Formation de contrat électronique en droit congolais et en droit françaispar Serge ATIBASAY MOTINDO Université de Bunia - Licence en droit privé et judiciaire 2020 |
5.4. MOMENT DE LA RENCONTRE DE VOLONTEPour les auteurs qui ont formulé cette autre théorie, le processus de l'accord de volontés dont dépend la formation du contrat ne peut se concevoir autrement que par une véritable rencontre de volontés: la simple coexistence de deux volontés n'est pas suffisante: pour qu'il y ait accord de volontés, ces dernières doivent se rencontrer en un lieu et à un moment donné et le contrat ne saurait être considéré conclu avant que cette rencontre n'ait eu lieu. En conséquence, le contrat ne sera parfait qu'au lieu et au moment où l'offrant prendra connaissance de l'acceptation : c'est la théorie de l'information. A l'instar de la théorie de la déclaration, celle de l'information met également l'un des contractants à la merci de l'autre. Alors que pour les raisons déjà mentionnées, la théorie de la déclaration met l'offrant à la merci de l'acceptant, celle de l'information renverse les rôles. En effet, puisque le contrat ne sera pas conclu tant que l'offrant n'aura pas pris connaissance de l'acceptation, le pollicitant ayant changé d'idée quant à l'opportunité de conclure l'entente n'aura qu'à éviter de prendre connaissance de l'acceptation pour que le contrat ne puisse naître. Par exemple, il n'ouvrira pas la lettre que l'acceptant a postée ou il refusera d'écouter les messages qu'aurait pu laisser sur son répondeur l'acceptant. Et même s'il le faisait, la preuve de ce fait demeurerait toujours pour le moins problématique. Encore une fois, ces considérations de preuve obligent à apporter à la théorie de l'information une atténuation de façon à remettre sur un pied d'égalité nos deux contractants. Présumons donc que l'offrant prend connaissance de l'acceptation dès qu'il a la possibilité d'en prendre connaissance, c'est à dire dès qu'il l'aura reçue. La théorie de la réception décide donc que le contrat est conclu au lieu et au moment où l'offrant a reçu l'acceptation, puisque celui-ci est alors présumé en avoir dès lors pris connaissance. Ce qu'il faut noter c'est que, tout comme les tenants des théories de l'expédition et de la déclaration partagent la même notion de l' «accord de volontés» comme étant une simple coexistence de celles-ci, ceux des théories de la réception et de l'information, au contraire, estiment que le contrat n'est conclu que lorsque l'offrant a eu une connaissance, réelle ou présumée, de l'acceptation. Plus qu'une coexistence de volontés, il y a dans ce dernier cas, une véritable rencontre de volontés. Les partisans de l'accord de volontés comme simple coexistence n'ont pas manqué de critiquer ceux qui prétendent que la rencontre de volontés est la condition sine qua non de la conclusion du contrat. Selon eux, lorsque les contractants ne sont pas en présence l'un de l'autre, il est impossible qu'il y ait véritablement «rencontre de volontés». En effet, lorsque l'offrant apprend que l'acceptant a accepté, l'acceptant, lui, ne sait pas que l'offrant sait qu'il a accepté... et ainsi de suite ad infinitum. Il n'y aura donc, dans ces cas, jamais de véritable rencontre de deux volontés qui se connaissent mutuellement.31(*)Cet argument, malgré son élégance, ne nous convainc pas. En effet, il y a tout un monde de différence entre l'incertitude de l'offrant qui ne sait pas si son offre a été acceptée et celle de l'acceptant qui, bien que n'étant pas certain que son acceptation est connue de l'offrant, a néanmoins toutes les raisons de croire que celle-ci le sera tôt ou tard. En d'autres termes, la conclusion du contrat ne saurait constituer une surprise pour l'acceptant, alors que pour l'offrant, elle demeure intrinsèquement imprévue puisqu'il ne sait pas si l'acceptant acceptera. Aussi, la critique de la régression à l'infini n'est pas valable puisqu'elle ne tient pas compte de la différence de nature qui sépare l'ignorance de l'offrant de celle de l'acceptant. Dans le premier cas, l'offrant ignore l'existence même de la volonté de l'acceptant, alors que l'acceptant, conscient de la volonté de l'offrant et, évidemment, de la sienne propre, a une connaissance personnelle de ces deux volontés. Décider que le contrat ne sera conclu que lorsque l'offrant aura connu (ou du moins qu'il aura reçu) l'acceptation, c'est uniquement faire en sorte que le contrat ne soit définitivement conclu qu'au moment où l'offrant aura lui aussi le bénéfice de connaître les deux volontés qui, ensemble, vont faire naître le contrat. On le voit bien : la théorie de l'information, et sa version pragmatique, la théorie de la réception, mettent ainsi sur un pied d'égalité l'offrant et l'acceptant à propos de ce qui compte vraiment: la connaissance de l'existence des deux volontés créatrices du contrat. Ce n'est donc qu'à compter de ce moment que l'on peut parler de la rencontre de deux volontés qui se connaissent. Le choix est donc simple: pratiquement l'on optera soit pour la théorie de l'expédition si notre conception de l'accord de volontés n'en fait que deux volontés qui coexistent ou soit pour la théorie de la réception, si l'on conçoit plutôt celui-ci comme une rencontre de volontés. Pour ce qui est de la détermination du moment de la formation du contrat par correspondance, la doctrine classique nous propose deux théories pouvant constituer la solution : Nous avons le système de l'émission et le système de la réception : 5.4.1. Système de l'émission Cette théorie dispose de deux variantes dont la théorie de l'expédition selon laquelle le contrat doit être considéré comme conclu dès le moment où la lettre d'acceptation est envoyée, expédiée. Dans une autre variante, la théorie de la déclaration de volonté, le contrat est formé dès que l'acceptation est donnée, émise, sans qu'il y ait lieu d'attendre l'expédition de la lettre. 5.4.2. Système de la réception Il se subdivise en un système de la réception stricto sensu (formation du contrat dès que l'acceptation parvient à l'offrant) et le système de l'information. En d'autres mots ; suivant la théorie de la réception, il ne suffit pas que les deux volontés coexistent, il faut qu'elles se connaissent mutuellement ; plus précisément il est nécessaire que l'offrant ait connaissance de l'acceptation car le contrat ne saurait être conclu à son insu. Le contrat ne sera donc formé que lors de la réception de l'acceptation, c'est-à-dire au moment où la lettre d'acceptation parvient à l'adresse de l'offrant. Dans une variante, la conclusion du contrat serait reportée jusqu'au moment où l'offrant prend effectivement connaissance de l'acceptation. * 31 J. Valérie, cité par GAUDET, Serge et KOURI, (1999 :8.) |
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