Conclusion
Que serait la liberté sans contrainte, sanction ?
Les sanctions des atteintes du droit de l'information au droit
au respect de la vie privée sont un contrepoids à la puissance de
la liberté d'expression et de la communication qui donne droit ou
pouvoir au journaliste de diffuser librement toute information en rapport
étroit avec l'actualité ou l'information légitime du
public. Ce journaliste peut donc écrire, parler, montrer un fait ou un
événement si les conditions de la diffusion des droits d'autrui
sont réunies. Par contre, à coté de ce pouvoir dont jouit
le journaliste, il peut être reprochable à plus d'un titre s'il
outrepasse les pouvoirs qui lui ont été conférés et
soumis à des sanctions s'il est reconnu coupable des faits qui lui sont
reprochés. Les sanctions ont donc une fonction d'intimidation pour
permettre aux médias d'être plus responsables afin de ne pas
utiliser la liberté d'expression à leur guise car leur
liberté s'arrête là où commence celle des autres.
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
CONCLUSION GENERALE.
La protection des droits et libertés individuelles,
notamment le droit au respect de la vie privée face au risque que
présente la presse est devenue une préoccupation importante des
pouvoirs publics, des citoyens et des journalistes eux-mêmes.
C'est pourquoi, au terme de notre étude relative aux
rapports « droit au respect de la vie privée et droit de
l'information », il convient de faire allusion à ce vieux proverbe
européen, qui, nous l'espérons, apportera certainement une
réponse à nos préoccupations. Il est intitulé :
« la langue est la meilleure et la pire des choses ». Cela remonte
à plus de 2500 ans, Esope racontait des fables. Il était un
esclave. Un jour, son maître lui dit : « prépare-moi un repas
avec ce qu'il y a de meilleur ». Esope composa un repas fait uniquement de
langues (de boeuf, de veau, ou de mouton). Il expliqua : « la langue est
ce qu'il y a de meilleur ; elle permet à l'homme de dire la
vérité et de s'entendre avec les autres hommes ». Le
lendemain, son maître lui demanda de lui donner ce qu'il y a de pire.
Esope lui fit le même repas : «la langue, expliqua-t-il, est ce
qu'il y a de pire ; elle permet à l'homme de dire des mensonges. Elle
peut pousser les hommes à se battre ».1 Ce que l'on dit
ainsi de la langue, on peut le dire de tous les moyens que les hommes se sont
donnés pour s'exprimer : les journaux, la radio, la
télévision,2 etc.
En considération de ce qui suit, droit au respect de la
vie privée et droit de l'information peuvent se concilier. Tout
dépend de la volonté du journaliste en faisant de son outil de
travail, ce qu'il y a de meilleur dans la marche et le développement de
la société, en donnant au mot « liberté » qu'il
ne cesse de revendiquer, un sens humain. En effet, partout à travers le
monde et depuis longtemps les journalistes revendiquent la liberté.
Depuis quelques années, des progrès importants ont, fort
heureusement, été accomplis. Mais cette liberté est-elle
la liberté d'écrire, de dire, de montrer n'importe quoi ? Il faut
bien se demander :
1 N. Copin, Président de rapporter sans
frontières, introduction, in presse et déontologie dans l'Afrique
des grands lacs "rapporter sans frontières», octobre 1995, p. 6
2 idem
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
qu'est ce que je fait, qu'est ce je dois faire de ma
liberté de journaliste ? Vais-je l'utiliser pour la « meilleure
» ou la « pire » des choses ?
Voilà autant de questionnements qui nous amènent
à faire des observations inhérentes à la situation des
rapports entre les droits des individus et le droit de l'information.
Une observation attentive de la scène médiatique
permet de réaliser combien le conflit entre les deux droits restitue la
traditionnelle dialectique de la théorie et de la pratique. Chaque pays
a ses propres lois, qui dépendent de son histoire, de sa culture, du
régime politique qui s'est instauré. Mais, on retrouve souvent
à travers le monde les mêmes prescriptions faites aux
journalistes. D'une façon quasi générale, les atteintes
aux droits de la personnalité à savoir toute accusation
mensongère ou toute atteinte à la vie privée sont
condamnées. Mais on constate aussi, soit que les lois sont mal
appliquées, soit, tout simplement, qu'elles n'ont pas tout prévu.
C'est pourquoi, depuis longtemps, les journalistes ont réfléchi
entre eux, et, par pays ou par région du monde (en Cote d'Ivoire depuis
1992, après l'institution d'un réel cadre d'exercice de la
liberté de la presse), ils se sont fixés des règles de
conduite rédigées sous forme de chartes ou de code de
déontologie. Le mot « déontologie » signifiant
l'ensemble des devoirs qu'une profession se fixe à elle-même.
Mais malgré cela et en l'état actuel de la
situation de la presse, il est bon de noter que la quasi totalité des
diverses raisons qui sont à la bases du conflit trouvent leur motivation
dans les carences imputables tant aux consommateurs de l'information qu'aux
professionnels des médias eux-mêmes. Bien entendu, la
responsabilité des médias sur l'empiètement des droits
d'autrui est souvent liée aux comportements des journalistes qui sont,
de façon récurrente, en contradiction totale avec les bonnes
intentions exprimées par les textes de concilier droits de la
personnalité et droits de l'information. D'ailleurs, l'essentiel des
griefs formulés à leur endroit témoigne de ce que les
journalistes, surtout ceux de la presse écrite constituent le principal
violateur des droits de la personnalité. Bien plus, dans le contexte
actuel, avec la guerre, nous sommes au regret de dire que la presse dans son
ensemble a un mal. Le manque de professionnalisme, le manque
d'objectivité
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
dans le traitement de l'actualité, le non respect des
règles de l'éthique et de la déontologie sont le leitmotiv
des graves dérives dont sont coupables les journalistes dans l'exercice
de ce métier si noble.
Pis encore, la presse est devenue tributaire des Chapelles
politiques. Les journalistes travaillent non pas pour une presse d'information,
c'est à dire celles qui s'affirme avant tout, soucieuse d'information
objective ; mais plutôt en tant que journaliste politique ou de combat.
Ils sont au service des hommes politiques ou des partis politiques pour
dénigrer ceux qui ne sont pas de leur bord au lieu d'être au
service de l'information.
Toutefois, l'on ne doit pas occulter la responsabilité
des consommateurs de l'information, car la passivité des lecteurs,
auditeurs et téléspectateurs reste une cause majeure de
l'enlisement des journalistes.
En effet, en tant que destinataire privilégié de
l'information et titulaire du droit du public à l'information, un
permanent devoir de contrôle, voire de censure1, propre
à mettre les droits de la personnalité à l'abri de tout
péril, de toute manifestation de l'arbitraire est
indispensable.2
Naturellement, l'absence, l'ignorance ou même
l'insuffisance d'une telle action fait le lit à l'exercice approximatif
de la liberté de l'information par les journalistes.
Heureusement l'action d'arbitrage du juge et celle des
régulateurs que posent les organisations professionnelles des
journalistes3 constituent un facteur déterminant dans la
quête de la consolidation d'un réel respect des droits de la
personnalité, surtout de la vie privée.
Les résultats obtenus dans cette optique montrent bien
à quel point ils constituent de réelles garanties des droits de
la personnalité contre tout exercice abusif de la profession par les
journalistes.
1 La censure est prise ici dans le sens d'un tri, d'un
filtrage : le consommateur doit acheter un journal ou suivre une
émission radio ou télé en tenant compte du respect des
lois régissant la discipline de l'information et non seulement par
affinité politique ou autre considération.
2 Notamment en faisant en sorte que le jugement
qu'ils rendent contraignent les producteurs de l'information à
s'améliorer et à tendre vers la perfection
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Encore qu'à ce niveau des actions restent à
poser, qui consisteraient dans un premier temps pour le juge, à
concilier le respect des droits de la personnalité avec le principe de
la liberté d'expression. Il doit dans l'exercice de ses pouvoirs,
limiter son intervention aux mesures strictement nécessaires pour faire
cesser le trouble constaté.1
Pour les organes de régulation,
d'autorégulation, l'UNJCI et le particulier, il s'agira de fortifier
leur complicité afin que la saisine aussi bien du juge que du CNP, du
CNCA, de l'OLPED soit effective chaque fois que les droits de la
personnalité seront en péril ou chaque fois qu'ils seront
violés.
Fort de ce qui précède, l'on se rend compte que
l'opposition entre droit au respect de la vie privée et droit de
l'information nécessite une cure à la mesure du mal.
Une véritable et sincère prise de conscience
s'impose, devant induire chez tous les acteurs du domaine de l'information un
profond changement des mentalités relativement à l'acception
même de la liberté de la presse et à la
responsabilité qui est le corollaire.
La nécessité d'une telle action reste
d'actualité, surtout en ce moment où l'on parle de
dépénalisation des délits de presse. De ce fait donc, le
journaliste doit faire un bond qualitatif dans la formation pour jouer
désormais le rôle qui est le sien, à savoir «
informer, encore informer, toujours informer »2 et rien de plus
.Car il ne peut y avoir de liberté d'expression sans protection de la
vie privée. Ainsi la déontologie doit être enseignée
aux jeunes qui se préparent à faire du journalisme. Ils doivent
savoir que, bien souvent, ils doivent décider seuls de ce qu'ils auront
à faire et que leur décision soit meilleure s'ils ont des points
de repère. La déontologie nécessite à la fois la
réflexion personnelle et la réflexion collective, si nous voulons
que les médias soient la meilleure et non la pire des
choses.3
1 J. P. Gridel, chronique doctrine, presse, op. cit.,
Recueil , Dalloz 2005, n° 6 , p. 398
2 Diegou Bailly in "la presse à
l'épreuve de la liberté", film documentaire, Axel production and
azimuts, novembre 2002
3Il s'agit du CNCA, CNP et de l'OLPED qui ont en commun les
missions de lutte pour le respect de la liberté de la presse mais
également pour le respect des règles et lois sur l'exercice de la
profession des médias
3 N. Copin, introduction, in presse et
déontologie dans l'Afrique des grands lacs « rapporter sans
frontières », octobre 1995, p. 7
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Enfin, une telle avancée constituerait un nouveau
contexte, un contexte idéal pour relancer la controverse sur la
nécessité d'une réelle et totale cohabitation, coexistence
pacifique entre droit de l'information et droit à la vie
privée.
Une réponse affirmative, semble-t-il, s'impose tant il
est vrai à l'observation, que si le journaliste exerce son métier
dans le strict respect des lois nationales et internationales que de ses
propres lois à savoir le respect de l'éthique et de la
déontologie de la profession des médias, la combinaison tiendra.
La conciliation sera de plus en plus une réalité partout dans le
monde, particulièrement dans les pays en voie de développement,
en l'espèce la Côte d'Ivoire.
Dans tous les cas, les droits de la personnalité ont de
beaux jours devant eux si le journaliste se forme sur le plan du droit et fait
sérieusement son autocritique pour que naisse un type de journalisme
qui, sans nier sa vocation et son attachement aux principes de liberté,
de formation et d'éducation ne peut que contribuer à la
promotion, sans trop de heurts de l'espèce humaine. C'est
précisément à ces conditions que nous parviendrons
à la nécessaire et délicate conciliation des garanties des
droits et libertés individuelles avec le droit de l'information et ainsi
de réussir « la tentative de combinaison d'un couple apparemment
antinomique, opposé ».
« Deux notions qui participent l'une et l'autre à
la consolidation de la vie sociale ».
En définitive, la presse doit être au service de
chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le respect
de la dignité humaine .Le journaliste doit être certain qu'il y a
bien lien direct avec l'actualité et pas d'extrapolations .
Il ne doit pas porter atteinte ni à l'identité
humaine ni aux droits de l'homme ni à la vie privée ni aux
libertés individuelles ou publiques. De toute façon ,seules les
publications, diffusions jugées diffamatoires ,injurieuses ou
dénaturatoires tombent sous le coup de la sanction juridique et
administrative.
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
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