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L'enseignement du fait religieux dans l'enseignement secondaire au Cameroun: 1964-2013.

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par MARCEL KOVIEL SONGO
Ecole Normale Supérieure de Yaoundé - DIPES II 2013
  

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IV- L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE DANS LE SECONDAIRE

L'enseignement de l'histoire au Cameroun a connu un chemin tortueux. En effet, de ses programmes à ses méthodes d'enseignement en passant par ses manuels et son personnel scolaire, toute évolution s'est faite dans la lenteur. Comme si l'histoire était une discipline inutile ou encombrante. D'où sa banalisation et parfois la méfiance qu'elle pouvait susciter chez les décideurs de ce pays. C'est ce parcourt de combattant de l'enseignement de l'histoire au Cameroun que nous nous proposons d'analyser.

A- LES PROGRAMMES DE L'HISTOIRE

Selon Ibrahim Baba Kaké, la discipline historique `'permet à l'enfant de se rattacher à ses ancêtres qui peuvent lui inspirer des modèles à imiter, lui montrer des erreurs à éviter»21. Si

20 A. AN, Loi n°98-4 du 14 avril 1998 d'orientation de l'éducation au Cameroun.

telle est la fonction de l'enseignement de l'histoire, nous comprenons pendant très longtemps les programmes d'histoire élaborés au Cameroun pendant une période de trente ans étaient inadaptés. Car cette période marque l'absence de l'histoire du Cameroun dans les programmes d'enseignement.

Jusqu'en 1964, l'histoire qu'on enseigne au Cameroun est celle héritée de la période coloniale. Ce que confirme Salvador Eyezo'o quand il dit : `' Au lendemain de l'accession à l'indépendance, l'enseignement de l'histoire au Cameroun se faisait encore sur la base de programmes hérité de la colonisation''22. Hors ceux-ci avaient été adaptés au contexte de colonisation. Pendant cette période le Cameroun comme le reste de l'Afrique noire ne possédait pas d'histoire écrite. On pallia à ce manque par l'histoire de la métropole à laquelle on ajoutait quelques pages sur la colonisation. L'enseignement devenait ainsi un moyen de répandre l'idéologie coloniale et de justifier la politique qui en découlait23. Pour les colons français, il fallait inculquer au colonisé dès son jeune âge, la certitude de son infériorité. A coté de son état intellectuel émotif, il fallait ajouter la barbarie de ses ancêtres. Pourtant Ki-Zerbo faisait remarquer que : `'quand un général romain faisait exécuter son fils pour des raisons de discipline, on met cela au compte de l'héroïsme patriotique. Quand Samori en fait autant, on crie à la barbarie''24. Après cet exercice qui consistait à montrer la négation du monde noir au jeune africain, on pouvait facilement lui montrer la magnanimité, la bonté, la générosité et la puissance de la nation colonisatrice. Car celle-ci l'avait délivré de la tyrannie de « barbares sanguinaires » comme Samori et lui apporter la paix et les bienfaits la civilisation25. Voila le constat fait par Ki-Zerbo : `'résultat écrit-il, ce sont les phrases comme celle-ci que j'ai rencontrées dans les deux tiers des devoirs d'élèves africains en 1964 : Samori était un homme sans foi ni loi, un sanguinaire. Heureusement il a été éliminé par les Français''26. Cette remarque est logique, si on s'en tient à la déclaration du gouverneur général Ernest Roume en 1924 :

21 L. Kaptué, `'Historiographie et enseignement de l'histoire au Cameroun : problèmes et perspectives'' in La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International, Publications de l'Université de Provence, 1997, p. 383.

22 S. Eyezo'o, `'L'enseignement de l'histoire dans le secondaire au Cameroun'' in La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International, Publications de l'Université de Provence, 1997, p. 383.

23 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement des sciences, p. 44.

24 J. Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique Noire : d'hier à demain, Paris, Hatier, 1978, p. 28.

25 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement des sciences, p. 44.

26 J. Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique, 1978, p. 28.

Tout l'enseignement de l'histoire doit tendre à montrer que la France est une nation riche, puissante, capable de se faire respecter, mais en même temps grande pour la noblesse des sentiments, généreuse et n'ayant jamais reculé devant les sacrifices d'homme et d'argent pour délivrer les peuples asservis ou pour apporter aux peuplades sauvages avec la paix, les bienfaits de la civilisation. Chantons les chefs si braves qui prirent Samori ! Plus de fers, plus d'esclaves, nos vainqueurs, merci27.

Dès lors, le jeune africain conscient de son état sauvage embrassait sans ambages la civilisation occidentale.

L'extrait des programmes ci-après est un exemple clair de ce que nous venons de démontrer. Il s'agit ici des programmes de classe de terminale pour l'année scolaire1963-196428.

? L'Europe de 1848 à 1914

1. La révolution en France et la seconde république.

2. Les révolutions de 1848 en Europe et leurs conséquences.

3. Le seconde Empire : l'histoire intérieure et extérieure.

4. La formation de l'l'unité italienne et de l'unité allemande.

5. La France de 1871 à 1914 (histoire intérieure).

6. Histoire intérieure des principaux Etats européens : Angleterre, Autriche-Hongrie, Russie de 1849 à 1914, Allemagne, Italie de 1871 à 1914.

? Le monde de 1848 à 1941

1. L'expansion européenne sous ses différentes formes de 1849 à 1914. Les Empire coloniaux.

2. Les Etats-Unis d'Amérique de 1865 à1914.

3. L'Extrême-Orient du milieu du XIXe siècle à 1914.

4. L'Eglise catholique du milieu du XIXe siècle à 191429.

A travers ce programme de terminale, nous constatons que l'histoire de la France et celle de l'Europe font la part belle dans les programmes. Pour une raison de convenance, on ajoute deux leçons sur l'histoire de l'Amérique et du l'Extrême orient. Comme ça jusqu'en 1964 le Cameroun continuait à se sentir comme une région de la France. Les vainqueurs de la conquête coloniale étaient toujours les maîtres de leurs anciens territoires

27 C. Marchand, L'enseignement au Cameroun sous le mandat français (121-1939), Québec, université de Laval, 1970, p. 91.

28 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les programmes de l'enseignement secondaire au Cameroun de 1960nà nos jours» in La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International, Publications de l'Université de Provence, 1997, p. 360.

29 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement des sciences, p. 45.

quatre ans après leur départ. A coté de cette histoire des vainqueurs, les français ajoutaient un peu d'histoire africaine. Qui dans son fond, était plutôt celle de la conquête européenne de l'Afrique. Ce que confirment Sonolet et Pères :

En ce qui concerne l'Afrique, il faudra donc se borner à donner une idée sommaire de la pénétration française, (histoire de l'Afrique étant faite des traditions imprécises et dénuée de tout enchainement) ; quant à notre histoire nationale, elle devra surtout fournir à l'âme indigène d'exemples héroïques et inciter à elle l'admiration30.

A travers le tableau que nous propose Mveng31 sur l'évolution des programmes de l'histoire dans l'enseignement secondaire, nous retenons ceci. Entre 1967 et 1990, la dynamique des programmes se présentent comme ceci :

- 1960 à 1967, 283 cours d'histoire proposés dans toutes les classes du secondaire dont 110 concernent l'histoire de l'Afrique et 173 concernant celle de l'Europe ;

- 1967 à 1990, 296 cours d'histoire proposés dans toutes les classes du secondaire dont 108 pour l'Afrique et le reste pour le monde ;

- 1990, 163 cours d'histoire proposés dans toutes les classes du secondaire dont 50 pour l'Afrique, 35 pour le Cameroun et le reste pour le monde.

Ce tableau analytique montre ou mieux illustre le retard qu'à connu le pays dans l'adaptation des programmes d'histoire avec le nouveau contexte de pays indépendant ayant sa propre histoire. Le tableau nous présente un vide de l'histoire du Cameroun dans les programmes entre 1960 et 1990. Peut-être les inspecteurs chargés d'élaborer les programmes n'étaient pas des nationaux ou ils l'étaient mais n'ont pas trouvé d'intérêt à l'histoire locale. Dans une troisième hypothèse, nous pensons le contexte aurait favorisé cet oubli ou la mise en écart de la mémoire d'un peuple. Cette hypothèse est corroborée par Mveng Evina quand il évoque le manque de volonté politique ou la manifestation d'une politique d'exclusion délibérément voulue par les gouvernants32. Ainsi, il argumente en disant ceci :

L'absence de l'histoire du Cameroun dans les programmes officiels de l'enseignement de l'histoire au Cameroun peut aussi se justifier par un choix politique. On peut plus précisément admettre que c'est l'application d'une politique délibérée d'exclusion par les gouvernants très soucieux de sevrer les Camerounais de leur histoire. Cette deuxième approche est vraisemblable. Cette volonté gouvernementale de maintenir les Camerounais dans l'ignorance de leur passé glorieux était plus perceptible dans ses

30 C. Marchand, L'enseignement au Cameroun sous, p. 91.

31 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les programmes, p. 371.

32 Ibid. p. 377.

33 Ibid.

34 Ibid. p.175.

manifestations à travers le comportement inquisiteur de ceux qui tenaient les rênes du pouvoir ou une parcelle du pouvoir vis-à-vis des enseignants d'histoire. C'est ainsi que dans nos lycées et collèges, de nombreux professeurs furent inquiétés, séquestrés, emprisonnés, déportés à cause d'une allusion historique faite lors d'un cours d'instruction civique. Certains noms étaient proscrits du langage courant : U.P.C., Um Nyobé, Félix Moumié, Ossende Afane ; etc. De même certaines périodes de l'histoire de notre pays étaient interdites à évoquer, exemple : 1947-196033.

Nous pouvons conclure que le problème n'était pas seulement lié à la France, mais il était beaucoup plus la volonté de Yaoundé. Pourtant nous notons une place très importante qu'on accorde à l'histoire de l'Afrique, de l'Europe et du Monde.

Il faut attendre 1990 pour voir l'histoire du Cameroun s'insérer dans les programmes. Mais la encore on a raté le coche de rattraper le grand retard a accusé dans l'intégration de son histoire. Car sur un total de 163 leçons, on accorda seulement 35 à l'histoire du pays.

Alors, fort de ce que nous venons de constater comment un peuple a-t-il pu être sevré de son histoire pendant 30 ans ? Qu'est ce qui s'est passé pour que cette situation ne déplaise à personne ? Mais cette erreur monumentale ne s'est pas arrêter seulement au niveau des programmes, le personnel enseignant a toujours posé un sérieux problème.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote