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L'ordre public et la liberté de manifestation. Réflexions sur les limitations du régime de déclaration en droit comparé congolais et français.


par Jean Faustin Bafwa Katombe
Université officielle de Bukavu - Graduat en Droit, option Droit public interne 2019
  

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SECTION 3 : POSSIBLE CONCILIATION ENTRE L'ORDRE PUBLIC ET LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION

Le conseil constitutionnel français a jugé qu'« II appartient au législateur d'opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public sans lequel l'exercice des libertés ne saurait être assuré »52(*).

La liberté de manifestation est inhérente à la démocratie. Pourtant son exercice est subordonné au respect de l'ordre public pour le bon fonctionnement des institutions étatiques. Nous estimons qu'une conciliation entre l'ordre public et les libertés publiques est possible s'il y a prévision (légale) des limitations de chaque côté.

§1. Les restrictions soumises à l'ordre public

Le droit français est très protecteur des libertés publiques. En effet, l'article 431-1 de son Code pénal punit le fait d'entraver le droit de manifester de 1 an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende. La peine peut même s'élever à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende en cas de violence, voie de faits, coups, etc.53(*).

Nous suggérons au législateur congolais d'incriminer à son tour toute entrave, sans motif légal ou légitime, du droit à la manifestation, engendrée par l'autorité habilitée et/ou par toute autre personne.

Par ailleurs, se référant à la notion de l'ordre public, nous proposons aux deux législateurs de déterminer clairement dans la loi, même de manière typique et non exhaustive, les circonstances dans lesquelles une manifestation peut être interdite, quoique qu'elle ait étédûment déclarée. Inutile de préciser qu'outre les situations légalement définies, il n'y ait jamais interdiction sans texte.

§2. Les limitations liées à la liberté de manifestation

Il conviendrait, pour le législateur congolais, de pénaliser certains comportements des organisateurs, qui ne respectent pas les règles sur le droit de manifester. La proposition de loi Sesanga dont le sort reste à déterminer par le Parlement congolais a déjà agi en ce sens. En effet, elle rend les organisateurs responsables (tant civilement que pénalement) des dommages causés durant des rassemblements. Elle prévoie en outre des peines sévères (jusqu'à six mois d'emprisonnement) pour les motifs suivants : 1) organisation d'un rassemblement sans déclaration préalable ; 2) non-respect de l'ordre des autorités de reporter un rassemblement ou de le tenir à un autre endroit, à un autre horaire ou suivant un autre itinéraire ; 3) déclaration incomplète ou inexacte. L'article 28 dispose par ailleurs que le fait de poursuivre volontairement une manifestation après trois avertissements est passible d'un à trois ans d'emprisonnement54(*).

Remarquons tout de même que la faiblesse de cette loi réside dans le fait qu'elle ne conçoit pas la responsabilité de l'État dans l'exercice de la liberté de manifestation garantie aux citoyens. Le rendre irresponsable reviendrait à faire naître et accroître l'arbitraire dans son chef. Il faudrait par exemple prévoir la responsabilité de l'Administration pour préjudice exceptionnel... Espérons que les deux chambres du Parlement congolais s'aviseront, au cours du nouvel examen de cette proposition, à prévoir cette situation.

Le droit positif français, quant à lui, a déjà incriminé, à l'article 431-9 de son code pénal, le fait :

« 1° D'avoir organisé une manifestation sur la voie publique n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable dans les conditions fixées par la loi ;

2° D'avoir organisé une manifestation sur la voie publique ayant été interdite dans les conditions fixées par la loi ;

3° D'avoir établi une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l'objet ou les conditions de la manifestation projetée »55(*).

* 52 CC, 13 mars 2003, décision n° 2003-467 DC, Op. cit.

* 53« Code pénal français », in https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006418459&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20080727, [consulté le 25 septembre 2019].

* 54 AMNESTY INTERNATIONAL, Op.cit., pp. 11-12.

* 55 « Code pénal français », Op. cit.

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