C- LE MANUEL SCOLAIRE ET LES METHODES D'ENSEIGNEMENT
La place de l'histoire dans l'enseignement au Cameroun se
matérialise aussi par la confection des manuels scolaires d'histoire et
l'existence des méthodes précises de l'enseignement de cette
discipline.
Selon le Dictionnaire de Pédagogie,
Le manuel est un livre d'un type un peu particulier. Il est
destiné à être toujours en main comme son nom l'indique et
il contient, sur une matière donnée, l'essentiel de tout ce qu'il
faut savoir, présenté de façon aussi plus accessible que
possible.
Le manuel n'est pas propre aux disciplines d'enseignement
puisqu'on peut trouver des manuels pour la pêche ou pour la cuisine, mais
l'acception la plus courante le désigne comme livre de classe, où
une discipline, axée sur un
35 Ibid. p.179.
36 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les
programmes, pp. 379-380.
37 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire dans le
secondaire au Cameroun'' in La recherche en histoire et l'enseignement de
l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International,
Publications de l'Université de Provence, 1997, pp. 389-390.
programme est présentée en leçons, avec
illustration, croquis, carte accompagnées des règles, d'exemples,
d'exercices...38
Pour mieux appréhender un concept ou une notion, une
définition n'est pas suffisante. Ainsi, pour Richaudau,
S'il faut définir le manuel scolaire, ce doit
être d'abord en évitant toute qualification formelle ou
restrictive. On peut alors avancer qu'un manuel (scolaire) est un
matériel imprimé, structuré, destiné à
être utilisé dans un processus d'apprentissage et de formation
concerté.39
Cela veut dire que tout ce qui est écrit peut
être utilisé comme matériel d'enseignement-apprentissage
scolaire quel que soit son étendu et son volume qu'il occupe à la
seule condition qu'on l'intègre à un processus d'enseignement. De
préférence cette définition :
S'applique donc aussi bien à un atlas qu'à un
dictionnaire, une encyclopédie, une anthologie de morceaux choisis, un
manuel scolaire proprement dit, ... un manuel pratique (technique), un texte,
programmé, etc.40
Une réflexion sur les différences
définitions ci-dessus établit sans ambages qu'elles ont un
dénominateur commun : l'intégration à un processus
d'enseignement ou d'apprentissage. Quand une discipline est axée sur un
programme et présentée en leçons avec illustrations dans
un document écrit cela revient à dire que ce document est
intégré dans un processus d'enseignement-apprentissage.
Comenius serait le premier auteur d'un manuel scolaire
destiné aux maîtres et aux élèves, La porte
ouverte des langues en 1633 et que par la suite, il mit au point le livre
illustré41.
Le problème de manuel scolaire d'histoire au Cameroun
est très réel. L'usage préférentiel des manuels
d'histoire écrits par des occidentaux, la pauvreté quantitative
et qualitative des manuels d'histoire.
La politique du manuel d'histoire au Cameroun ne tient pas
compte du nouveau contexte du Cameroun. En effet, cinquante ans après
son indépendance le système éducatif camerounais ne
devrait plus se tourner vers ceux qui ont souhaité qu'on n'ait pas
d'histoire pour faire l'histoire de notre pays. Aujourd'hui le Cameroun
continue d'utiliser des manuels
38 L. Arenilla, et al., Dictionnaire de
pédagogie, Paris, Bordas, 1996, p. 187.
39 F. Richaudau, Conception et production des
manuels scolaires, guide pratique, Paris, U.N.E.S.C.O, 1986, p. 51.
40 Ibid.
41 J. B.Tchoufa, `'Problématique de la
conduite, p. 37.
d'histoire écrits par les occidentaux. Pourtant ceux-ci
font un travail superficiel et leur intérêt est plus commercial
que scientifique. C'est ce que dénonce Mveng Evina quand il dit :
La plupart des manuels d'histoire utilisés au Cameroun
sont édités en France par les grands éditeurs
français (Hachette, Hatier, Larousse ; etc.) Ces éditeurs sont
plus portés à éditer les ouvrages scolaires qui
intéressent le plus grand nombre des pays francophones. Ce sont en fait
des commerçants plus intéressés par les
bénéfices que les intérêts particuliers d'un pays
isolé42.
Le manuel d'histoire de terminale Décolonisation et
problèmes de l'Afrique indépendant de B. Delaveau est un
exemple patent. Dans ce manuel, cet auteur et ses compères
réduisent l'histoire de l'Afrique à 159 pages. L'histoire de la
décolonisation du Cameroun fait à peine deux pages dans ce
manuel.
Voila la preuve que la production de l'histoire africaine est
une source d'argent pour les occidentaux et nom un souci de doter les pays
africains de leur histoire. Hélas sur le plan local ce n'est pas
mieux.
L'insuffisance production des livres d'histoire au Cameroun
pose un sérieux problème. La production est faible par rapport
à la demande. Les historiens publient peu d'ouvrages. Les
mémoires, les thèses qui peuvent être publiées sont
classées dans les bibliothèques académiques. Ceux qui
essaient de produire font des gros livres difficiles à s'en servir dans
l'enseignement secondaire. Pourtant ils pouvaient sortir des petits manuels
à partir de ces publications. Les cent d'histoire du Cameroun,
l'histoire du Cameroun sont des gros ouvrages qui peuvent produire
plusieurs manuels utilisables au secondaire.
La qualité de la matière historique est
confrontée à plusieurs problèmes. La tranche connue de
cette histoire n'a fait qu'une entrée timide, en tout cas tardive dans
les programmes d'enseignement, tous cycles et tous niveaux confondus. Le
matériel didactique est sommaire, souvent incohérent et pas
toujours crédible, convaincant. Trop de manuels ou de fascicules
intitulés : `'histoire du Cameroun. Classe de ...» ont
été conçus et confectionnés à la va-vite
pour couvrir un marché sur un créneau juteux, plutôt que
pour satisfaire des réels besoins de connaissances43. On note
encore aujourd'hui beaucoup d'amateurisme dans la production des manuels
d'histoire. Les éditeurs à mal de connaissances en histoire
synthétisent mal les connaissances scientifiques pour mettre à la
disponibilité des enseignants et les élèves du
42 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les
programmes, pp. 379
43 L. Kaptué, `'Historiographie et
enseignement de l'histoire au Cameroun» in La recherche en histoire et
l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque
International, Publications de l'Université de Provence, 1997 .p.
327.
secondaire. Alors nous avons pu constater que le manuel
scolaire bien n'étant pas bon en quantité et en qualité
fait son bonhomme de chemin au pays. Au vu de la multiplication des enseignants
d'histoire, de l'émergence de plusieurs historiens dans nos
universités conscients du problème de la production historique
dont souffre notre pays, il est possible d'espérer la production
s'améliore en quantité et en qualité. A l'intar de la
méthode de l'enseignement qui évolue d'année en
année.
La méthode est l'ensemble de procédés, de
moyens pour arriver à un résultat selon le Dictionnaire
Universel. Etymologiquement, méthode veut dire chemin qui conduit
vers une destination, un but44. La méthode didactique se
distingue de la méthode de la recherche, en ce sens qu'elle se
réfère plus précisément à l'enseignement. Or
tout enseignement exige l'explication ou la formulation des objectifs de
l'enseignement. Pour atteindre ces objectifs, l'enseignant doit passer par une
ou plusieurs méthodes qui conduisent vers ces objectifs45.
Alors dans son livre, Belinga affirme que la méthode de l'enseignement
est vielle comme l'histoire. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, les
Sophistes apparaissent comme les premiers spécialistes de
l'enseignement. Ce sont eux en effet qui vont être à l'origine des
premiers développements didactiques46. L'objet de leur
enseignement était l'art oratoire. C'est la maîtrise de la
communication et de la persuasion au moyen de la parole. A côté
des Sophistes, Socrate développe la maïeutique et la méthode
basée sur la conversation47. Ainsi nous constatons que depuis
la Grèce antique, les hommes de science étaient
déjà préoccupés par la méthode.
Depuis les temps modernes, on a connu les méthodes
traditionnelles, les méthodes actives, les méthodes par objectif
et l'approche par les compétences.
La méthode traditionnelle est celle qui applique la
pédagogie du transmissivisme. Ici l'enseignant est le
magistère et l'apprenant le Tabula rasa.
Ces méthodes, on le sait, font appel à la
mémoire plutôt qu'à l'intelligence de
l'élève. Elles ont pour corollaire le cours dicté qui
renferme le professeur dans un monologue et l'amène par
conséquent à s'adresser plus aux stylos à billes qu'aux
élèves48.
44 S. Belinga Bessala, Didactique et
professionnalisation des enseignants, Yaoundé, Edition CLE, 2005,
p. 34.
45 Ibid.
46 Ibid. p.33.
47 Ibid.
48 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire, p.
390.
Cet enseignement ennuyeux et peu efficace ne pouvait perdurer,
`'il était apparu comme un mal généralisé qui
minait l'enseignement dans les lycées et collèges du
Cameroun''49. Il fallait la changer avec une nouvelle
méthode.
Dans les années 1980, l'Inspection Nationale
d'Histoire-Géographie préconisa les méthodes actives pour
enseigner l'histoire dans le secondaire.
La méthode active implique la prise en compte des
intérêts des apprenants, de la participation des
élèves moyennant des stimuli spécifiques. Il s'agit de
susciter, de provoquer l'action de l'apprenant à travers les
activités bien structurées. L'apprenant est situé au
centre de sa formation, l'enseignant devient son guide, orienteur tout en
évitant de se substituer à lui dans son activité
d'apprentissage50.
Cette méthode a permis à l'enseignement
d'être efficace. Car l'élève participait activement
à l'élaboration de son savoir. Dans la quête de perfection,
on essaye toujours d'adapter la manière d'enseigner au rythme de
l'évolution de la pédagogie et en fonction des difficultés
rencontrées sur le terrain, en l'occurrence des méthodes actives
à la longue on a rencontré de nombreux problèmes.
Certaines de ces difficultés sont :
- Les effectifs pléthoriques de certaines classes ne
permettent pas à chaque élève de s'exprimer ;
- Les contraintes des programmes à terminer absolument
amènent certains enseignants à utiliser les méthodes
ex-cathedra ;
- Les supports didactiques font défaut.
Face à ces problèmes les spécialistes on
expérimenté une nouvelle méthode, c'est l'enseignement par
objectif ou directive. Pour Roger Mager il est `'la description d'un ensemble
de comportements (performances) dont l'étudiant doit se montrer capable
pour être reconnu compétant''51. En histoire comme dans
toute autre discipline, la méthode par objectif présente des
avantages certains. D'abord, elle traduit une indication précise de la
direction de l'apprentissage envisagé par l'enseignant formateur, une
description du résultat attendu par lui52. Voici les
rubriques qui entrent dans la préparation d'une leçon avec la
méthode par objectif :
- les contenus spécifiques de la leçon ;
- L'objectif pédagogique opérationnel terminal
subdivisé en objectifs pédagogiques opérationnel
intermédiaires ;
49 Ibid.
50 S. Belinga Bessala, Didactique et
professionnalisation, p. 38.
51 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire, p.
391.
52 Ibid.
53 Mayi, `'Cours de didactique de l'histoire»,
Histoire V, Ecole Normale Supérieure de Yaoundé, 2013.
- Le matériel didactique
- Les activités d'apprentissage - L'évaluation
- Le temps.
Cette méthode est appréciée, mais le de
perfectionner, de produire les apprenants compétents, depuis quelques
années, l'Inspection Nationale d'Histoire-Géographie
expérimente une méthode novatrice. C'est l'approche par les
compétences. Elle nous vient du Canada.
Selon Domenico Maciotra `'la compétence est un savoir
agir en situation. Elle dépasse le simple cadre du savoir
c'est-à-dire ce qui s'apprend, pour devenir un savoir en action. On est
compétent par rapport à un tâche à une
situation»53.
La compétence ne se donne dont pas, mais elle se
construit dans et par une activité. Elle présente quelques
caractéristiques :
- La compétence ne se donne jamais à voir
directement. Elle n'est pas donc observable directement comme les objectifs de
Bloom cognitifs ;
- La compétence est indissociable e l'activité,
de la singularité du sujet et du contexte dans lequel elle s'exerce.
- La compétence est structurée de manière
combinatoire et dynamique ;
- Elle est construite et évolutive.
L'enseignement secondaire a choisi les clases de 6e
et 5e au Cameroun pour expérimenter cette méthode.
Elle est indiscutablement la meilleure, car elle permet à l'apprenant de
résoudre ses problèmes quotidiens. L'histoire étant un nom
de problèmes à résoudre, elle est appropriée. On
attend voir les résultats de cette expérimentation d'ici les
années à venir. Alors nous constatons que plusieurs efforts sont
faits dans le système éducatif pour améliorer les
méthodes d'enseignement. Dès lors suite à cette dynamique
consacrée dans la méthode, il est indispensable que le
problème du manuel d'histoire trouve des solutions efficaces.
Finalement l'histoire du Cameroun a pris une place importante
aujourd'hui dans l'enseignement. Malgré que cette dynamique ait
été progressive. L'élargissement de l'histoire du Cameroun
dans les programmes de l'enseignement, la formation de plus en plus des
enseignants d'histoire, l'amélioration des méthodes
d'enseignement sont autant de signaux qui montrent que l'histoire a un bel
avenir devant elle.
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