L'ordre public et la liberté de manifestation. Réflexions sur les limitations du régime de déclaration en droit comparé congolais et français.par Jean Faustin Bafwa Katombe Université officielle de Bukavu - Graduat en Droit, option Droit public interne 2019 |
SECTION 2 : LIMITATIONS DU RÉGIME DE DÉCLARATIONUne manifestation, même dûment déclarée, peut cependant se voir être interdite si les circonstances qui entourent son organisation présagent le trouble à l'ordre public. Toutefois, cette interdiction doit obéir à certaines conditions en l'occurrence la réalité du trouble ou du risque de trouble (§1), l'impossibilité d'agir autrement (§2) et le respect du principe de proportionnalité (§3). Par ailleurs, l'interdiction est de mise en présence des circonstances exceptionnelles (§4). Précisons d'emblée que la loi est en tout cas muette à propos des infléchissements que peuvent accepter le régime de déclaration. C'est souvent l'oeuvre du juge qui encadre ces situations. D'où nous présenterons essentiellement dans ce chapitre quelques illustrations de ces mesures dégagées par la jurisprudence française et celle de la Cour européenne des droits de l'homme qui sont plus abondantes, le juge administratif et/ou constitutionnel congolais ne s'étant pas encore prononcé sur ce sujet. §1. La réalité du trouble ou du risque de troubleIl faut constater, avec Aurélie Duffy-Meuner et Thomas Perroud, qu'« une manifestation ne peut être interdite que si elle constitue une menace pour l'ordre public. Ce motif d'interdiction est le seul admis, une manifestation ne pouvant pas être interdite pour un motif autre que le risque d'atteinte à l'ordre public »45(*). Il a été jugé que « [...] les mesures de police administrative susceptibles d'affecter l'exercice des libertés constitutionnellement garanties doivent être justifiées par une menace réelle pour l'ordre public, cette menace devant reposer sur des circonstances particulières caractérisant le risque à l'ordre public dans chaque espèce »46(*). La même solution a été retenue par la Cour administrative de Bordeaux s'agissant de l'interdiction d'une manifestation d'hommage à un écrivain (Henri Béraud). En effet, en 1999, le maire a interdit cette promenade littéraire. La Cour a annulé son arrêté estimant « qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la promenade littéraire [...] fût de nature à menacer l'ordre public dans les conditions telles qu'il ne pût être paré à tout danger par des mesures de police appropriées dont il n'est pas établi qu'elles ne pouvaient être prises en l'espèce »47(*). Pour conclure au risque de trouble à l'ordre public, il faut une menace palpable, imminente et susceptible d'être l'objet d'estimations concrètes de l'ampleur potentielle des troubles. * 45 A. DUFFY-MEUNER et T. PERROUD (dir), Op. cit., p. 37 * 46 CC, 5 août 1993, n° 93-323 DC, cons. 9, Rec., p. 213, cité par P. MAZEAUD, « Libertés et ordre public », 2003, in https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-membres/liberte-et-ordre-public, [consulté le 10 septembre 2019]. * 47 CAA Bordeaux, 19 juillet 1999, n° 97BX01724, Assoc. rétaise des Amis d'Henri Béraud, inédit, cité par A. DUFFY-MEUNER et T. PERROUD (dir), Op. cit., p. 40, avec note. |
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