L'ordre public et la liberté de manifestation. Réflexions sur les limitations du régime de déclaration en droit comparé congolais et français.par Jean Faustin Bafwa Katombe Université officielle de Bukavu - Graduat en Droit, option Droit public interne 2019 |
III. DélaiNulle part dans la Constitution il est prévu un délai pour la déclaration d'une manifestation. Le dernier alinéa de l'article 26 de cette loi suprême précise que « la loi en fixe les mesures d'application »41(*). Faute de cette loi, les dispositions du Décret-loi du 29 janvier 1999 portant réglementation des manifestations et des réunions publiques qui ne sont pas contraires au principe posé par le constituant s'appliquent quant au délai, car selon l'esprit de l'article 221 de la Constitution, c'est fondamentalement l'article 4 du Décret-loi instituant le régime d'autorisation qui lui est contraire. Selon l'article 6 du texte réglementaire susvisé, « II est imparti à l'autorité compétente ou son délégué un délai de 3 jours pour prendre acte de la déclaration préalable, à dater de son dépôt [...] »42(*). Il sied de faire remarquer que le texte réglementaire se limite à fixer le laps de temps dont dispose l'autorité habilitée pour prendre acte de la manifestation sans déterminer le terminus a quo et le terminus ad quem pour le dépôt de la déclaration. C'est cette lacune, nous semble-t-il, qui pose problème en pratique et ouvre les brèches à l'arbitraire de l'autorité compétente, qui évoque souvent à tort et abusivement le non-respect du délai de dépôt de la déclaration par les organisateurs, pour interdire la manifestation par eux projetée. Toutefois, le délai de dépôt est clairement précisé dans la Loi électorale en ce qui concerne les rassemblements en période des campagnes électorales. C'est l'article 29 alinéa 4 de ce texte qui indique : « [...] Déclaration écrite en est faite au moins vingt-quatre heures à l'avance à l'autorité locale compétente qui en prend acte [...] »43(*). Diamétralement, la proposition de Loi Sesanga pendante au parlement et devant abroger le Décret-loi de 1999, fixe un délai de déclaration excessivement long. En effet, l'article 9 de cette proposition de loi institue un délai minimum de dépôt de sept jours avant la tenue de la manifestation envisagée44(*). Déjà à première vue, cette proposition de loi apparaît liberticide et relance le débat sur les garanties constitutionnelles qui protègent ce droit. En effet, malgré les obstacles administratifs, le délai minimum pour déposer la déclaration ne devrait pas revêtir d'une longanimité injustifiée. Ce qui est pourtant le cas de figure de cette proposition de loi. Nous comprenons à présent pourquoi Joseph Kabila Kabange, alors président de la République démocratique du Congo, avait renoncé à promulguer tôt et renvoyé ladite proposition au Parlement pour réexamen, pendant qu'elle avait été adoptée par 336 sur 337 députés présents, le 08 juin 2015. C'est que, à coup sûr, il y avait des divergences de vues entre les deux chambres du Parlement sur l'harmonisation de certaines dispositions. Nous estimons quant à nous qu'un délai minimum de trois jours et maximum d'une semaine (sept jours) serait raisonnable pour le dépôt de la déclaration. Quant au temps imparti à l'autorité pour prendre acte de la manifestation, un délai de deux jours serait souhaitable. Un simple exemple peut illustrer notre position : nous sommes le 09 octobre 2019. Vous projetez une manifestation pour le 20 octobre 2019. Vous la déclarez le 10 octobre 2019. L'autorité en prend acte le 12 octobre 2019. La période allant du 13 au 19 octobre 2019 permet amplement aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour encadrer la manifestation et protéger l'ordre public et les droits des autres citoyens. Dans tous les cas, le délai de la déclaration à fixer dans la loi doit considérablement tenir compte des réalités congolaises. * 41 J.O.R.D.C., 52ème année, Op.cit., n° spécial, 5 février 2011, p. 15. * 42 « Décret-loi du 29 janvier 1999 portant réglementation des manifestations et des réunions publiques », Op. cit. * 43 J.O.R.D.C., 58ème année, Op. cit., p. 9. * 44 AMNESTY INTERNATIONAL, Op.cit., p. 11, avec note. |
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