2.2. PERTE DES CAPITAUX PAR LE RAPATRIEMENT ET VENTE DES
ACTIFS MINIERS
Le Code minier congolais de 2002 et les contrats miniers qui
créent le cadre
juridique pour les entreprises étrangères sont
très libéraux en ce qui concerne le rapatriement des profits.
Le graphique 4 montre les conséquences du faible pouvoir
de négociation et la complicité des instances officielles. Ces
données impressionnantes sont tirées des annexes statistiques
d'un rapport du FMI (IMF 2014).
Graphique 6. Investissements directs étrangers
(IDE) et rapatriement de profits en RDC 2011-2019
SOURCE : basé sur les données du Fonds
monétaire international,
Si, jusqu'en 2012, les investissements étrangers
directs (IDE) constituaient un apport net de capital pour la RDC, depuis 2013
les profits rapatriés dépassent les entrées d'IDE. Les
projections sont telles que, vers la fin de la décennie (2019), ces
profits rapatriés devraient être 3 à 3,5 fois plus
importants : deux milliards d'entrées d'IDE et 7 milliards de dollars de
profits rapatriés97.
Pour mettre en perspective cette perte de capital, le tableau
4 compare la valeur actuelle nette (VAN) des investissements et profits
rapatriés avec la perte causée par la « mauvaise gouvernance
» à l'occasion de la vente des actifs miniers par l'État
congolais.
97 FMI (2014), Africa
Progress Panel, P.17, PDF
59
« La problématique de l'industrialisation
du secteur minier en RDC Sous l'extraversion» BONIFACE OKOLONGO
L'INDUSTRIEL
Tableau 4. Perte de capitaux par rapatriements de
profits et ventes d'actifs miniers (en milliards de dollars)
V.A.N. 1*
|
-17,1
|
V.A.N. 2*
|
-14,9
|
Estimation maximale de perte par la vente des actifs miniers (E.
Joyce)
|
-5,0
|
Estimation minimale de perte par la vente des actifs miniers
(Africa Progress Panel)
|
-1,4
|
Source : calculs VAN 1 et 2 basés sur FMI (2014),
Africa Progress Panel (2013 : 101104), Joyce (2011).
Valeur actuelle nette 1 basée sur un taux d'actualisation
de 3 %, et de 5 % pour VAN 2. Le tableau 4 nous enseigne que la perte nette
occasionnée par les profits rapatriés (après
déduction des entrées des investissements directs
étrangers) dépasse au moins trois fois la perte
occasionnée par la « vente d'actifs miniers » dans des
conditions de mauvaise gouvernance.
Naturellement, il ne faut pas s'étonner outre mesure de
cette hémorragie des profits. Les entreprises étrangères
ont été nécessaires pour faire redémarrer la
production minière, ce dont l'État zaïrois n'était
pas capable, mais le prix pour la RDC est énorme. Si les IFI sont
sincères dans leur discours sur la croissance inclusive, elles doivent
reconnaître que ce n'est pas seulement la fuite des capitaux imputable
aux fraudes et prédations étatiques qui sont en cause. Pour que
le discours sur la croissance inclusive ne soit pas de l'idéologie, les
IFI devraient aider la RDC à renforcer les conditions pour que les
rapports avec les entreprises étrangères soient moins
inéquitables. Cela pourrait se faire, par exemple, en appuyant les
efforts du pays pour une révision des clauses d'un certain nombre de
contrats et donc aller au-delà même de la révision.
Le gouvernement de la République démocratique du
Congo (RDC) a publié le code minier révisé et le
règlement minier en mars et juin 2018. Le code prévoit le
paiement direct de la redevance minière et d'autres revenus aux
entités locales des zones extractives. Si ce code est
adéquatement appliqué, le secteur minier peut significativement
accroître les retombées économiques et sociales aux
communautés riveraines et à l'Etat.
Le gouvernement a créé un fonds minier pour les
générations futures (FOMI), qui doit être alimenté
par 10 % des revenus issus de la redevance minière. La démarche
du gouvernement est certes légitime, mais pour l'heure, la
création du FOMI ne repose ni sur une vision minière de long
terme ni sur une définition des générations futures.
Cependant, il y a un risque important que les divergences sur
les aspects fiscaux monopolisent l'attention des parties prenantes et que la
mise en oeuvre des autres dispositions soit reléguée au second
plan. Par ailleurs, ces avancées et innovations
60
« La problématique de l'industrialisation
du secteur minier en RDC Sous l'extraversion» BONIFACE OKOLONGO
L'INDUSTRIEL
législatives ne suffisent pas à elles seules
pour atteindre les objectifs ayant fondé la révision de la
législation minière. Pour que la mise en oeuvre du cadre
légal soit effective, il est urgent que le gouvernement prenne les
mesures d'application restantes et renforce les capacités de
l'administration publique.
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