La protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive en droit positif togolaispar P. Roger KPAKOU Université de Parakou - Master en droit pénal et sciences criminelles 2020 |
B. La nécessité d'une vulgarisation des textes des droits et libertésLa mise en oeuvre des mesures de protection du droit à la liberté lors de la détention préventive relève de la responsabilité de l'autorité judiciaire mais aussi du justiciable. L'ignorance de la loi freine l'appropriation et le recours effectif aux droits de la défense prévus par la loi en protection du droit à la liberté jusqu'au procès en droit positif togolais. Pour surmonter cette limite, les justiciables doivent être familiarisés aux dispositions légales qui encadrent le régime de la détention préventive. Le droit à l'information est garanti en droit positif togolais depuis l'adoption de la loi n°2016-006 du 30 mars 2016 la loi portant liberté d'accès à l'information et à la documentation publique. Il faut préciser que la reconnaissance du droit à l'information en droit positif togolais a pour corollaire la consécration d'une obligation de s'informer qui pèse sur le justiciable. C'est un devoir pour tout justiciable de s'informer. Les organisations de la société civile sont nombreuses à contribuer à la sensibilisation des justiciables sur les droits de l'Homme. Néanmoins, la primeur de cette action de sensibilisation des justiciables revient à l'État. Dans son rapport final rendu public en août 2012, la CVJR rappelait à l'État togolais sa responsabilité de « vulgariser les droits de l'Homme auprès de tout citoyen afin d'améliorer la connaissance par tous de leurs droits et l'accès à la justice 271». En ce sens, plusieurs actions de sensibilisation ont été effectuées par l'État, notamment dans le cadre du programme d'appui au secteur de la justice (PASJ). Ainsi, un guide juridique des droits et obligations du justiciable a été rendu public en 2014. Il vise à donner au citoyen les moyens de mieux connaitre le fonctionnement de la justice. Dans le même sens, le Conseil supérieur de la magistrature a élaboré et publié en 2017, une « Directive sur l'Éthique et la Déontologie du Magistrat ». Ces deux documents ont fait l'objet d'une campagne nationale de vulgarisation. Des « maisons de justice » ont été ensuite créées en 2018. Ces structures de relais entre les juridictions classiques et les organes traditionnels de règlement des conflits entre les concitoyens sont comparables aux « tribunaux de conciliation272 » installés en droit positif béninois. Elles ont pour but de désengorger les tribunaux 271 Recommandation 20, rapport final CVJR, vol 1, p. 269 272 Titre 2 de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin, modifiée par la loi n°2016-15 du 28 juillet 2016 88 classiques en instaurant « une justice de proximité ». Elles y procèdent au moyen des conciliations, des médiations ainsi que de l'information et de l'orientation juridique apportées au justiciable. Les organisations de la société civile contribuent au renforcement des capacités tant des acteurs de la chaîne pénale que des détenus et des justiciables en général. À l'endroit des acteurs de la chaîne pénale, des programmes de formation sur des thématiques spécifiques sont organisés périodiquement. Il s'agit de thématiques intéressant la protection des personnes vulnérables, la prévention de la torture, la lutte contre le recours abusif à la détention préventive, etc. À l'endroit des prévenus, des sensibilisations sont régulièrement organisées dans les lieux de détention avec une préférence pour des thématiques telles que les droits de la défense, les délais de procédure, la rédaction des différents actes etc. Cette dynamique a conduit à la mise en place de plusieurs clubs juridiques au sein des différentes prisons273. À titre d'appui à la sensibilisation des prévenus, il faut relever l'implication individuelle de plusieurs magistrats dans les programmes de sensibilisation. Un manuel fondamental a d'ailleurs été élaboré en 2012 par la magistrat Suzanne SOUKOUDE FIAWONOU, directrice du centre de formation des professionnels de la justice du Togo. Il est dénommé « Guide des droits du détenu ». « Ce guide permettra à tout détenu dans le cadre d'une procédure judiciaire pénale, à tout moment de la procédure, de connaître facilement et précisément ses droits, ce qu'il peut faire ou doit faire pour les exercer au mieux274 ». Ce manuel est l'objet d'une grande vulgarisation dans les lieux de détention au Togo. Il faut également saluer l'initiative d'une équipe de juristes béninois et togolais qui ont créé une start-up numérique pour contribuer à une meilleure connaissance des droits fondamentaux par le citoyen lambda. En effet, ces derniers ont mis en place une plateforme électronique « les bons conseils juridique275s » qui publie quotidiennement des contenus juridiques à l'endroit des internautes276. 273 Rapport final, Atlas de la torture, 2013, p. 20 274 Voir avant-propos, Suzanne SOUKOUDE FIAWONOU, Guide des droits du détenu, ibidem, p.VI 275 https://www.facebook.com/Jurisconseillers/, consulté le 23 juin 2020 276 Avec entre autres, une rubrique consacrée aux droits et libertés fondamentales chaque lundi et une rubrique consacrée à la procédure pénale chaque mercredi 89 Il est important aujourd'hui de faire une évaluation de toutes ces actions de sensibilisation pour poser le diagnostic des avancées observées et définir les nouvelles stratégies. Cette activité permettra sans nul doute d'adapter et de réorienter les actions face aux nouveaux défis rencontrés dans la lutte pour une protection efficace du droit à la liberté jusqu'à un procès en droit positif togolais. 90 |
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