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Management stratégique des compétences et création de valeur

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par Zineb BELAOUINATE
Université Mohamed premier Oujda - Master en Sciences de Gestion, Management des RH et Dynamique des Territoires 2012
  

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2. Lier le MSC et la création de valeur à travers l'intention stratégique

2.1. Création de valeur comme intention stratégique : entre une logique de transformation et celle de configuration stratégique

L'intention stratégique est destinée à attirer l'attention vers la victoire, à motiver le personnel en communiquant autour de la valeur du but, à laisser libre cours aux contributions individuelles et collectives, à maintenir l'enthousiasme en fournissant de nouvelles orientations opérationnelles et à guider l'utilisation des ressources (Campbell et Yeung, 1991).

Pour Hamel & Prahalad (1989, 1995) la mobilisation de l'entreprise toute entière141(*),l'engagement de l'organisation vers le futur qui est nécessaire à l'accomplissement de la vision se fait par « la [seule] communication portant sur la valeur intrinsèque del'objectif. » (Hamel & Prahalad, 1989) Cet objectif capable de mobiliser l'entreprise à luiseul, prend la forme « [d'une] obsession du leadership global poursuivie pendant 10 ou 20ans ». Les auteurs l'appellent « intention stratégique 18 19 ». Cette intention « décrit[notamment] une position de leader désiré, [...] elle capture l'essence de la victoire [... et] fournit aux employés le seul but qui est susceptible de les faire s'engager : détrôner le meilleur ou le rester, mondialement. ». (Ibid.) Ainsi, comme le note Varraut (1999) « Hamel & Prahalad s'inscrivent dans une perspective téléologique. » : l'action de l'entreprise tout entière est guidée par un but : la vision20.

L'i ntention stratégique fournit alors une tension visible pour l'organisation. « [Elle] la force a être plus inventive, à fabriquer plus de ressources. Tandis que la [...] stratégie [traditionnelle] se focalise sur le degré d'adéquation entre les ressources e xistantes et les opportunités, l'intention stratégique crée une inadéquation extrême entre les ressources et les ambitions. La direction de l'entreprise défie ainsi l'organisation afin qu'elle comble l'espace. » (Ibid.) « [En conclusion,] il s'agit moins d e fixer des objectifs compatibles avec les ressources disponibles, comme l'enseignent les principes de la planification stratégique que de fixer des objectifs ambitieux desquels découleront les ressources. » (Mathé & Chagué, 1999) Comme le note Messeghem & Varraut (1998) dans un article traitant de la vision des dirigeants de PME

L'entreprise se définit une obligation morale qui l'amène à rechercher une création de valeur

Récemment, le courant de l'intention stratégique a évolué pour se centrer

quasi exclusivement sur la problématique de la transformation. L'autre volet de

l'intention, à savoir la notion de ressources et de compétences, a été relégué au

second plan, au profit de réflexions plus approfondies sur les mécanismes de transformation et de rupture. Le problème central devient celui du renouvellement

constant des conditions de la concurrence, issu d'une redéfinition de la posture

stratégique de la firme. Cette évolution de la pensée est rendue nécessaire par

l'évolution sans cesse croissante des formes de concurrence, c'est-à-dire par le

caractère hypercompétitif de nombreuses industries.

En effet, si l'on accepte le principe de l'hypercompétition, alors la capacité à se

transformer et à évoluer en permanence devient la clé de la réussite. Plusieurs

travaux mettent en avant cette idée d'une réussite fondée sur un autorenouvellement

constant, tout comme l'avait suggéré l'étude de Shell. Ainsi, le

cabinet Mercer a montré que l'on trouve, quelle que soit l'industrie, des entreprises

en forte croissance sur de longues périodes. Celles qui croissent le plus sont des

entreprises qui savent se « réinventer » tous les 5 à 7 ans, en remettant profondément

en cause leur manière de servir le client ou encore leur architecture

organisationnelle47. Le « paradoxe d'Icare » de Miller48, l'idée de « management

paranoïaque » défendue par Grove49 ou encore l'étude menée par Collins et Porras

sur les entreprises visionnaires50 aboutissent à la même conclusion. Les entreprises qui survivent à long terme ont une capacité singulière à se repenser, à se remettre régulièrement en question. Ce faisant, elles créent et maîtrisent de nouvelles sources de valeur, et ne se contentent pas de défendre leurs acquis.

L'idée centrale consiste à construire de nouveaux espaces concurrentiels, en

modifiant radicalement et régulièrement les axes de création de valeur. L'objectif est

de créer dans l'environnement un point d'inflexion51, en déstructurant ce que tous

les acteurs considèrent comme établi, à savoir les cadres de références52. La

déstructuration passe par la création, l'élimination, l'augmentation ou la diminution radicale de certains facteurs propres à l'industrie53. L'ouvrage de Tom Peters sur

l'innovation se situe dans cette même perspective et la systématise54.

Dans ce cadre, la gestion du changement est devenue une priorité. L'objectif central de stratégie étant le mouvement, il convient de modifier en permanence

l'organisation. Cependant, alors que l'intention stratégique fondée sur les ressources

suppose la poursuite linéaire d'un objectif à long terme, l'ère de la transformation

nécessite une organisation capable de poursuivre des objectifs changeants, de se

repositionner très vite dans le temps55. Autrement dit, même la plate-forme

stratégique devient instable, seul étant permanent le changement. Des travaux, issus

notamment des cabinets conseils, proposent donc de nouvelles conceptions de

l'organisation56, assorties de méthodes de pilotage du changement57. L'entreprise y

est notamment comparée à un être vivant, vouée au changement et à l'évolution

constants. Tout le problème est de rendre le changement habituel dans les

organisations, afin de satisfaire aux exigences d'une concurrence de plus en plus

mouvante. Plus précisément, il s'agit d'aligner en permanence l'organisation et la

stratégie.58

Comprendre la logique de la transformation permanente suppose de revenir à

la notion de valeur, revisitée à la fin des années quatre-vingt-dix60. Le principe de

base (Tableau 1) consiste à expliquer comment des entreprises parviennent à

accaparer une part substantielle de la création de valeur dans leur industrie

(mesurée principalement par des indicateurs de valeur boursière61, c'est-à-dire de

valeur pour les actionnaires)62. Ces critères représentent la confiance que les

actionnaires placent dans l'entreprise et dans son potentiel futur, relativement aux

autres firmes de l'industrie.

On constate ainsi que des entreprises parviennent en quelques années à

s'approprier une part significative de la capitalisation boursière relative à leur

industrie63, suite à des stratégies innovantes. Seules quelques entreprises parviennent

à maintenir leur leadership, en remettant elles-mêmes en cause les conditions de leur

réussite. L'hypothèse est que les entreprises se disputent des « zones de profit »,

qu'elles peuvent et doivent faire constamment évoluer en leur faveur. Cependant,

« les réinventeurs savent que le jeu n'a pas de fin. Pour chaque entreprise, les

conditions changent, et la zone de profit se déplace périodiquement »64. En effet, un

monopole ne peut être éternel et conduit inéluctablement à un renouvellement des

conditions de la concurrence65.

Pour occuper cette zone de profit, chaque entreprise se fonde sur une

« configuration stratégique ». Cette dernière est centrée sur le client et non plus

seulement sur les ressources et compétences de l'entreprise. Selon Slywotsky, le

besoin du client doit déterminer la chaîne de valeur et les compétences et non

l'inverse. Toutefois, ce besoin n'est pas identifié par des études de marché classiques,

mais par une compréhension profonde et fine de l'intimité du client. Il s'agit de

comprendre en profondeur ce qu'est le client, ce dont il a besoin maintenant et dont

il aura besoin demain, sans en avoir lui-même conscience. De cette compréhension

découle la configuration stratégique, c'est-à-dire la posture stratégique globale de

l'entreprise. Ce point de vue consiste donc à sortir d'une approche centrée

compétences, pour s'orienter à nouveau vers le client. Cependant, ce qui sous-tend

l'ensemble de la décision stratégique n'est pas le besoin exprimé par le client, mais

au-delà, la compréhension fine et l'interprétation de ce besoin par l'entreprise, pour

accéder au système complexe de priorités du client.

Plus précisément, la configuration stratégique renvoie à la manière dont une

entreprise « sélectionne ses clients, établit et différencie son offre, définit les activités

qu'elle réalise en interne et celles qu'elle sous-traite, configure ses ressources, ses

compétences et son organisation, se positionne sur le marché, crée de l'utilité pour

ses clients et réalise un profit »66. La configuration stratégique repose en fait sur des

hypothèses fondamentales concernant le client, l'évolution de ses besoins et la

dynamique de ses décisions142(*).

Partant de cette conception, tout l'enjeu consiste pour une entreprise à

redéfinir régulièrement sa configuration stratégique, au fur et à mesure de

l'évolution de la perception des priorités du client. La valeur se déplace d'une

configuration dépassée à d'autres, qui créent davantage d'utilité pour le client.

Pendant longtemps, on a pensé qu'une entreprise devait, pour réussir, choisir une

configuration dominante, et s'y tenir à long terme. Or, il semblerait que la réussite

suppose un ajustement constant de la configuration stratégique, et son évolution au

fil du temps, pour atteindre une sorte de flexibilité stratégique totale. Les paramètres

de cette configuration (mode de création de valeur, de distribution, de production,

degré d'intégration, champ d'action, organisation, compétences...) doivent se

modifier sans cesse, au fur et à mesure de l'évolution des priorités du client.

La conduite du changement devient un des enjeux clés de la fonction RH. Les compétences et les modes d'organisation évoluent et doivent pouvoir être remis en cause aussi rapidement que le marché l'impose. La capacité de changement, et donc la satisfaction du client, dépend de la mobilisation des équipes, de leur capacité à accepter et intégrer le changement. Il existe souvent un lien étroit entre la fidélisation des clients et celles des collaborateurs. L'entreprise doit conjuguer flexibilité et fidélisation. Dans un marché de pénurie de main-d'oeuvre et de qualification, la stratégie RH vise à attirer et retenir les talents. Il s'agit de mettre en place les conditions de satisfaction des collaborateurs afin, in fine, de satisfaire les clients. Pour mener à bien sa mission, laDRH doit avoir un temps d'avance sur les nécessités d'adaptation en se tenant informée de l'évolution des attentes des clients.

Jusque-là essentiellement centrée sur la satisfaction des clients internes, la fonction RH ouvre ses champs d'investigation et centre sa veille technologique sur les attentes des clients externes. La valeur de son action réside dans l'anticipation des besoins en compétences.

* 141N. EDERLÉ  « Vision et pilotage d'entreprise : conceptualisation, représentation et pratiques », Université Paris - IX Dauphine, U.F.R. Sciences des Organisations, Centre de Recherche C.R.E.P.A. Thèse Pour l'obtention du Doctorat en Sciences de Gestion, 30 mars 1992,

* 142Emmanuel METAIS et Maurice SAÏAS, LA STRATEGIE D'ENTREPRISE :EVOLUTION DES PRATIQUES ET DE LA PENSEE, Etudes et recherches, l'Institut d'Administration des Entreprises d'Aix-en-Provence, Université Aix-Marseille III, W.P. n°566 Janvier 2000

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci