B. Le contrôle du sous-comité pour la
prévention de la torture
Le sous-comité de prévention contre la torture
est un mécanisme de contrôle supranational, mis en place par
l'OPCAT. Il a un double mandat « visiter les lieux de détention
dans les États qui ont ratifié le Protocole facultatif et ...
fournir conseils et assistance concernant l'établissement des MNP dans
ces pays 239». Pour ce faire, les États parties
sont tenus de lui accorder un libre accès aux lieux de détention
sur leur territoire et de faciliter sa mission. Le sous-comité effectue
des visites inopinées de contrôle dans les lieux de
détention de chacun des pays membres des Nations-Unies sans distinction.
À la suite d'une visite, le sous-comité élabore un rapport
et prépare des recommandations qui sont ensuite soumises au
gouvernement. Le sous-comité effectue le suivi de ces recommandations
par l'entremise du comité contre la torture (CAT).
Le Togo a déjà reçu deux visites du
sous-comité. Lors de sa première visite régulière
du 1er au 10 décembre 2014, le sous-comité s'est rendu dans 25
lieux de détention240 dans
236 Rapport d'activités, Exercice 2019, CNDH, p. 135
237 Ibidem
238 Ibidem, p. 136
239 Prévenir la torture : Guide pratique à
l'intention des Institutions nationales des droits de l'homme, p. 78
240 Y compris les commissariats de police et de gendarmerie,
les prisons, les camps militaires, l'hôpital psychiatrique de
Zébé, la brigade pour mineurs de Lomé, l'unité du
Cabano
79
les 5 régions241. S'agissant des prisons, le
sous-comité a relevé que « ces conditions correspondent
à un traitement inhumain et dégradant, certaines pouvant
même être assimilées à un acte de torture dans la
mesure où les autorités compétentes en sont pleinement
informées 242». Au terme de ses visites, le
sous-comité a fait plusieurs recommandations à l'État
togolais. L'une concernait l'adoption en urgence d'un règlement
intérieur pour tous les centres de détention parce qu'en
l'état, le régime de détention est géré par
les détenus auxquels l'autorité pénitentiaire remet le
contrôle de la vie interne des centres de détention243.
Ceci est bien évidemment cause d'une gestion arbitraire qui
implémente l'enracinement des « privilèges monnayés
». Une autre recommandation concerne l'équipement de «
chaque établissement pénitentiaire des services
réguliers d'un médecin qualifié pour examiner chaque
détenu aussitôt que possible après son admission, et pour
surveiller la santé physique et mentale des personnes détenues,
notamment par la création d 'un dossier médical pour chacune
d'elles.244». Il en est de même de celle «
d'assurer un accès aux traitements à tous les détenus,
y compris aux indigents245 ». L'ensemble des
recommandations vise à l'amélioration de la protection des
personnes incarcérées au Togo.
Une seconde visite a été effectuée par le
sous-comité du 8 au 12 avril 2019 au Togo. Cette mission a
été effectuée avec l'assistance des organisations
internationales et nationales, notamment l'OMCT et le CACIT. La
problématique persistante de la détention préventive, a
emmené le sous-comité à faire plusieurs recommandations.
Il a recommandé que « les magistrats (soient formés) sur
les effets de la détention préventive anormalement longue qui est
cause de la surpopulation carcérale246 ».
Également, il a recommandé de « faciliter l'accès
à tous les lieux de détentions à la CNDH et aux
organisations de la société civile afin de permettre un
contrôle externe par les MNP et le sous-comité
247».
241 Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au
10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées
à l'État partie, par.2, p. 2
242 Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au
10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées
à l'État partie, par.21, p.6
243 Rapport du SPT, ibidem, par.36, p. 9
244 Rapport du SPT, ibidem, par.49, p. 13
245 Ibidem, par.50, p. 13
246 Rapport de mission du sous-comité pour la
prévention de la Torture au Togo, p.12 (version non finalisée)
247 Ibidem
80
Les mécanismes de visites des lieux de détention
créés par l'OPCAT contribuent à veiller au respect des
droits fondamentaux des détenus, dont les prévenus, en ce qui
concerne spécifiquement le droit au respect de sa dignité et
l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants.
SECTION 2 : La contribution de la
société civile au respect des garanties de protection du droit
à la liberté
Selon la définition des Nations Unies, les acteurs de
la société civile comprennent248 : les organisations
de défense des droits de l'homme, Les fédérations (aussi
bien syndicats qu'associations professionnelles telles que les associations de
journalistes, les ordres des avocats, les associations de magistrats, les
fédérations étudiantes), etc. Les OSC sont très
actives dans la protection des droits de l'Homme au Togo. En ce sens, elles
s'engagent aux côtés du gouvernement et font parallèlement
un contrôle citoyen de ses actions publiques. Les OSC sont des acteurs
clés du contrôle externe de la protection des droits fondamentaux
des personnes poursuivies au plan national. Pour étudier le champ
d'action de la société civile, il convient d'aborder dans un
premier temps la contribution à l'effectivité de la protection du
droit à la liberté (Paragraphe 1) et dans un second temps la
contribution au renforcement de la connaissance des droits et libertés
fondamentales (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : la contribution à
l'effectivité de la protection du droit à la
liberté
La société civile participe à
l'amélioration de la situation des droits de l'Homme au Togo. Son action
en faveur de l'effectivité de la protection du droit à la
liberté avant jugement peut s'appréhender en deux temps. Aussi,
il sera abordé dans un premier temps la contribution pour un recours
effectif aux droits de la défense (A) et dans un second temps le
plaidoyer pour un renforcement du cadre institutionnel (B).
248 Guide pratique pour la société civile,
LE CHAMP D'ACTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE SYSTÈME
DES DROITS DE L'HOMME DES NATIONS UNIES, OHCR, p. 3
81
A. La contribution pour un recours effectif aux droits de
la défense
Plusieurs OSC sont engagées dans la protection des
droits fondamentaux des personnes en conflit avec la loi au Togo : le CACIT,
l'UCJG, le CDFDH, le WANEP, la SMPDD, etc. Certaines OSC ont un mandat de
spécifique en faveur des groupes vulnérables. C'est l'exemple du
BNCE-Togo qui s'intéresse spécifiquement à la protection
des droits de l'enfant et du GF2D qui s'intéressent aux questions
à la protection spécifique des femmes. Les activités
menées par les OSC et qui servent de cadre de contrôle du respect
des droits fondamentaux des personnes en conflit avec la loi sont multiples.
Les plus importantes sont les activités de monitoring des lieux de
détention. Selon la définition du HCDH, « Le monitoring
est un terme de sens large, décrivant la collecte active, la
vérification et l'usage immédiat d'informations en vue de
résoudre des problèmes de droits humains
249». L'objectif du monitoring des lieux de
détention est de contribuer à une meilleure protection des droits
fondamentaux des personnes incarcérées à travers
l'identification et le report des violations observés. Le monitoring des
lieux de détention joue également un rôle préventif
puisse que les acteurs étatiques deviennent plus attentifs à leur
conduite du fait de la permanence du contrôle. Au cours des actions de
monitoring des lieux de détention, les OSC font des assistances
juridiques.
L'assistance juridique qui est apporté aux
détenus lors des actions de monitoring, permet d'orienter ces derniers
vers tout moyen de droit pouvant leur permettre de défendre leurs
intérêts250. Ainsi, les OSC aident les détenus
à rédiger des demandes de libération provisoire, des
lettres de demandes d'audience, etc. Dans son rapport d'activité de
l'année 2019, le CACIT affirme que « Quarante-huit (48) lettres
de demande d'audience, huit (08) demandes de libération provisoire et
six (06) lettres de libération conditionnelle ont été
déposées devant les juges d'instruction. Ces lettres
d'audience
249 MANUEL DE FORMATION SUR LE MONITORING DES DROITS DE
L'HOMME, SÉRIE SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE N° 7, HCDH, p.
16
250 Notamment le droit à la liberté en ce qui
concerne les prévenus
82
ont permis aux détenus de rencontrer leur juge
d'instruction et de voir leurs dossiers avancer251 ».
Suite aux dépôts des différentes requêtes, les OSC
effectuent des actions de suivi auprès des cabinets d'instruction pour
prévenir la lenteur judiciaire. Il faut à cet égard
relever la collaboration positive avec les cabinets d'instruction. C'est
surtout le cas avec les juges pour mineurs. Très souvent, c'est
l'intervention des OSC est nécessaire pour la libération
effective des enfants en conflits avec la loi. En effet, certains parents ne
veulent plus accueillir leurs enfants après leur séjour
carcéral. L'enfant demeure ainsi en détention bien que le juge
pour enfant ait ordonnance de libération et de placement dans sa
famille. Les OSC effectuent des actions afin de rechercher et rencontrer ces
parents afin de les entretenir sur leur devoir à l'égard du
mineur. Ces actions aboutissent le plus souvent au retour des enfants dans leur
famille ou le cas échéant au placement des mineurs ainsi
libérés dans des centres d'accueil. Un fait notable de l'action
des OSC pour la protection du droit à la liberté est celle du
CACIT qui a conduit à la libération de trois mineurs en situation
de détention arbitraire à la brigade pour mineurs de Lomé.
Alors que l'article 323 alinéa 2 du code de l'enfant prescrit un
délai maximal de trois mois de détention pour les mineurs
poursuivis pour avoir commis des délits, ces trois mineurs ont
passé plus de huit mois de détention préventive. Cette
situation était en grande partie due au fait que les trois mineurs
avaient été transféré depuis la prison civile de
Tsévié pour Lomé. Par suite de leur transfert, le juge en
charge a été muté. Il se posait une difficulté
pratique d'accessibilité. Après identification de ce cas, le
CACIT a rencontré le juge pour mineurs en charge le 14 octobre 2019. Le
juge a rendu une ordonnance de mainlevée de la garde provisoire trois
jours plus tard, le 17 octobre 2019.
Certaine OSC s'engagent également dans la lutte contre
la lenteur judiciaire et les détentions prolongées. C'est le cas
de l'ONG Prisons délices qui a appuyé à l'organisation des
audiences en exécution d'un projet dénommé « aide
judiciaire aux détenus ». En trois ans, plus de cinq
cent252 détenus ont retrouvé leur liberté. Le
projet a couvert la période de 2012 à 2018.
251 Rapport d'activités Janvier-Décembre 2019,
CACIT, inédit, pp. 9-10
252 6è, 7è et 8è Rapports
périodiques de l'état togolais sur la mise en oeuvre de la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, p. 197
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