Section II- L'incidence des atteintes à la vie
privée par voie de presse sur la vie des personnes victimes.
Dans le but d'assurer le respect du droit à la vie
privée des personnes, les pouvoirs publics ont clairement
spécifié, par des lois, aux journalistes dotés d'armes de
formation mais aussi de destruction en cas de dérapage ou de mauvais
usage de l'exploitation de la vie privée d'une personne. Ainsi les
médias se montrent coupables d'abus lorsqu'ils publient, par exemple,
les détails de la vie privée des personnes, ou qu'ils font leurs
gros titres avec des fausses nouvelles, voire des mensonges qui se propagent
à la vitesse du vent. En ce sens, on connaît en Afrique les
exemples de journalistes qui utilisent leur plume ou leur micro, pour
dénigrer telle ou telle personnalité politique ou publique.
En Côte d'Ivoire, actuellement les médias
illustrent ce phénomène en prenant ouvertement partie pour l'une
ou l'autre personnalité, protagonistes de la crise que traverse, en ce
moment, notre pays. Surtout que nous savons combien le moindre mot, le plus
petit commentaire peut bouleverser négativement des situations, voire
des vies.
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
La responsabilité du journaliste est donc énorme
car l'information est comme le sang du grand corps social1. Si elle
est contaminée par des considérations ou des objectifs contraires
à sa mission première, la société tout
entière en pâtira.
Alors question : que peut être l'impact d'une atteinte
à l'intimité ou au secret de la vie privée sur
l'environnement personnel et familial, voire social d'un individu ?
Deux conséquences sont susceptibles de découler
de la mauvaise utilisation de l'instrument de presse à savoir qu'il peut
y avoir dévalorisation ou dénaturation de la personne, victime de
révélation d'un aspect consubstantiel à sa vie
privée par voie de presse (Paragraphe I) mais aussi la personne peut
souffrir ou subir une destruction de sa personne (Paragraphe II).
Paragraphe I- La dévalorisation de la personne,
victime d'une diffusion d'un secret de sa vie privée ou d'une
information mensongère.
Il advient que de gros titres mensongers et des illustrations
violentes ou indiscrètes visent directement certaines personnes,
notamment des personnages publics, alors qu'il est admis que chacun a droit au
respect de sa vie privée et que le public, de son côté,
doit être informé des affaires qui lui importent. Les questions
fondamentales qui se posent alors sont les suivantes : Que gagnerait le public
à savoir des faits concernant la vie privée des individus ?
Jusqu'où peut aller ce droit à l'information et
ce droit de l'information sans qu'il ne se transforme en ingérence
malsaine dans les affaires d'autrui ?
Prenons pour exemple le cas d'un ancien ministre
considéré comme une personnalité publique et dont les
journalistes s'immiscent dans sa vie privée en le traitant de
pédophile. Cette affaire dénoncée affaire
pédophilie Ezan Akélé c/ Diégou Bailly et Joachim
Beugré ,alors respectivement Directeur de publication du quotidien "Le
Jour" et journaliste auteur de l'article incriminé a fait coulé
beaucoup d'encre et de salive dans la société ivoirienne. Car
elle apparaissait comme un scandale aux yeux du public. Mais les
défendeurs n'ayant pas pu apporter la preuve, de ce que le demandeur, en
l'espèce, le sieur Ezan Akélé avait réellement
1 J.L. -Martin-Lagardette, le guide de
l'écriture journalistique, 5e éd. La
découverte, p.14.
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
commis cet acte de pédophilie sur le jeune,
présumé comme victime, quelles pourraient être les
conséquences d'une telle révélation mensongère ou
non surtout que la justice a prononcé un non lieu ?
Le doute planant, cette révélation qui a
défait la chronique est restée dans les esprits et a certainement
marqué la personne incriminée. Ce qui justifie assurément
son retrait de la scène politique ou dans la vie publique.
L'image de pédophilie est restée dans les
esprits, voire son image est dévalorisée. La considération
que les uns et les autres lui vouaient est tombée en
désuétude car considéré comme un homme pervers et
indigne.
Parfois, la violation de la vie privée atteint
l'individu dans ses idées. Ce ne sera plus sa personnalité
physique qui sera déterminée, mais sa personnalité
sociale, voire politique.
L'individu est caricaturé, étiqueté par
la société.
La jurisprudence nous donne le cas d'un chef d'Etat africain
photographié au moment d'une élection, un bulletin oui dans sa
main gauche, un bulletin non dans la droite. Sa photographie est, par la suite
publiée avec un seul bulletin à la main1. On
s'aperçoit ici qu'une simple retouche photographique peut attribuer
à un homme politique ou à tout citoyen des idées
éventuellement contraires aux siennes.
Dans cette espèce, l'altération ou la
dénaturation de la personnalité provient également de ce
que le trucage conduit à inférer , à ce chef d'Etat, un
comportement, une manière d'agir, autres que ceux qu'il a eus et
même entendait avoir au moment du vote. Plus que ses idées
politiques, c'est donc une façon d'être de sa personnalité,
précisément son comportement à l'occasion d'un vote, qui
est altéré, dévalorisé.
Par conséquent, les victimes ou leurs ayant droits
subissent un préjudice résultant de l'atteinte. La vie
personnelle et familiale de la victime se trouve dénaturée aux
yeux de la société à laquelle elle appartient et
même à travers tout le monde entier surtout avec les nouvelles
technologies de communication et de l'information qui véhiculent les
nouvelles à une allure vertigineuse.
1 Cass. Crim., 7 décembre 1961, Bull. Crim.,
n°512, p.982.
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Ainsi, les révélations sur les rapports de
police concernant la vie des individus, l'exhumation de faits et incidents
anciens, les révélations sur la sphère intime (vie
sentimentale, lettres ou correspondances confidentielles), les questions de
santé, les affaires de divorce et de garde des enfants peuvent poser des
problèmes concernant la vie privée des gens. Elles peuvent causer
une nouvelle souffrance à une personne soucieuse de vivre seulement dans
l'intimité de sa vie personnelle et familiale lorsque des
révélations sur la vie privée d'une personne sont
effectuées, qu'elles soient vraies , fausses ou mensongères.
Hormis la dénaturation ou la dévalorisation comme première
conséquence sur la personne, il faut souligner que ces situations
créent une seconde conséquence, à savoir une souffrance
morale ou une destruction morale de l'intéressé.
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