3-Les religions africaines traditionnelles
Nous voyons les croyances africaines avec Zahan, comme une
confusion de `'l'homme noir, dans une certaine mesure, avec le monde, l'univers
et Dieu, pour voir dans la religion, plutôt une série de
préoccupations d'harmonie et d'ajustement de l'être humain dans
l'ensemble du monde visible et invisible»124.
Vincent Mulago définit les religions africaines comme un ensemble
culturel fondé sur la croyance en deux mondes distincts, l'un
122 F. Boespflug et E. Martini, S'initier aux religions,
P.166.
123 Ibid. P. 181.
124 D. Zahan, Spiritualité, religion et pensée
africaines, Paris, Payot, 1970, p87.
visible et l'autre invisible, en l'interaction entre ces
mondes, en un être suprême, et toute l'éthique qui en
découle125. En nous appuyant sur ces deux directives à
savoir le monde visible et le monde indivisible, nous pouvons
caractériser les religions africaines.
Le monde visible qui est la première dimension de la
religion africaine, c'est ce que Bokagne appelle la parie émergée
ou la facette de celle du monde invisible126. Pour ce, cette
dimension s'appuie sur les éléments de la nature. Il s'agit des
grottes, les montagnes, les fleuves, les arbres, les plantes
médicinales, les animaux donc certains sont sacrés et entrent
dans les croyances africaines. Pour les africains ces composants de la nature
ne sont pas les simples objets, ce sont être vivant qui incarnent la
présence de l'Être Suprême. D'où leur
caractère sacré. C'est pourquoi les occidentaux à mal de
trouver les similitudes entre ces croyances et les leurs ont parlé de
religions animistes.
Le monde invisible selon le même auteur est
stratifié selon l'échelle des valeurs humaines, il regroupe les
ancêtres, les génies, les esprits et l'Être
Suprême127. Ces éléments invisibles parfois
peuvent servir d'intermédiaires avec Dieu, c'est le cas des cranes chez
les peuples de Grassfield au Cameroun, quant aux génies et aux esprits,
ils ont invoqués pour la guérison ou exorciser un sort.
Alors pour les Africains les phénomènes visibles
et invisibles sont une émanation de l'Être Suprême et de sa
volonté. Tout participe à sa vie. C'est lui le soleil unique de
tous les univers dont le rayonnement assure la sustentation et l'être.
C'est à la pratique ces croyances que l'univers africains doit
l'harmonie et l'équilibre. C'est le Maât égyptien.
A la lumière de cette petite analyse, fort est de
constater que `'les religions» loin d'être la peinture que les
occidentaux ont fait d'elles sont des véritables religions. Elles
incarnent la conception africaine de l'existence, de l'univers et de dieu
créateur. Ainsi, ces religion mériteraient être
étudiées, aux mêmes rangs que les religions occidentales.
Sinon à quoi servirait la révolution culturelle de l'Afrique ?
L'enseignement des religions traditionnelles africaines aux
élèves permettrait que le petit Cameroun sache que les africains
n'étaient athées avant l'arrivée des blancs. Ils croyaient
en un Dieu suprême à leur manière propre. Dans une
deuxième dimension, cela pourrait aussi permettre que les croyances
africaines aux yeux des
125V. Mulago, `'Eléments fondamentaux de la
religion africaine» in Religion africaine et christianisme, Actes
de colloque international de Kinshasa (9-14 janvier 1978), Centre d'Etude des
Religions Africaines (CERA), 1979, p. 88.
126 E. Bokagne Betobo, `'Démystification du
christianisme à la lumière de l'histoire et des croyances
africaines», mémoire d'histoire, Université de
Yaoundé I, 2001, p. 91.
127 Ibid. p. 92.
128 Ibid. p. 96.
jeunes puissent être dédiabolisées. Car
beaucoup d'Africains depuis l'avènement du christianisme et l'islam ont
ramené les pratiques religieux africaines à la magie. Pourtant,
comme dans les religions étrangères, il existe des
débordements dans les religions africaines. Qui ignore que la rose
croix, la franc maçonnerie seraient entrées dans les Eglises
étrangères ? Qui ignore que l'exorcisme est souvent
pratiqué dans les religions chrétiennes ? Alors pourquoi voir le
mal seulement dans les religions africaines ? Dans la troisième
dimension, il s'agit de montrer à nos jeunes élèves que
les religions africaines ont des valeurs à exploiter pour
l'équilibre de l'univers. C'est dans ce sens que Bokagne pense que :
il nous parait impensable, que sous l'influence des croyances
africaines, le monde aurait connu les altérations de la couche d'ozone,
les violentes déforestations, les catastrophes écologiques que
sécrète un univers euro-chrétien dominé par la
vision d'un Dieu distinct de sa création128.
En somme, les croyances africaines à défaut de
ne pas être pratiquées, peuvent faire l'objet des leçons
dans les établissements scolaires. Elles prônent beaucoup de
valeurs morales, éthiques.
Alors à travers l'examen de l'absence de ces trois
religions, il est à constater que cet état des choses pourrait
s'avérer plus tard comme une insuffisance pédagogique dans les
programmes scolaires. Le monde actuel a maille à partir avec des
discriminations, même si dans le domaine de la science chaque Etat est
libre de faire le choix du système qui lui sied. Mais nous pouvons aussi
dire que chaque système d'éducation devrait prendre en compte le
contexte dans lequel il existe. Alors cette partie consacrée aux faits
religieux dans les programmes nous a conduit à l'examen de la place du
fait religieux dans les programmes et le constat de l'absence des autres
religions à l'intérieur de ces programmes. Dès lors il
faut s'interroger si cela n'est pas dû à un problème de
prise de conscience de l'importance de l'enseignement de l'histoire des
religions.
|