II-2-Facteurs exogènes
Au rang des facteurs de dynamique externe à la culture
des populations locales, nous avons identifié entre autres le travail en
équipe, la migration, la croissance de la demande dans lesdites
localités, les projets de soutien en direction du secteur de
pêche, etc....
II-2-1-Le travail collaboratif entre les
différents groupes de pêcheurs
Dans le processus de transfert des savoir-faire entre les
communautés en présence, le facteur d'une bonne cohabitation et
des relations apaisées entre ces dernières ont joué un
rôle remarquable. En effet, dans un processus dynamique,
l'intimité et la proximité sociale entre les individus,
apprenants et enseignants, constitue une dimension essentielle à
l'apprentissage (SABINOT, C., 2008:307). La situation de collaboration entre
les acteurs crée des opportunités
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d'assistance, d'entraide et par ricochet des moments
d'échange d'expérience sur les spécificités des
différentes techniques de pêche et de conservation existantes. A
ce sujet les propos reçus d'une béninoise en constituent une
illustration parfaite : «A certains moments, ma voisine d'en haut
vient souvent m'aider à classer quand j'ai beaucoup de poissons. C'est
comme ça qu'elle classe déjà son poisson comme
nous» (CASSA ERNESTINE, Fumeuse, Popo, Nziou, le 15/01/2012).
Cette méthode, introduction béninoise fait
l'unanimité au sein des populations du village Nziou. La preuve avec ce
témoignage d'une fumeuse Batanga: «Ce que les femmes d'ici ont
appris chez les Béninoises, c'est leur façon de disposer le
poisson sur le grillage. Elles alignent bien leur poisson et ça leur
permet de mettre une grande quantité de poisson parce qu'on peut
facilement superposer. Avec cette méthode, on fume bien et
rapidement» (EDJIDJE YVETTE, Batanga, le 10/01/2011). Elle permet
ainsi aux uns et aux autres de compléter leurs savoir-faire ou de revoir
tout simplement leur manière de procéder. La situation
décrite dans le secteur de fumage est transposable au niveau de la
pêche avec la proximité permanente des pêcheurs autochtones
et migrants (Nigérians et Béninois) dans les mêmes
embarcations de pêche, d'où la dissémination rapide des
différents savoir-faire au sein de ces groupes de pêcheurs
respectifs.
II-2-2-La migration
La migration génère la cohabitation et
échange d'expériences entre les différents groupes humains
qui participent dans l'exploitation des mêmes pêcheries. En
évoquant la question sur les causes des changements techniques, une
constante s'est dégagée en attribuant la majeure partie des
innovations en matière de capture et de conservation des produits
pêche à l'avènement des ressortissants ouest africains. Au
rang des ces communautés à l'origine de ces savoirs nouveaux,
figurent les pêcheurs béninois et nigérians. C'est ainsi
que les expressions telles que «quand les
Nigérians/Béninois sont arrivés», «les
méthodes de fumage des Béninois», «c'est
une introduction des nigérians», «ils étaient
les premiers à...», sont apparues à plusieurs reprises
au cours des entretiens que nous avons eus avec les informateurs autochtones
ayant eu à un moment précis, des contacts permanents avec ces
acteurs étrangers. A ce sujet et après observation sur le
terrain, il nous est donné de remarquer que dans la panoplie des
techniques utilisées dans notre zone d'étude, nombreuses sont
introduites par le biais du contact interculturel entre les acteurs de ces
différentes communautés.
Au niveau du fumage à titre illustratif, le classement
du poisson sur les claies a connu d'énormes mutations en quelques
décennies de cohabitation des communautés camerounaises et celles
étrangères. Interrogée sur les origines des changements
relevés dans les pratiques de fumage, une fumeuse Mabi du village Nziou
fait des remarques qu'elle résume en ces termes:
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«Quand les béninois sont arrivés, nous
avons vu leur façon d'arranger le poisson. Ils plient simplement et
forment le rond avec leurs mains et classent sur la claie. Ça nous donne
moins de travail et le fumage devient rapide. Nous avons dont vu que c'est la
bonne méthode» (BINDELE MARCELLINE, Fumeuse, Mabi, Nziou, le
15/01/2012). Dans le même sillage, l'usage des fumoirs à grandes
dimensions, l'usage des sources alternatives telles que: les écailles de
poisson et la paille font partie du patrimoine technique exogène qui
sont venues se greffer aux stratégies locales d'embellissement des
produits fumés. Cette même situation est vécue dans le
secteur de la pêche avec une multitude de stratégies et
matériels de pêche à l'instar de la technique de sondage,
la technique d'emprisonnement, la pêche long séjour,
l'introduction de la motorisation.
La dissémination rapide de ces techniques
engendrée par une coexistence pacifique entre les acteurs de pêche
originaires des cultures différentes, a significativement impacté
les connaissances utilisées dans les pêcheries de Nziou et de
Londji I. Chose normale puisqu' «en règle
générale, la proximité des cultures quel qu'en soit le
degré, joue comme un facteur positif qui facilite grandement
l'acculturation» (ABOU, S., 1981:53) dont l'influence sur la
dynamique des cultures est non négligeable. C'est à juste titre
que les migrants contribuent par leurs méthodes de travail à la
résolution de certaines contraintes existentielles dans les zones
d'accueil (NEISHEIM, I. et al., 2006) comme c'est le cas dans les villages
Nziou et Londji I. Car, outre leurs conséquences sur le fonctionnement
des unités de pêche, ces acteurs ont une influence significative
sur la diffusion de la technologie et les savoir-faire (CHABOUD, C. et
CHARLEDSO, M., 1991).
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