordre. Il
n'y a pas de messages particulier ni de revendications, il s'agit là
de
28 Cf. annexes 5
27
la casse pour la casse. Pourtant en observant plus longuement
le mouvement, nous nous sommes rendu compte que la manifestation se termine aux
portes du quartier de Pontanézen, réputé pour être
« dur ». Là nous pouvons dire qu'il existe des
modalités de pratique de la contestation très différentes
entre les étudiants, lycéens et les jeunes « casseurs
». En effet, les étudiants ainsi que certains lycéens
n'utilisent pas la confrontation physique mais plutôt l'utilisation de
l'espace public tandis que les « casseurs » s'affrontent avec les
CRS. Dès lors, il semble exister des modalités de pratiques
corporelles propres à des logiques communautaires.
Pour conclure, le mouvement brestois de 2007 est un mouvement
de contestation sociale car nous avons vu qu'il existait un ensemble
d'objectifs visant à contester les décisions de l'Etat. De plus,
nous avons mis en évidence l'existence d'objectifs propres à
chaque population comme nous l'avons vu chez les étudiants et les
lycéens. Nous avons également mis en avant le fait qu'il existait
des interactions entre les différents objectifs et les acteurs, de fait,
ces interactions nous démontrent que les acteurs s'organisent afin
d'agir de concert. Plus précisément, les acteurs ont un objectif
en commun et coopèrent sans tenir compte de la population
d'appartenance. Dès lors, des communautés émergent le
temps du mouvement de contestation qui correspond avec leur objectif. Enfin,
nous avons relevé que le mode de contestation, soit la pratique
utilisée, est fonction d'une logique communautaire. Dès à
présent, il va être pertinent de caractériser le type de
rite que nous avons observé.
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