La problématique de la candidature en droit électoral camerounais.par Valéry DJOBA KALVOKSOU Université de Maroua (Cameroun) - Master en droit public interne 2019 |
2. LES CONTRAINTES OBJECTIVES DANS LES CONDITIONS DE FORME : LA BRIÈVETÉ DES DÉLAISLe professeur Loïc CADIET, précise relativement aux délais procéduraux que « le temps est inséparable du procès. Tout procès s'inscrit dans la durée en tant qu'il est procédure de jugement. De même que l'instance se noue avec la saisine de la juridiction, de même elle se dénoue, en principe avec le jugement de la juridiction »128(*). Selon Monsieur Didier CHOLET, « la durée est inhérente au procès, elle lui est consubstantielle »129(*). Certes, la notion de délai est définie de manière extensive, elle englobe aussi bien les délais de procédure que les délais raisonnables. Défini d'une part comme « le temps accordé pour faire une chose, pour s'acquitter d'une obligation »130(*), et d'autre part comme une exigence temporelle imposée aux parties en cours d'instance, pour accomplir un acte de procédure131(*), un « espace de temps à l'écoulement duquel s'attache un effet de droit »132(*) ou encore comme « le temps accordé à l'un ou l'autre des protagonistes d'une procédure pour réaliser une formalité précise »133(*), les délais sont considérés comme une exigence du formalisme procédural, ils sont d'ordre public, et dominent toutes les procédures --civiles, pénales, sociales, administratives, etc. -- Le professeur Christian DEBOUY note dans ce sens que le temps imparti pour accomplir des actes de procédure constitue un élément fondamental des «garanties fondamentales accordées aux Elle permet au justiciable de voir un tribunal examiner sa contestation dans un laps de temps ne portant pas atteinte à l'effectivité du droit d'accès au juge » 134(*). Dans le cadre de cette section, nous limiterons notre propos aux délais intéressant l'introduction de l'instance. Le caractère abrégé des
délais135(*)
applicables au contentieux des Dans le contexte camerounais, l'accès au juge électoral est torpillé par la brièveté et l'irrationalité des délais empêchant de ce fait d'accéder à la candidature par acte du juge constitutionnel ou du juge administratif. Traitant de la question des délais de saisine du juge en matière de contentieux des candidatures, le législateur camerounais a fixé des délais spécifiques pour chaque type d'élection. - Les contraintes de temps entravant l'accès au juge électoral138(*) dans le cadre du contentieux des candidatures aux élections nationales Pour ce qui est de l'élection présidentielle, l'article 129139(*) du Code électoral donne un délai maximum de 02 jours seulement pour saisir le conseil constitutionnel qui en est le juge compétent. Par ailleurs, le remplacement des candidats déclarés inéligibles140(*) ou décédés pendant la campagne électorale s'avère quasi impossible au regard du temps indiqué pour le faire. Tout d'abord, pour ce qui concerne le remplacement d'un candidat décédé, l'article 127141(*) du même texte admet que celui-ci ne peut être effectué qu'au plus tard dans les 20 jours précédent le début du scrutin ; donc au plus tard 06 jours avant le début la campagne électorale dont la durée est de 14 jours. Les mêmes délais s'appliquent en matière de contentieux des candidatures dans le cadre des élections législatives et sénatoriales. C'est effet ce que dispose les renvois prévus aux articles 167142(*) pour ce qui est de l'élection des députés à l'AN et 231143(*) en ce qui concerne l'élection des sénateurs. Ensuite, pour ce qui concerne le remplacement des candidats présentés par des partis politiques et déclarés inéligibles par le conseil constitutionnel, l'article 128 du code électoral donne un délai maximal de 03 jours144(*) pour procéder à leur remplacement.145(*) Ces délais diffèrent de ceux qui régissent la même matière dans le cadre des élections locales. - Les contraintes de temps entravant l'accès au juge électoral146(*) dans le cadre du contentieux des candidatures aux élections locales Le législateur camerounais ici a été rigidement sévère dans la détermination non seulement des délais de saisine du juge administratif en vue d'une contestation d'éligibilité ou d'inéligibilité, mais aussi en ce qui concerne l'hypothèse de remplacement d'un candidat écarté suite à un décès ou à une déclaration d'inéligibilité. Pour ce qui est du remplacement d'un candidat décédé ou déclaré inéligible à l'élection des conseillers municipaux, l'article 188 du code électoral dispose que : « Si un candidat figurant sur une liste décède ou est déclaré inéligible, il peut être remplacé par un autre, dans les formes prévues pour la déclaration des candidatures, au plus tard trente (30) jours avant le scrutin ». C'est-à-dire en réalité 16 jours avant le début de la campagne électoral. Pour ce qui est des contestations de l'acceptation ou du rejet d'une liste, l'article 189 (1) dispose que : « Si un candidat figurant sur une liste décède ou est déclaré inéligible, il peut être remplacé par un autre, dans les formes prévues pour la déclaration des candidatures, au plus tard trente (30) jours avant le scrutin ». L'alinéa 2 de même article davantage plus strict lorsqu'il prévoit que : « Les contestations ou réclamations sont faites sur simple requête, dans un délai maximum de cinq (05) jours suivant la publication des listes de candidats ». Dans le contexte des élections régional, toute décision d'acceptation ou de rejet d'une candidature ou d'une liste de candidats peut être attaquée par tout candidat, tout mandataire d'une liste et/ou par tout membre d'un collège électoral dans un délai maximum de cinq (05) jours suivant la notification de la décision de rejet ou d'acceptation. C'est du moins ce qui ressort de l'article 259 (1) et (2). Ces délais très brefs ne permettent pas non seulement une bonne préparation des requêtes face à la complexité de la matière. Au-delà des contraintes objectives restreignant favorisé par les exigences de la loi, il existe également des facteurs à caractère subjectif faisant également obstruction à l'accès au juge électoral. * 128 CADIET L. NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op.cit., p. 799. * 129 CHOLET D., La célérité de la procédure en droit processuel, préface de Geneviève Giudicelli-Delage, Paris, L.G.D.J., 2006, p. 2. * 130 Dictionnaire universel, Hachette, op.cit., p.332 * 131 Dictionnaire du vocabulaire juridique, p. 131 * 132 Ibid. p 131. * 133 Lexiques des termes juridiques, 22ème édition, Le lexique des termes juridiques, GUINCHARD, S., DEBARD, Th., (Dir.), ALBERT J.-L., BAILLEUX, D., AVOUT, L., 24ème édition, Paris : Dalloz, 201p. 325 * 134 Lire la définition du délai raisonnable in, CORNU, G. Vocabulaire juridique. Op.cit., p. 131. * 135 Brièveté des délais * 136 DAËL S., Contentieux administratif, 4ème édition, Paris, Puf, 2013, p. 111. * 137 BUFFET, S. Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, Thèse de l'Université de Lyon 3, 2007, p. 435 * 138 Le juge constitutionnel * 139 Code électoral, Art 129 : « Les contestations ou les réclamations relatives au rejet ou à l'acceptation des candidatures, ainsi que celles relatives à la couleur, au sigle ou au symbole adoptés par un candidat sont soumises à l'examen du Conseil Constitutionnel par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l'élection ou toute personne ayant qualité d'agent du Gouvernement pour ladite élection, dans un délai maximum de deux (02) jours suivant la publication des candidatures ». * 140 A l'exception des candidats indépendants qui ne peuvent être remplacés selon l'article 127 (3) du code électoral qui dispose que : « Les candidats indépendants ne peuvent être remplacés ». * 141 Le code électoral en son article 127 « (1) Lorsqu'un candidat investi par un parti politique décède avant l'ouverture de la campagne électorale, il peut être remplacé à l'initiative dudit parti. (2) Le remplacement visé à l'alinéa 1 ci-dessus n'est possible que si la nouvelle candidature est déposée à la Direction Générale des Elections au plus tard le vingtième jour précédent le scrutin ». * 142 Code électoral, Article 167 : « Les dispositions des articles 125, 126, 127, 128, 129, 130 et 131 de la présente loi relatives aux déclarations de candidature, aux contestations, aux réclamations en cas de rejet ou d'acceptation d'une candidature, ainsi qu'à celles portant sur la couleur, le sigle ou le symbole adopté par un candidat ou une liste de candidats, s'appliquent à l'élection des députés à l'Assemblée Nationale ». * 143 Code
électoral, Article 231 (2) : « Les dispositions des
articles 125, 127, 128, 129, 130 et * 144 A partir du prononcé de la décision du conseil constitutionnel * 145 Code électoral, article 128 « (1) Si un candidat présenté par un parti politique est déclaré inéligible par le Conseil Constitutionnel après la publication des candidatures, il peut être remplacé par un autre candidat proposé par le même parti. Ce candidat doit remplir les conditions d'éligibilité prévues par la présente loi. (2) Ce remplacement doit intervenir dans un délai maximum de trois (03) jours suivant la décision du Conseil Constitutionnel ». * 146 Le juge administratif |
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