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L'ordre public et la liberté de manifestation. Réflexions sur les limitations du régime de déclaration en droit comparé congolais et français.


par Jean Faustin Bafwa Katombe
Université officielle de Bukavu - Graduat en Droit, option Droit public interne 2019
  

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CHAPITRE 1 : L'ORDRE PUBLIC ET LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION

La consécration d'un droit est une chose et son application en est une autre. Cette affirmation trouve un écho dans le contexte particulier des règles de droit de la République démocratique du Congo et de la France qui proclament chacune la liberté de manifestation (section 2). Hormis son édiction par les droits nationaux, elle est garantie par le droit international dont il importe d'évoquer les textes (section 3). Par ailleurs, il convient de préciser les portées sémantiques de quelques concepts en liminaire (section 1).

SECTION 1 : EXPLORATION DES CONCEPTS

Il est question dans ce point de circonscrire les notions de « l'ordre public » et de « liberté de manifestation » avec de petites ramifications qu'elles renferment.

§1. Ordre public

Il est d'usage de débuter une étude sur la notion d'ordre public par le constat que la notion est floue. Pourtant, il s'agit en fait d'une notion que tout le monde comprend sans qu'il soit besoin de lui donner un contour précis... Les esquisses définitionnelles sont faites tant en doctrine qu'en jurisprudence.

Il faut souligner avec le professeur Combacau que « l'idée de l'ordre public évoque immédiatement le monde du pouvoir et de la limitation, par les autorités qui le détiennent, des facultés d'agir de ceux qui le subissent, au nom des nécessités collectives »13(*).

Hauriou estimait que l'ordre public se résume à « l'ordre matériel et extérieur considéré comme un état de fait opposé au désordre, état de paix opposé à l'état de trouble »14(*).

Le premier auteur conçoit l'ordre public dans la relation entre gouvernants et gouvernés caractérisée par la restriction des certains comportements des seconds par les premiers pour un besoin d'intérêt général. Le deuxième auteur, lui, se limite à reprendre la définition traditionnelle ci-dessous de la notion.

En droit public, c'est la référence au droit administratif qui s'impose le plus spontanément. Traditionnellement, écrit le professeur Telesphore Muhindo Malonga, l'ordre public correspond à la trilogie : sécurité publique, salubrité publique et tranquillité publique. Par la sécurité, on garantit la protection des citoyens contre les situations créant des risques d'accidents pour leur vie ou les risques de mort brutale [...] La salubrité se rattache à la protection contre les maladies et la pollution. La tranquillité renvoie à la protection contre les désordres engendrés par les nuisances sonores, par le tapage, par les manifestations dégénérant en violence, etc.15(*).

Soulignons que ce doctrinaire perçoit cette notion telle qu'en droit administratif.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel français a défini cette notion en ces termes : « L'ordre public est le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques»16(*).

La définition donnée de l'ordre public par cette juridiction est très proche de celle utilisée en droit administratif. Elle n'y a ajouté qu'un seul élément nouveau, « le bon ordre ».

Partant de cette définition traditionnelle, il s'agit bien là de l'ordre public matériel. Néanmoins, la définition matérielle de l'ordre public est aujourd'hui surannée, tant il y a d'autres éléments qui apparaissent nécessaires d'être ajoutés parmi les composantes de l'ordre public. Il s'agira alors de l'ordre public immatériel. En effet, la dignité de la personne humaine et la moralité sont notamment de nos jours avancées par certains auteurs comme devant faire partie des éléments constitutifs de l'ordre public. Si la première connaît déjà un retentissement par la jurisprudence française, la deuxième reste en revanche encore contestée par la sphère judiciaire. Deux affaires peuvent illustrer le besoin manifesté pour l'insertion de deux éléments précités dans les composantes de l'ordre public.

La première, datant de 1995, est dite l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge17(*). Les spectacles de lancer des nains s'étaient multipliés en France dans les années 1990 dans les discothèques. Le maire de Morsang-sur-Orge avait pris, en 1995, un arrêté de police interdisant sur le territoire de sa commune ce spectacle. La société organisatrice avait alors saisi le juge par une requête pour excès de pouvoir contre la décision du maire, laquelle a été confirmée en appel. Se prononçant à ce sujet, le Conseil d'Etat français a, dans ce célèbre arrêt, érigé en une composante de l'ordre public, « [...] le respect de la dignité humaine, nonobstant toute circonstance locale particulière... »

La deuxième est du 18 décembre 1959, dite affaire Société « Les films Lutétia »18(*). Le maire de Nice avait interdit par arrêté de police la projection d'un film érotique jugé immoral mais qui avait obtenu le visa requis par la loi. La société requérante formula une requête pour excès de pouvoir contre la décision du maire. Celle-ci étant confirmée en appel, elle a formé un appel devant le Conseil d'État. Ce dernier trancha en estimant que : « Considérant que le caractère immoral du film susmentionné n'est pas contesté [...], la représentation d'un film auquel le visa a été accordé peut être interdite par le maire sur le territoire de la commune si la projection est susceptible d'entraîner des troubles sérieux ou d'être, à raison de circonstances locales, préjudiciable à l'ordre public ».

De fait, nous sommes pour l'intégration de la moralité comme composante de l'ordre public dans la mesure où les activités considérées comme pouvant porter lui atteinte - en l'occurrence la projection en public d'un film érotique - risquent de troubler l'un des éléments de l'ordre public matériel à savoir la sécurité. Ce risque de trouble peut par exemple résulter de l'état psychologique d'une personne obsédée sexuellement à agresser sexuellement une autre personne.

* 13 J. COMBACAU, « Conclusions générales » in L'Ordre public?: ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, actes du colloque de Caen des 11 et 12 mai 2000, Bruylant, 2001, pp. 415 ss.

* 14 M. HAURIOU, Précis élémentaire de droit administratif, Paris, Sirey, 1933, p. 549.

* 15 T. MUHINDO MALONGA, Droit administratif et institutions administratives, Butembo, PUG-CRIG, 2010, pp. 154-155.

* 16 CC, 13 mars 2003, n° 2003-467 DC, URL https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2003/2003467DC.htm, [consulté le 20 septembre 2019].

* 17 GROM, Grands Arrêts Petites Fiches, 2017, CE, ass., 27 octobre 1995, n° 92, p. 216, in http://www.fichier-pdf.fr/2011/12/01/gaja-fiches/gaja-fiches.pdf, [consulté le 25 septembre 2019].

* 18Idem, CE, sect., 18 décembre 1959, n° 73, p. 116.

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