CONCLUSION
En droit positif togolais, la protection du droit à la
liberté est soumise à de rudes épreuves dans la phase
avant jugement de la procédure pénale. Au carrefour des
mystères de la vie, tout citoyen peut se retrouver impliqué, de
près ou de loin, à titre de présumé auteur,
présumé complice, présumé receleur dans une affaire
judiciaire, délictuelle ou criminelle. L'attente légitime du
justiciable dans cette situation serait que la loi parvienne
véritablement à protéger « l'innocence de
l'innocent » et qu'elle déploie les différents
mécanismes de l'instruction aux fins de la manifestation de la
vérité au terme d'un procès équitable tenu dans un
délai raisonnable. C'est pour cela que la protection du droit
fondamental à la liberté est importante dans la procédure
pénale avant jugement. Il faut que le droit à la liberté
soit préservé à toutes les étapes de la
procédure pénale avant jugement, sauf en cas de
nécessité absolue. Pour cause, tout citoyen togolais a le droit
à la sécurité de sa personne277. Cette
sécurité se réalise in concreto par la protection
des droits et libertés fondamentales du citoyen.
À la question de savoir si le régime de la
détention préventive en droit positif togolais est de nature
à protéger efficacement le droit à la liberté des
personnes à l'épreuve de la détention préventive,
il a pu être analysé que la protection reste limitée.
D'importants acquis sont à relever à l'actif du
législateur. Il s'agit notamment de la consécration du principe
d'exception de la détention préventive dans phase de la
procédure pénale avant jugement en droit positif togolais. Ce
principe est rappelé par l'article 112 du code de procédure
pénale « La détention préventive est une mesure
exceptionnelle ...». Dans le même sens, le droit positif
togolais a le mérite de consacrer le contrôle judiciaire.
L'institution du contrôle judiciaire devrait servir d'alter-moyen toutes
les fois où le maintien en liberté sans conditions est impossible
au regard des nécessités de la procédure en cours.
Toutefois, les défis demeurent. Le recours abusif au placement en
détention préventive reste très élevé. La
surpopulation carcérale des détenus préventifs est la
caractéristique majeure des infrastructures carcérales au Togo en
l'état. Le zèle
277 Article 13 de la constitution togolais «
L'État a l'obligation de garantir l'intégrité physique
et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le
territoire national »
91
insidieux de certains magistrats n'en est pas la seule cause.
En effet, l'efficacité des mesures de contrôle judiciaire est
remise en cause en pratique. Pour éviter les risques de fuite et par
défaut de garantie de représentation, les magistrats
préfèrent encore le recours au placement en détention
préventive. Au cours de la détention préventive,
d'importantes lacunes sont observables. En effet, des détentions
prolongées sont récurrentes. Les détentions arbitraires
sont elles aussi légion, surtout au niveau de la brigade pour mineurs de
Lomé278. Ces violations flagrantes du droit à la
liberté sont commises alors même qu'à cette étape de
la procédure, la personne poursuivie reste présumée
innocente.
Il a également été observé qu'il
n'existe pas de régime de réparation de la détention
préventive injustifiée. C'est le défi majeur en la
matière dans le droit positif togolais. Toute victime d'une
détention injustifiée devrait avoir droit à une
réparation obligatoire du préjudice qui lui a été
causé, toutes les fois où cela est possible. Ceci n'est pas pris
en compte par l'actuel code de procédure pénale. D'ores et
déjà, des réformes stoïques ont été
résolument amorcées. Elles ont permis, entre autres l'adoption
d'un nouveau code pénal en novembre 2015 et celle d'une nouvelle loi sur
l'organisation judiciaire en octobre 2019. D'autres réformes restent
attendues, telles que l'adoption du nouveau code de procédure
pénale qui permettra la mise en oeuvre de la comparution pénale
et de la composition pénale. Certaines pistes de réflexion
devraient à l'analyse recevoir une attention particulière du
législateur au titre de réformes envisageables. Il s'agit, entre
autres de l'institution d'un juge indépendant chargé de la
protection du droit à la liberté dans la procédure
pénale : le juge des libertés et de la détention. Ce
nouveau magistrat du siège viendra marquer la séparation
définitive entre les fonctions de juge d'instruction et de
décision de placement en détention préventive. Les bonnes
pratiques observées dans d'autres législations279
permettront de renforcer son statut, son indépendance et son
efficacité en droit positif togolais.
La protection du droit à la liberté est aussi
tributaire de l'efficacité des mécanismes de contrôle du
respect des garanties de protection des droits fondamentaux. Le premier est
278 En ce qui concerne les infractions délictuelles le
plus souvent
279 Notamment la France au regard de l'affaire d'Outreau
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sans doute le contrôle du système judiciaire
lui-même. Il existe également plusieurs mécanismes de
contrôle externe au système judicaire. Il en est ainsi du
mécanisme national de prévention de la torture et du
sous-comité pour la prévention de la torture. Ces
mécanismes de contrôle sont a priori attachés uniquement
à la prévention des actes de torture dans les lieux de
détention. Toutefois, dans le cadre de leurs mandats, ils participent au
contrôle du respect des droits fondamentaux dans les lieux de
détention.
Le rôle de la société civile, comme
partenaire engagé auprès des autorités publiques pour la
protection des droits fondamentaux des justiciables au cours de la
procédure pénale, est bien connu de tous. Les OSC veillent au
respect des droits fondamentaux à toutes les étapes de la
procédure pénale. En ce sens, ils produisent des rapports
alternatifs sur la situation des droits de l'Homme, qui présente un
aperçu général de l'état de la protection des
droits et libertés individuelles. Ces données servent d'outils
pour les plaidoyers au niveau central. Elles servent également aux
différents mécanismes internationaux de protection des droits de
l'Homme pour faire des recommandations pertinentes à l'État
togolais. Les OSC s'engagent également dans la lutte contre l'ignorance
du droit, qui est une cause du non recours aux droits de la défense
garanti par la loi pour protéger le droit à la liberté.
Elles contribuent ainsi à la lutte contre le sentiment d'injustice qui
peut être celui d'une personne qui se retrouve en situation conflictuelle
avec la loi après commission d'un acte dont il ne connaissait pas la
valeur infractionnelle. Il est aujourd'hui opportun de faire une
évaluation de toutes les actions menées par les OSC afin de
contribuer à la protection du droit à la liberté du
citoyen dans la procédure pénale avant jugement au Togo.
La protection du droit à la liberté dans la
procédure pénale avant jugement s'estompe après la
condamnation de l'accusé à une peine d'incarcération au
terme du procès. Toutefois, les détenus restent des
détenteurs de droits. Le texte de référence en
matière de protection des droits des détenus au niveau
international est celui des règles Nelson Mandela. Quelle est
aujourd'hui, en droit positif togolais, l'état de la politique publique
de la réinsertion sociale des détenus ? Quel est également
le bilan de l'action des OSC qui s'engagent dans ce sens ? Cette
réflexion s'impose dans l'intérêt de la lutte contre le
taux élevé de récidive en droit positif togolais.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I. OUVRAGES
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