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La protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive en droit positif togolais


par P. Roger KPAKOU
Université de Parakou - Master en droit pénal et sciences criminelles 2020
  

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B. L'insensibilité au temps des délais de la détention préventive

Le code de procédure pénale prévoit des délais au-delà desquels la détention avant jugement perd sa légalité. Le premier alinéa de l'article 113 CPPT énonce que l'inculpé domicilié au Togo ne peut être détenu plus de dix jours après sa première comparution devant le juge d'instruction, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur à deux ans d'emprisonnement. Le second alinéa prévoit que le prévenu est mis en liberté d'office lorsque la durée de la détention préventive atteint la moitié du maximum de la peine encourue. Précisément, ces deux alinéas méritent une analyse approfondie. Il est évident que le premier alinéa prescrit une détention préventive brève en cas de commission d'infractions de faible gravité. Il doit en être ainsi pour toute personne domiciliée au Togo et qui est poursuivie par exemple pour abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse116 ; violences volontaires légères117, blessures involontaires118, acte de discrimination en matière d'emploi et de profession119, etc. Le

114 En effet, la retranscription du procès dans cette affaire a montré que toutes les preuves du dossier de l'accusation avaient été recueillies avant le 1er juin 1988 et qu'aucune autre enquête n'avait été menée après cette date. Toutefois, le procès n'avait commencé qu'à partir du 6 octobre 1989.

115 « Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle »

116 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02), art 194 et suivants NCPT

117 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02), art 226 NCPT

118 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02), art 243 NCPT

119 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02), art 308 NCPT

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second alinéa est le plus inquiétant. En effet, il dispose « La mise en liberté est également de droit lorsque la durée de la détention préventive atteint la moitié du maximum de la peine encourue et que l'inculpé est délinquant primaire ». Sur la première condition tenant à un délai de la détention préventive correspondant au maximum de la peine encourue, il faut distinguer selon que l'infraction reprochée au prévenu est qualifiée de crime ou délit. En droit positif togolais, un prévenu poursuivi pour une infraction délictuelle, encourt au maximum cinq ans d'emprisonnement. Conformément à l'article 113.b, la mise en liberté de droit lui est acquise au terme d'une détention préventive de deux ans et six mois (30 mois). Ce délai est long et ses conséquences sont énormes pour les libertés individuelles. Il faut remarquer que ce délai légal (30 mois) se rapproche largement de celui incriminé par le comité des droits de l'homme dans l'affaire « Boodoo c. Trinité-et-Tobago » (33mois) pour violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable. L'atteinte à la liberté individuelle est exacerbée lorsque le prévenu est poursuivi pour une infraction criminelle. Après la révision du code pénal et son adoption en novembre 2015, le maximum de la réclusion criminelle est passé à cinquante ans. Le durcissement de la sanction se justifie par la gravité des infractions reprochées120. Un accusé encourt donc une peine maximale de cinquante ans s'il est poursuivi pour « complicité d'assassinat » par exemple. Conformément à l'alinéa b de l'article 113, il ne devrait être éligible à la mise en liberté de droit qu'après vingt-cinq ans de détention. C'est insensé. Heureusement, une atténuation est apportée en matière criminelle par l'article 7 du code de procédure pénale. Au terme dudit article, l'action publique se prescrit si l'infraction n'a pas été déférée à la juridiction de jugement par citation ou ordonnance de renvoi dans un délai de « dix ans en matière de crime ». Ce délai est prolongé d'un an si l'instruction ouverte avant expiration du délai n'est pas achevée. Cette disposition ramène le quantum requis pour la mise en liberté de droit en matière criminelle à onze ans, ce qui demeure n'en demeure pas moins insensible au temps.

Par devers les délais légaux longs, bien que proscrites par la constitution en son article 13121, les détentions arbitraires sont courantes en pratique. Le droit positif togolais ne répond pas clairement à la question de savoir quand est-ce qu'une détention devient

120 Entre autres, torture, génocide, etc.

121 Art 13, al 2 de la constitution togolaise : « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa liberté »

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arbitraire ? Trois critères ont étés dégagés par le groupe de travail sur la détention arbitraire créé en 1991 par la commission des droits de l'Homme des nations Unies. D'abord, s'il est manifestement impossible d'invoquer un fondement juridique quelconque qui justifie la privation de liberté. Ensuite, si la privation de liberté résulte de l'exercice par l'intéressé des droits ou des libertés proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et, pour autant que les États concernés soient partis au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Enfin, si l'inobservation, totale ou partielle, des normes internationales relatives au droit à un procès équitable, énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les instruments internationaux pertinents acceptés par les États concernés, est d'une gravité telle que la privation de liberté prend un caractère arbitraire.

Les détentions arbitraires sont courantes. À la prison civile de Lomé, un prévenu accusé de complicité de vol aggravé a été incarcéré pendant 08 ans pour enfin être libéré pour défaut de dossier. Son dossier était introuvable122. Violenté lors de l'enquête préliminaire, ce dernier a été hospitalisé pendant presque toute la durée de sa détention. À la brigade pour mineurs de Lomé en général, les mineurs poursuivis pour délit de droit commun sont le plus souvent victime de détention arbitraire. En effet, l'article 323 alinéa 2 du code de l'enfant dispose que « la durée du placement provisoire ne peut excéder trois (03) mois pour les délits... ». Ce délai n'est pas très souvent respecté en pratique.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius