Elle se situe sur un triple aspect: Les contraintes
économiques, l'acquisition des savoirs techniques et l'adaptation
à l'environnement qui se trouve entre la carence des ressources et la
rivalité entre les acteurs. Pour s'adapter au nouvel environnement
économique, afin de conjuguer les efforts, la vie est marquée
dans les villages Nziou et Londji I par une montée en puissance des
regroupements associatifs entre d'une part, les membres d'une communauté
et d'autre part, les ressortissants des communautés différentes.
A cause des potentielles retombées, se retrouver dans un groupe
associatif aux finalités bien indiquées est devenue une mode au
sein des populations. Chose normale car, comme l'affirme MAISONNEUVE J.
(2010:5) «le groupe est associé à l'idée de force
[...] se`' regrouper» exprime bien l'intention de renforcement
mutuel d'individus qui se sentent isolément impuissants». En
effet, ces structures paysannes bien organisées constituent non
seulement des forces de défense des droits des membres, des cadres
d'échange d'expériences entre les collègues sur les
contraintes et opportunités de leur activité, mais
également sont des organes à la quête des programmes d'aide
et d'assistance allouée par l'Etat et/ou ses partenaires sociaux.
Dans les villages étudiés, plusieurs
savoir-faire en matière de pêche et de conservation des produits
halieutiques existent. En fonction des aspirations des uns et des autres,
chaque groupe de pêcheurs prend des initiatives allant dans le sens
d'acquérir des compétences `'fortes»,
bénéfiques et surtout compétitives. Au regard des envies,
des défis quotidiens des communautés en matière de
quête alimentaire, de subsistance et de revenu, l'adoption des cultures
de pêche et de fumage nouvelles par ces dernières doit être
comprise comme la résultante des initiatives individuelles visant
à multiplier les probabilités de capture pour ce qui est de la
pêche, assurer un état de fraicheur durable et une transformation
rapide pour ce qui est de la conservation. Cette sélection des savoirs
nouveaux, des pratiques jugées à tort ou à raison
efficaces, découle même des quêtes permanentes des
populations de toutes les sociétés. Nous pouvons dont comprendre
pourquoi CLAIDIERE N. (2009:160) reprenant RICHERSON et BOYD, (2005) affirme
que la: «culture est le résultat de mécanismes
d'apprentissage originaux qui ont évolué pour permettre à
l'homme de s'accommoder à des environnements variables temporellement et
spatialement». Les communautés de pêcheurs des villages
Nziou et Londji I ne sont pas loin de cette réalité.
Cependant comment s'y prendre dans un environnement où
rien n'est donné d'avance? Pour parvenir à leur fin, les
populations s'en servent de prime à bord des opportunités que
leur
98
offre la cohabitation à savoir: les mariages
interethniques, la situation de contact permanent, le travail en équipes
composées des ressortissants des diverses cultures aux
compétences spécifiques et variées, mais aussi de la
multiplicité des agents de transmission des connaissances au sein de la
communauté. Sur ce dernier point, nous avons relevé dans cette
catégorie d'acteurs qu'en dehors de l'entourage immédiat du jeune
pêcheur ou de la jeune fumeuse de poisson, les ressortissants des autres
communautés présentes sont fortement impliqués dans ledit
processus.
Dans ce contexte, il faut relever avec force que, la
créativité et le dynamisme sont nécessaires aux
différentes parties en cas de résistance, car si les techniques
se répandent assez rapidement bien qu'elles soient à sens unique,
il convient de reconnaître que la combinaison de l'esprit d'initiative
des communautés ou acteurs en quête de nouveaux savoirs et de la
disponibilité d'ouverture de celles détentrices des savoirs
sollicités, a offert dans les villages Nziou et Londji I un climat
propice à l'acquisition de nouvelles compétences ou à la
dynamique permanentes des techniques. Chose juste puisque la conservation ou le
changement rapide des traits culturels d'une manière
générale et des techniques de pêche et de conservation en
particulier, dépend des circonstances contextuelles et des besoins des
différents acteurs ou parties en présence. Car selon GUGLIELMINO
C. et al. (1995:7589), «les mécanismes de transmission
culturelle, avec leurs différents degrés de conservatisme,
déterminent la stabilité des traits culturels». En
fonction des situations et opportunités d'échange qu'offre le
contact tant en mer qu'au niveau des ménages entre les ressortissants
des différentes communautés de pêcheurs (camerounais,
nigérians et béninois) détenteurs des savoirs multiformes,
les acteurs de pêche acquièrent progressivement les techniques
envieuses apportant de ce fait, du nouveau dans leurs méthodes de
travail.
Toutefois, il convient de rappeler que dans une situation
où sévissent la carence et dans une moindre mesure la concurrence
pour l'accès aux ressources, chaque groupe de pêcheurs
présent en fonction de ses besoins, perfectionne au quotidien ses
savoirs, nourrit des ambitions et reste en éveil afin de tirer le
meilleur profit des portions des ressources halieutiques exploitables. Dans cet
élan, l'on note une implication stratégique des
communautés par secteur d'activité. La présence massive
des communautés béninoises et nigérianes au niveau de la
pêche est une manière pour ces derniers de contrôler
l'ensemble de la filière. A ce sujet, c'est le pêcheur qui
décide du choix des clients, des opportunités de pêche et
de vente. Ainsi, dans cette situation, plus un groupe d'acteurs a des
motivations supplémentaires, plus est significative sa fréquence
dans la participation dans l'activité de pêche.
99
III-3-Modification du prix relatif et degré de
participation des différents acteurs de pêche
La pratique de la pêche a connu plusieurs modifications
au niveau des pêcheries côtières de Kribi d'une
manière générale et celles de Nziou et de Londji I en
particulier. Pour exercer en toute liberté la pêche, il faut
désormais disposer d'un certificat de navigabilité au prix de
44000francs CFA renouvelable tous les ans moyennant une somme de 22000 francs
CFA environ, d'un permis de pêche au prix de 3000francs CFA. Et comme ces
contraintes ne suffisaient pas, la concurrence, la carence croissance due
à la dégradation des ressources et à la pollution marine
ont engendré la nécessité d'employer les engins plus
coûteux. En effet, le pêcheur peut acquérir le moteur
moyennant 1500000(cent cinquante mille) FCFA environ, la pirogue à
moteur à 400000(quatre cent mille) FCFA, les ballots de filets
300000(trois cent mille) FCFA. La nécessité de pratiquer une
pêche long séjour avec ses lots de dépenses; le
pêcheur est appelé à débourser pour une sortie en
mer des sommes considérables estimables entre 25000(vint et cinq mille)
et 30000(trente mille) FCFA. Moyens jugés excessifs par bon nombre de
nos informateurs. Ces situations ont entrainé une sorte d' handicap pour
les acteurs qui ne remplissent pas l'intégralité de ces
conditions à jouer le rôle de subalternes. Car, seuls les
détenteurs des matériels de pêche, décident de la
carrière des employés (personnel navigant) et des
opportunités des opérations de pêche sans oublier la
détermination du profil des acheteurs dans certaines circonstances.
D'après les résultats de nos entretiens, il
ressort que dans la catégorie des détenteurs des
matériels, les pêcheurs béninois et nigérians
présents sont majoritaires. Ainsi, au côté de cette
facilité d'accès par rapport aux pêcheurs locaux dont leur
octroie leur statut économique, le souci de recouvrir les fonds investis
amènent ces derniers à rester en permanence en activité.
Ces aspects économiques peuvent en partie expliquer le niveau de
participation limitée des populations locales en dépit des
observations apparentes sur l'uniformisation des techniques de capture et de
conservation des produits de pêche. Puisqu'en réalité, pour
qu'un savoir nouvel puisse intégrer sans anicroche les connaissances
d'un individu et influencer son mode de fonctionnement, il faut en qu'en dehors
de son bien être recherché, que ce dernier dispose du temps, des
moyens de son expérimentation et de sa pérennisation. Sur ce
sujet, CHAREST PAUL estime que:
Le progrès technologique répond au besoin
de tous les hommes de toutes les sociétés d'augmenter leur
bien-être en minimisant leurs efforts tout en augmentant au maximum leur
rendement. Dans cette recherche de la maximisation, les changements
technologiques sont rapidement acceptés à condition que les
avantages en soient apparents et que l'on dispose de capitaux suffisants
(CHAREST, P., 1973:45).
100
Etant sous la domination de leurs collègues
béninois et nigérians plus assis financièrement,
l'engagement des acteurs locaux dans la pêche ne peut être que
limité. En toute connaissance de cause, hors mis ces différents
scénarii, certains éléments sont à prendre en
compte dans cette tentative d'explication. Parmi ces aspects, nous pouvons
mentionner:
4 La diversification des activités de productions des
populations. En effet, si les pêcheurs issus de la migration vivent
essentiellement de la pêche et de ses activités connexes, les
acteurs locaux se livrent en dehors de cette activité principale
à l'exploitation et à la commercialisation du sable et du bois,
mais aussi pratiquent la chasse et l'agriculture. Ces différentes
occupations complémentaires les amènent dans une moindre mesure
à consacrer par moment un temps relativement court à
l'activité de pêche.
4 L'adoption massive des techniques exogènes
nécessite un temps pour leur assimilation et intégration
profondes dans les savoir-faire locaux. Dans ce sillage et à partir de
la panoplie des techniques introduites, valorisées et utilisées
par les différentes communautés, nous pouvons comprendre que les
pêcheurs locaux ne peuvent surpasser dans un écart de temps assez
court les personnes ou groupes d'acteurs promoteurs de certaines techniques
à la «mode». Pour atteindre le but escompté, il leur
faudra en dehors d'une motivation supplémentaire et permanente, plus de
temps afin qu'à travers leur expérience, les différents
acteurs puissent rivaliser à armes égales.
4 Les perceptions de la disponibilité des ressources
halieutiques sont significatrices et donnent quelques indices sur les causes de
leur subordination. Ainsi, la perception du poisson comme une ressource qui
restera éternellement disponible par certains, place la
compétition attendue entre les acteurs des différentes
communautés comme une bataille inopportune. Les propos de ce
pêcheur décrivent mieux cette vision partagée par plus d'un
pêcheur autochtone: «le poisson ne finira jamais dans l'eau. Les
autres pêcheurs sont de passage, nous sommes d'ici et ils iront nous
laisser avec notre mer» (NLEND ALBERT, Pêcheur, Batanga, Londji
I, le 19/12/2010). Dans cette logique, ces derniers ne sont pas dans une
pêche de compétition, mais une pêche de subsistance, car
comme l'avait déjà relevé KEKE M. et al. (1993:23), les
populations camerounaises côtières traditionnellement
tournées vers la mer, ont toujours considéré la
pêche comme une activité de subsistance. Par contre les
pêcheurs béninois et nigérians se livrent à une
pêche de compensation, une pêche axée sur la maximisation
rapide du profit. Fort de leurs multiples obligations, la principale source de
revenu qu'est la pêche, est en permanence en exploitation. C'est
pourquoi, malgré le degré de changement observable dans leur
activité principale de survie, le degré de participation des
locaux dans l'exploitation des ressources halieutiques reste moins important
par rapport aux acteurs issus de la migration.
101
Cependant, le changement des techniques étant
dès lors une réalité vivante, quelles conséquences
entraine-t-il dans le quotidien des populations de Nziou et de Londji I ?
IV-IMPACT DE LA DYNAMIQUE DES TECHNIQUES DE PECHE ET
DE COINSER-VATION DU POISSON DANS LES VILLAGES NZIOU ET LONDJI I.
Que nous soyons au niveau des captures que de la
transformation du poisson, il ressort des entretiens que les techniques
actualisées de pêche et de fumage ont apporté des
nouveautés multiformes au rang desquelles l'adoption d'une nouvelle
organisation des rapports entre les acteurs de pêche, une
réduction des risques de métier de pêche et de fumage,
l'émergence de la pêche de compensation, et des conflits entre les
acteurs...