La problématique de la candidature en droit électoral camerounais.par Valéry DJOBA KALVOKSOU Université de Maroua (Cameroun) - Master en droit public interne 2019 |
2. LA RIGIDITÉ DE CERTAINES CONDITIONS OBJECTIVES D'ACQUISITION DE LA QUALITÉ DE CANDIDATIl s'agit en réalité des inéligibilités, les incompatibilités, l'enchérissement du cautionnement et les insuffisances des mécanismes de sélection des internes aux partis politiques. ü Les inéligibilités et les incompatibilités En droit électoral camerounais, contrairement aux incompatibilités54(*) qui ne constituent un obstacle à la candidature, mais plutôt un empêchement légal au cumul de fonctions ; les inéligibilités quant à elles se révèlent comme étant des empêchements à l'exercice du droit de candidater. Elles constituent en réalité des conditions négatives de la candidature. Parce qu'elles sont élaborées spécifiquement à chaque type d'élection, nous les aborderons en profondeur dans le second chapitre consacré aux contraintes au droit à la candidature propre à chaque type de consultation électoral. ü L'enchérissement du cautionnement C'est en réalité un leurre que d'affirmer que le cautionnement exigé aux candidats lors de la déclaration de candidature ne constitue pas un facteur limitant le droit de candidater ou l'accès à la candidature. S'il est vrai que l'argument selon lequel la caution financière versée par les candidats participe de l'élimination des candidatures fantaisistes comme certains hommes politiques le pensent ; il faut également prendre du recul pour comprendre que l'enchérissement du cautionnement électoral a une incidence majeure sur le nombre de candidatures. L'augmentation de la caution électorale apparait comme une sorte d'écartement des potentiels candidats moins nantis, en faveur de ceux ayant une assise financière considérable. Au Cameroun, la loi N°92/10 du 17 décembre 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance à la présidence de la république et modifiée et complétée par les lois N°97/020 du 09 septembre 1997 et 2011 dans son évolution se révèle comme une illustration manifeste du rééchelonnement du cautionnement à l'élection présidentielle. Il est en effet passé de 1.500.000 (un million cinq cent mille francs) entre 1992 et 1997, à 5.000.000 millions en 2011. Pour ce qui est de l'élection des députés à l'Assemblée nationale, puis que c'est la seule chambre parlementaire qui existait avant la constitution de 18 janvier 1996, la caution exigible à l'élection des députés est passée de 50.000 (cinquante mille francs), 500.000055(*) (cinq cent mille francs) entre 1992 et 1997. Pour ce qui est des élection des conseillers municipaux le problème ne se portait pas avec acuité non seulement eu égard le nombre important de siège à pourvoir dans les conseils municipaux, mais surtout le montant du caution de 25.00056(*) (vingt-cinq mille francs) qui pourrait être considéré comme raisonnable, parce que mobilisable par le citoyen lambda. La situation est devenue plus inquiétante avec l'avènement du code électoral unique à travers la loi N°2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral, modifiée et complétée par la loi N°2012/017du 21 décembre 2012. Cette loi est venue portée le cautionnement électoral à 30.000.00057(*) (trente millions) de francs pour l'élection du présidentielle, 1.000.00058(*) (un millions) de francs pour les élections législatives et sénatoriales ; et 50.00059(*) (cinquante mille) francs pour ce qui est des élections municipales et régionales. Dans un tel contexte l'enchérissement du cautionnement ne peut que limiter le nombre de candidatures. Ce qui s'illustre à travers la réduction dans le temps du nombre de candidatures pour la cause. ü Les insuffisances des mécanismes de sélection des internes aux partis politiques Au Cameroun, les candidats aux élections ne présentent pas personnellement leurs candidatures. Les candidatures sont principalement présentées par les partis politiques et accessoirement par un groupe de personnes dans le cadre des candidatures indépendantes. En effet la sélection des candidatures au moyen des investitures sans élection primaire devant permettre à la base du parti de sélectionner et de présenter les candidats choisis librement par la base du parti. Depuis 2013, les investitures sans élections primaires est le mode de sélection des candidats au sein du Rassemblement démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Il faut préciser que ce mode de sélection subjective des candidats sur la base simple d'une étude de dossier, porte gravement atteinte au principe de la liberté et du droit de candidater. C'est en réalité un système qui fausse le jeu de la compétition. On présume qu'un tel procédé obstruerait fondamentalement l'égalité entre les candidats à la candidature. Les investitures pour ne serait-ce que le cas du RDPC, ont énormément causé des préjudices aussi bien au parti qu'aux militants du parti. Après l'annulation des listes du RDPC dans les régions de l'Adamaoua et de l'ouest lors des élections sénatoriales de 2013, on se demande si ce sont les candidatures qui ont manqué ? Des listes de candidats ont été rejetées par ELECAM alors que des candidats à la candidature ont été recalés par le parti si l'on considère que les personnes concernées étaient en règle avec le parti. Un autre problème reste le non-respect par ces certains partis politiques règles encadrant la constitution des listes de candidats. Il s'agit non seulement du principe de la représentation de toutes les composantes sociologiques et la prise en compte des minorités et la parité genre. La méconnaissance de ces règles constitue des contraintes réelles à l'exercice du droit à la candidature. Par ailleurs, les textes de bases du RDPC sont favorables pour le cas de l'élection présidentielle, à la restriction de la possibilité de candidater. En effet, ils disposent que le président du parti est le candidat naturel du parti à l'élection présidentielle. C'est pourquoi Il est de ce fait fondamental de veiller à ce que la procédure d'investiture des candidats et ses restrictions soient clairement énoncées dans la loi. * 54 D'après la définition donnée par le Lexique des termes juridiques, op.cit., p 1107, il s'agit de l'« Interdiction faite au titulaire d'un mandat politique de cumuler celui-ci avec des fonctions qui pourraient en compromettre l'exercice. Ne pas confondre incompatibilité et inéligibilité : l'incompatibilité ne vicie pas l'élection, mais oblige l'élu à choisir entre le mandat qu'il a sollicité et la fonction incompatible ». * 55 Voir Loi N° 91-20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée Nationale, modifiée et complétée par la loi N°97-13 du 19 mars 1997 et par celle N° 2006/009 du 29 décembre 2006 en son Art. 71 : - (1) Le candidat titulaire et son suppléant doivent conjointement verser au Trésor Public un cautionnement fixé à cinq cent mille (500 000) francs CFA. * 56 Cf. Art 21(1) de la loi N° 92-002 du 14 Août 1992, fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux, modifiée et complétée par la loi N°20006/010 du 29 décembre 2006 * 57 Voir Art 124 (1) du code électoral : « Le candidat doit verser au Trésor public un cautionnement fixé à trente millions (30 000 000) de francs ». * 58 Voir Art. 166 - (nouveau) (1) : « Le candidat titulaire et son suppléant doivent conjointement verser au trésor public un cautionnement fixé à un million de FCFA, selon les formes et modalités prévues par l'article 124 alinéa 2 ». * 59 Voir Art 183.- Chaque candidat doit payer au Trésor Public un cautionnement fixé à cinquante mille (50.000) francs. Un certificat de paiement du cautionnement est établi en triple exemplaire par les services du Trésor. |
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