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La protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive en droit positif togolais


par P. Roger KPAKOU
Université de Parakou - Master en droit pénal et sciences criminelles 2020
  

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Paragraphe 1 : La violation du droit à une détention brève

Le philosophe BECCARIA affirmait que « L'emprisonnement est donc uniquement le moyen de s'assurer du citoyen jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable, et cette mesure étant essentiellement pénible doit durer le moins de temps possible et être le moins rigoureux qu'il se peut »105. Il est fondamental que la détention préventive soit utile et brève. En pratique, les délais ne sont pas respectés. La lenteur judiciaire en est une cause. Dans un premier temps, la notion de détention préventive sera abordée (A) et dans un second temps, il sera développé l'insensibilité au temps des délais de la détention préventive (B).

A. La notion de droit à une détention brève

En droit positif togolais, le droit de toute personne d'être jugée dans un délai raisonnable est un droit constitutionnel, prévu au premier alinéa de l'article 19 qui proclame : « Toute personne a droit en toute matière à ce que sa cause soit entendue et tranchée équitablement dans un délai raisonnable par une juridiction indépendante et impartiale ». L'intention du législateur est d'éviter de garder des personnes en incarcération préventive dans un état d'incertitude et de façon prolongée. Comme le

105 C. BECCARIA, Des délits et des peines, ibidem, p. 33

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clame une maxime célèbre dont l'origine remonte à la Magna Carta106 « Justice delayed is justice denied107 ».

Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable est une composante du droit à un procès équitable. Elle ne vise pas seulement la protection du prévenu. L'on peut lui trouver trois bienfaits. La première est dans l'intérêt de la victime, afin de lui faire droit et de permettre une réparation de son préjudice (par la sanction de l'auteur et le paiement éventuels des dommages et intérêts). La seconde est dans l'intérêt de la justice, en faveur d'une bonne administration de la justice pour ce qui concerne la collecte des preuves par exemple108. La troisième est encore dans l'intérêt de la politique criminelle, en ce qui concerne la sanction du prévenu. Très souvent, lorsque la peine est infligée longtemps après la commission de l'acte, le condamné peut peiner à faire le lien entre la sanction et le comportement incriminé. La société peut elle aussi peiner à « comprendre, surtout s'il a été remis en liberté provisoire, comment il se fait qu'il peut jouir d'une longue période de liberté sans avoir eu à subir de procès »109. Sur ce dernier point, la conséquence peut être une suspicion de corruption ou de collaboration mafieuse entre les juges et le mis en cause. Ceci contribue à une perte de confiance des justiciable en la justice.

Certaines considérations pertinentes peuvent toutefois justifier un retard dans le traitement d'une affaire. Le comité des droits de l'Homme et la cour européenne des droits de l'Homme en dresse une liste non exhaustive. Le retard peut s'expliquer par la complexité des questions juridiques déterminées110, la nature des faits à établir111, le nombre de personnes accusées ou des parties dans les procédures civiles et de témoins apportant des preuves112, ou être le résultat de toute procédure d'appel113.

106 La grande charte en Angleterre en 1215

107 Justice différée est justice refusée

108 Par exemple, la qualité des témoignages peut être dégradée après un trop long temps écoulé depuis la commission de l'infraction

109 M. GIROUX et E. O'SULLIVAN, procédure pénale, Ed. Yvon Blais, 1999, p. 76

110 Deisl c. Autriche, Comité des droits de l'homme (HRC), Communication 1060/2002, UN Doc CCPR/ C/81/D/1060/2002 (2004), par. 11.2-11.6

111 Triggiani c. Italie [1991] CEDH 20, par. 17 (partie « En droit »)

112 Angelucci c. Italie [1991] CEDH 6, par. 15 (partie « En droit »)

113 Deisl c. Autriche, Comité des droits de l'homme (HRC), ibidem

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Le délai raisonnable est appréciable à compter du moment à partir duquel une personne est arrêtée jusqu'à ce que le jugement soit rendu et que tous les appels ou les révisions applicables soient effectués. Certains critères jurisprudentiels peuvent être cités pour évaluer le caractère raisonnable de la durée de la détention avant jugement. Le Comité des droits de l'homme a considéré dans l'affaire « Teesdale c. Trinité-et-Tobago » qu'il y avait une violation au droit d'être jugé dans un délai raisonnable114. Dans une autre affaire, « Boodoo c. Trinité-et-Tobago », le Comité a également conclu que la période de 33 mois entre l'arrestation et le procès sur une accusation de vol simple, constituait un délai injustifié et ne pouvait pas être considérée comme compatible avec les dispositions de l'article 9.3 PIDCP115. Le droit à un procès rapide est plus important dans le contexte où l'accusé est privé de sa liberté.

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