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L'enseignement du fait religieux dans l'enseignement secondaire au Cameroun: 1964-2013.

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par MARCEL KOVIEL SONGO
Ecole Normale Supérieure de Yaoundé - DIPES II 2013
  

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CHAPITRE II : UN CADRE D'ACCUEIL LAIC POUR L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX

Après plusieurs années de colonisation marquées par l'exploitation, les humiliations et la servitude, plusieurs pays africains accèdent à l'indépendance dans la période de 1960. A l'instar de ces Etats, le Cameroun devient un territoire souverain le 1ere janvier 1996054. Pourtant avant 1884 il n'existe pas en tant que tel. Il faut attendre la signature du traité germano-douala pour voir naitre un vaste territoire peuplé de plusieurs communautés ethniques55. Ce nouvel Etat est une république « laïque ». Ce qualificatif semble être une distinction liée à ses rapports avec les églises. Pourtant tout reste à croire que cette terminologie est nouvelle pour les Camerounais. Dès lors se poser la question de savoir comment ce territoire est devenu une république laïque ne surprendrait personne. Et comment cette laïcité s'applique à l'école ? A cet effet, des réponses à ces préoccupations sont évidentes. Pour se faire, nous allons tenter d'examiner les sources de la laïcité au Cameroun et montrer comment celle-ci s'applique dans le milieu scolaire.

I- LA LAICITE AU CAMEROUN

`'La république laïque du Cameroun»56n'est pas une invention des Camerounais, cette forme d'Etat aurait était inspirée par beaucoup de réalités historiques. A travers l'impact de la colonisation française, les lois internationales sur les droits de l'homme et la loi fondamentale du Cameroun, nous allons essayer d'établir les sources de la laïcité de l'Etat camerounais.

D- UNE LAÏCITE CALQUEE SUR LE MODELE FRANÇAIS

Plusieurs siècles avant le Cameroun, la France était déjà une République laïque. En nous appuyant sur la nature des relations coloniales entre le Cameroun et la France, il serait facile de conclure que la laïcité a était l'effet de diffusion au Cameroun à travers les acteurs coloniaux.

54 B. Delaveau, C. Mongnet et al., Décolonisation et problème de l'Afrique indépendante, Paris, édicef, 1989, p. 86.

55 Ibid. p.84.

56 In « préambule de la constitution du 4 mars 1960 ».

1- La France : une République laïque

La France devenue une République laïque après la révolution de 1789 transfert cette laïcité à l'école en 1905.

C'est sans conteste à partir de la révolution française, que le concept de laïcité prend racine. Elle marque le point de départ d'une laïcisation de la société. En effet à partir du 14 juillet 1789 la France monarchique va connaitre un bouleversement. Le peuple et le parlement demande un certain nombre de concessions au roi Louis VI57. Mais celui-ci de peur de perdre ses privilèges hésite et tente de faire intervenir les troupes pour disperser l'Assemblée et pense faire appel ses alliées européennes58. Mais cette réaction du roi n'est pas persuasive pour les députés qui dans la nuit du 4 août vote la déclaration des droits de l'homme et du citoyen59. C'est cette déclaration pose les bases de la laïcité60. Les philosophes du siècle des lumières critiquent vivement l'emprise que l'Eglise a pu avoir sur les esprits.

Incontestablement, les idées qui animeront la foi laïque prennent leur premier élan dans l'Encyclopédie de Diderot, dans le dictionnaire philosophique de Voltaire et son essai des moeurs, dans le contrat social de Rousseau (..). Le message novateur proclame la tolérance universelle, dissocie la morale et le dogme, conçoit et propose une honnêteté naturelle indépendante du catholicisme traditionnel et distincte de la religion61.

Cette citation que l'on doit à Louis Capéran, montre l'ampleur et les prémices de la naissance de la laïcité dans un contexte de Critique des abus de l'Eglise par les élites intellectuelles62.

En 1792, le marquis de condorcet émet l'idée, à travers son projet intitulé `'Rapport et projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique», d'un système éducatif séparé de l'influence importante de l'Eglise depuis des siècles63. Il veut une école obligatoire, gratuite et sans religion mais également égalitaire des garçons et des filles. Bien que très mal accueilli, ce projet constituera la base de référence un siècle plus tard avec Jules Ferry. Il

57 En effet, le 5 mai 1789 à Versailles a lieu les Etats généraux. Cette rencontre réunissait les députés du tiers état, ceux de la noblesse, du clergé et le roi. Il était question que le roi annonce des grandes réformes sur les domaines sociales et juridiques. Mais le roi Louis VI n'a fait aucune annonce. Cette situation crée une déception chez les députés qui décident de doter le pays sans le consentement du souverain d'une constitution qui encadre les droits et les libertés des citoyens. (M. Ivernel, a. Carol et al, Histoire Géographie 4è, Paris, Hatier, 2002, pp. 66-67.

58 Ces alliées sont les royaumes d'Angleterre, de Hollande, d'Autriche Prusse, d'Espagne et de Sardes.

59 M. Ivernel, a. Carol et al, Histoire Géographie 4è, Paris, Hatier, 2002, p. 66.

60 Confère une copie de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (Annexe I).

61 L. Capéran cité par C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux», p. 14.

62 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 14

63 Ibid.

propose notamment de `'n'admettre dans l'instruction publique l'enseignement d'aucun culte''. Condorcet voue une farouche hostilité à l'influence de l'Eglise64.

La France connait une période de grande violence anticléricale, la déchristianisation, qui culmine dans les années 1793-1794. La décision de 1795 est la première séparation de l'Eglise et de l'Etat) censée apaiser les tensions, n'y parvient pas vraiment et la laïcisation de l'Etat prend fin en 1801 avec le Concordat65.

Ce Concordat signé le 15 juillet 1801 entre le premier consul Bonaparte et le Pape Pie VII met fin aux guerres civiles et religieuses qui avaient divisé les Français pendant la révolution française66. Cette situation de l'institution de la loi de laïcité et sa levée par Bonaparte est comparable à la danse Bafia. Il faut attendre 1905 pour assister à la vraie séparation de l'Eglise et de l'Etat67. Emile Combes avait lutté de manière radicale contre les congrégations en 1902 puisqu'elles sont presque toutes interdites, et en 1904, 2000 écoles avaient été fermées. Combes ayant été forcé de démissionner, c'est le président du conseil Maurice Rouvier qui fait voter la loi préparée par Aristide Briand, lui-même conseillé par Jean Jaurès. Le projet de Combes était très dur et celui qui aboutit à la loi est plus souple.

L'article 4 de la loi admet les différences d'organisation interne des l'Eglises et la structure hiérarchique de l'Eglise catholique68. Jaurès pensait qu'il fallait penser à long terme, en espérant une évolution interne de l'Eglise catholique qui s'acclimaterait progressivement à la laïcité. La loi prône la liberté de penser librement, le droit de penser à l'égard des dogmes et des préjugés et ne va nullement à l'encontre de la liberté de conscience ; c'est pourquoi, on ne saurait confondre la laïcité et l'athéisme.

Il s'agit à travers de cette loi, la laïcité de la République puisque celle-ci prône d'une part que `'L'Etat assure la liberté de culte, dans le respect de l'ordre public''69 puis d'autre part que `'l'Etat ne cautionne et ne subventionne aucun culte''70. La loi de 1905 est l'aboutissement d'un long conflit, de plus d'un siècle en France ; celui-ci aura opposé l'église catholique aux héritiers révolutionnaires. Cette laïcité sera réconfortée à travers les constitutions de 1946 et celle de 1958.

64 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux'', p. 14

65 Ibid.

66 Ibid.

67 Confère loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et l'Etat (Annexe II).

68 Article 4 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et l'Etat

69 Article 1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et l'Etat

70 Article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et l'Etat

La constitution de la quatrième République datant du 27 octobre 1946 reconnait le concept de la laïcité. En effet, il est instauré dans le préambule de celle-ci lorsqu'il est écrit que : `'L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir pour l'Etat''71. De plus, dans l'article premier de la constitution de 1946, il est affirmé que `'la France est une République indivisible, laïque, démocratie et sociale''72. En 1958, une nouvelle constitution est promulguée. Elle conforte le texte de la constitution de 1946 et donc la reconnaissance de la laïcité. Son préambule en reconnait l'attachement du peuple français aux droits définis dans la déclaration de 1989. Le premier article reprend d'autre part la formule figurant dans la constitution de 1946, à savoir que la `'République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances''73. Alors fort de ce qui précède, nous constatons que le caractère laïque de la République Française a connu une évolution en dent de scie. Mais dès le début du XXe siècle cette laïcité est confortée. En se défaisant de la prééminence de la religion sur l'Etat, le domaine de l'enseignement n'a-t-il pas été affecté par cette réforme ?

Le système de l'enseignement d'un pays est tributaire de la nature de son Etat. C'est pourquoi nous pensons que la révolution qu'a connue depuis 1789 a aussi eu des effets sur le domaine scolaire. Trois étapes marquent la laïcité dans l'alphabétisation. En abolissant la loi de 1795, Bonaparte reliait à nouveau l'Etat à la religion. Ce contexte conforte l'Eglise et les cléricaux, qui se méfient de la République et des intellectuels. Ils donnent la priorité à l'éducation religieuse sur l'instruction74.

En effet, en 1816, une ordonnance royale accorde la priorité à l'éducation religieuse et rend obligatoire le catéchisme. Ceci est dû à la nature du régime qui est une monarchie constitutionnelle très cléricale, souhaitant restaurer par tout, l'influence de l'Eglise. Les écoles religieuses se développent considérablement sous la restauration (1815-1830)75. Pourtant ce recul de la laïcité soutenu par Bonaparte et l'Eglise n'empêche en rien du sentiment anticlérical. Celui-ci progresse notamment pour prôner le mépris envers le catéchisme.

C'est sous la monarchie de juillet (1830-1848) que Guizot, grand historien, impose de par cette loi, à chaque commune d'ouvrir une école publique, sans pour autant dégager l'enseignement primaire de la tutelle de l'Eglise : `'L'instruction primaire est privée ou

71 In « préambule de la constitution de 1946 ».

72 Extrait de l'article Ier de la constitution de 1946.

73 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 18.

74 Ibid. p. 15.

75 Ibid.

publique». Avec cette loi, l'instruction primaire élémentaire comprend `'l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures». Cette loi marque un premier pas pour faire de l'école une `'affaire d'Etat»76.

La loi Falloux de 185077 veut redonner à l'Eglise le contrôle sur l'école. Elle rétablit notamment le contrôle du curé et établit la totale liberté de l'enseignement secondaire favorable aux écoles religieuses qui doivent concurrencer le secondaire laïque78.

Les lois laïques de 1879-188279 marquent la dernière étape de l'alphabétisation. L'instruction publique est un enjeu majeur de la troisième République dans un contexte de combat idéologique et conflictuel avec l'Eglise. En 1880, Camille Sée crée les collèges et lycées de filles et exclut l'enseignement religieux des heures de classe, mettant fin à la loi Falloux de 1850.

En 1881 et 1882, jules Ferry alors ministre de l'Instruction publique, remanie l'enseignement primaire. Il propose ce que l'on nomme les `'lois laïque» en se fondant sur l'utopie de Condorcet . La loi de 1881 instaure l'école gratuite et obligatoire pour les garçons et les filles de 6 à 13 ans. Un an plus tard en 1882, l'école publique devient laïque. Les programmes scolaires sont laïcisés, la religion étant affaire privée, le catéchisme n'est plus enseigné. De plus Jules Ferry affirme que ces deux lois ne sont pas des lois de combat dans une circulaire de 1883 adressée aux enseignants. Voici le contenu : `'L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Eglise. L'instruction morale à l'école. La loi a pour premier objet de séparer l'école de l'Eglise, d'assurer la liberté de conscience et des maitres et des élèves, distinguer entre deux domaines trop longtemps confondus, celui des croyances, qui sont personnelles, libres, variables, et celui des connaissances qui sont communes et indispensables à tous». C'est ainsi que dans les programmes l'instruction morale et religieuse est remplacée par l'instruction morale et civique qui est basée sur un fondement philosophique. L'article premier de la loi du 28 mars 1882 énonce les disciplines enseignées à l'école primaire et accomplit la réforme la plus déterminante en faisant disparaitre l'instruction religieuse des anciens programmes issus de la loi Falloux.

76 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, pp. 16-17.

77 Ibid. 78Ibid. 79Ibid.

Jean Marie Mayeur insiste sur le fait que `'l'obligation, la gratuité et la laïcité formait aux yeux des républicains un atout inséparable. La gratuité permet l'obligation qui, dans un pays divisé de croyance, impose la laïcité''80.

La loi Goblet datant du 30 octobre 1886 interdit aux ecclésiastiques d'enseigner dans le public, il s'agit de par cette loi d'imposer la laïcisation du personnel dans les écoles publiques.

L'école de la République a été un franc succès avec d'une part la laïcité et d'autre part la centralisation notamment en ce qui concerne les programmes scolaires remaniés et la loi de 1886 qui impose de manière statutaire la laïcisation des personnels enseignants. Le principe de laïcisation de l'école ayant été consacré, restait à l'étendre à l'ensemble de l'Etat81. En somme, le domaine de l'enseignement a emboité le pas à la laïcisation de la République Française. Alors à travers ce qui précède, nous avons examiné la longue marche de la laïcisation de l'Etat français. Dès lors, voyons en quoi cette France a pu être l'une des sources de la République laïque au Cameroun.

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