IV- LA PRISE DE CONSCIENCE GRADUELLE POUR
L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX
La conscience est un sentiment, perception que l'être
humain a de lui-même, de sa propre existence. En philosophie, elle est
l'intuition plus ou moins claire qu'a l'esprit de lui-même, des objets
qui s'offrent à lui, ou de ses propres opérations. C'est aussi la
perception, la connaissance d'une situation. Dans le cadre de notre travail, il
s'agit de la prise en compte de
l'intérêt de l'enseignement du fait religieux.
L'examen de cette prise de conscience pourrait se faire à travers une
enquête autour du fait religieux au Cameroun et l'évaluation du
débat en France.
B- ENQUETE « LE FAIT RELIGIEUX » EN HISTOIRE
1-Une démarche personnelle : réflexion et mise en
place
2-Analyse-bilan de l'enquête
C- UN DEBAT INSPIRATEUR EN FRANCE
1- rapport Joutard : 1989
Philippe Joutard, historien et ancien recteur de
l'académie de Besançon et de Toulouse, est chargé à
la fin des années 1980 de réaliser un rapport quant à
l'enseignement de l'histoire des religions sur demande du Ministre de
l'Education nationale de l'époque Lionel Jospin129. Ainsi,
voici un extrait de ce rapport de Joutard qui fait un constat sérieux
:
C'est un pan entier de notre mémoire collective qui est
menacé. L'ignorance du religieux risque d'empêcher les esprits
contemporains, spécialement ceux qui n'appartiennent à aucune
communauté religieuse, d'accéder aux oeuvres majeures de notre
patrimoine artistique, littéraire et philosophique, jusqu'au
XIXème siècle au moins...Cette ignorance ne permet pas non plus
d'appréhender nombre de réalités contemporaines dont on
mesure de plus en plus l'importance (le Moyen-Orient mais aussi les
Etats-Unis). Enfin, une communauté musulmane rend urgente encore une
large information130.
Il prône à travers ce rapport, une part plus
importante concernant l'histoire des religions en l'histoire-géographie
mais également en littérature pour désamorcer le manque de
culture religieuse chez les élèves. De plus, il insiste
également sur le fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un « retour de
Dieu » à l'école, ni de la fin de la laïcité,
mais plutôt de la fin du laïcisme131.
Pour le Cameroun, Ce rapport peut être inspirateur ;
d'abord parce que comme la France, notre pays est un Etat laïc. Mais
beaucoup de profanes ne verront pas immédiatement l'intérêt
de cette préoccupation. C'est pourquoi nous allons leur répondre
en exposant
129 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 20.
130 Extrait du rapport Philippe Joutard, 1989.
131 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 21.
quelques aspects de l'enjeu sur la connaissance du fait
religieux dans notre pays. D'abord la connaissance et la compréhension
de nos valeurs ancestrales passent par l'apprentissage de l'histoire des
religions traditionnelles africaines. C'est une partie de notre patrimoine
culturel. Car elles nous apprennent les lois de la nature, le respect d'autrui,
l'amour, la justice, le travail, le respect des ainés ; etc. Surtout en
cette période ou le Cameroun fait face à toutes les
déviances sociétales, il a dont besoin d'une prise de conscience
morale, d'un repère. N'est ce pas ce que beaucoup de penseurs
Camerounais souhaitent, le retour aux sources. Car, ces valeurs reconnues
à l'Afrique mettaient de l'harmonie. Ce qu'un témoin averti de
cette Afrique écrivait :
Les Africains d'âge supérieur à 45 ans
(..) ont sans doute conservé le souvenir de ce sens du partage,
d'hospitalité, et de justice qui caractérisait notre vie
communautaire. Les produits de la chasse, les fruits de la pêche ou de la
récolte, toute provision ramenée d'un voyage, tout cela
était scrupuleusement partagé entre les différents membres
de la grande famille villageoise. Toutes les cuisines de toutes les
mères étaient ouvertes à tous les enfants. Les menus,
services de ces derniers étaient à la disposition de tous les
adultes. C'est la logique de cette unité de vie et de participation qui
explique cette pratique difficilement admise en d'autres contextes, celle de la
communauté d'épouses à des conditions bien
définies. La solidarité était une nécessité
vitale, et non un simple voeu pieux132.
Cette éthique de participation et de communion
étaient dictées par la façon même de comprendre
l'univers. En dehors de cet aspect des choses, soulignons que notre histoire
coloniale est liée aux religions chrétiennes. Qui ignore que la
théorie de l'impérialisme s'appuie sur les missionnaires, les
marchands et militaires. Pour dire que les missionnaires chrétiens
européens ont joué un rôle décisif dans la
colonisation du continent noir. C'est par rapport à ce lien qu'Achile
Mbembe soulignait que : `'L'éclaircissement et la compréhension
de l'histoire de l'Afrique passent par la prise en compte des forces
religieuses''133.
2-Le rapport Debray : 2002
Président de l'Institut Européen en Sciences des
Religions(I.E.S.R) en 2002, dont il est le fondateur, il publie en
février 2002, un rapport sur « l'enseignement du fait religieux
dans l'école laïque » dans le respect et la continuité
du rapport de Philippe Joutard ; sur la demande
132 F. Kange Ewane, Semence et moisson coloniales,
Yaoundé, éditions Clé, 1985, p. 63.
133 A. Mbembe, Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et
Etat en société postcoloniale, Paris,, Karthala, 1988. P.
52.
de Jack Lang, alors Ministre de l'Education nationale. Il
tente notamment de définir le fait religieux qu'il qualifie de `'neutre,
observable et pluraliste''134.
Le rapport présente l'état des lieux de
l'enseignement du fait religieux en France et tente de réexaminer la
place à attribuer à cet enseignement. Le rapport énonce
d'abord les attentes : il s'agit, au nom de la sauvegarde des humanités,
de rendre possible la transmission des cultures religieuses. Puis, il aborde la
question des résistances face à ce qui peut être
perçu comme une intrusion du religieux dans la sphère laïque
de l'éducation. L'auteur souligne ensuite les contraintes de
l'enseignement du fait religieux dont l'efficacité peut être
compromise par son irrégularité et par une approche
banalisée. Le rapport tente de définir par la suite la notion de
laïcité républicaine comme liberté de conscience et
de culte mais surtout comme liberté d'intelligence, et voit dans
l'enseignement du fait religieux une visée démocratique qui se
doit d'être d'avantage équilibrée et distanciée,
sans verser dans un scientisme naïf. Enfin, le rapport présente
douze propositions135.
Cet intérêt s'est accru notamment avec les
événements du 11 septembre 2001. Il en ressortait alors en ce
moment, l'inculture religieuse de la société française.
Les attentats du 11 septembre 2011 ont marqué un véritable
tournant puisqu'il ne s'agit plus de comprendre uniquement le passé mais
également de comprendre l'actualité et l'avenir. Régis
Debray met en avant le fait que l'enseignement du fait religieux dès
l'école élémentaire permettrait aux enfants de mieux
comprendre les événements récents, actuels qui touchent le
monde entier. L'objectif essentiel d'après son rapport serait de
`'donner aux élèves des clés de compréhension du
monde, les hommes, de développer leur esprit critique, pour qu'ils
puissent lutter face à la falsification des images, au halètement
informatif, au tournis publicitaires''136.
Ce rapport Debray peut inspirer le Cameroun dans sa recherche
des voies pour l'enseignement du fait religieux à l'école
secondaire. Comme la France, les élèves Camerounais ferraient
face à l'inculture religieuse. Certains dirons que les
problèmes que connait la France sur le plan religieux ne sont pas les
mêmes au Cameroun. Oui je leur donnerais à moitié raison,
pour une simple raison. La crise interreligieuse n'est pas beaucoup
perceptible au Cameroun comme en France, cependant les
événements qui touchent les pays voisins du Cameroun à
savoir le Nigeria et la Centrafrique devraient être comme un grand
signal au Cameroun. Le fanatisme musulman au Nigéria avec le Boko
Haram, qui se caractérise par les massacres des populations et
les rapts des populations tant du coté du Nigéria que du
coté du Cameroun devient une préoccupation tant
sécuritaire que intellectuelle. L'instrumentalisation de la religion
dans la crise centrafricaine pose un sérieux problème dans la
sous région de l'Afrique centrale. En effet une crise qui se voudrait
politique s'est transformer en affrontement entre les AntiBalaka
(chrétiens) contre les Seleka (musulman). Et les effets de
cette crise arrivent au
134 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 21.
135 Ibid. p. 22.
136 Ibid.
Cameroun avec les multiples agressions venant de l'un de ces
groupes centrafricains et le grand nombre de réfugiés
centrafricains que le Cameroun reçoit sur son sol.
Plusieurs solutions s'offrent à la prévention de ces crises au
Cameroun. Mais parmi ces solutions l'enseignement du fait religieux serait
plus efficace et à long terme.
En définitive l'enseignement du fait religieux
au secondaire renforcé aura un effet positif au Cameroun. Mais à
condition que celui-ci reste neutre, c'est-à-dire qu'il ne verse pas
dans
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