H. La confiscation spéciale
Grâce à la réforme, le législateur
a repris, à l'article 06 de la loi n° 024/2002 du 18 novembre 2002,
la peine de confiscation spéciale, et avec l'abrogation de l'ordonnance
n°78/060 du 25 septembre 1972, la suppression de la peine de confiscation
générale devient effective par le fait d'une loi contraire ; au
rebours de toutes les spéculations antérieure des praticiens
gagnés aussi bien par des visions simplistes que des élans
d'intérêts.
Introduite en droit congolais depuis l'époque
coloniale, la peine de confiscation spéciale est inhérente
à la culpabilité de l'agent. D'autant plus qu'elle ne peut
être prononcée que lorsque ce dernier fait objet d'une
condamnation par la juridiction répressive. Cependant, force nous est de
constater que la pratique a, du moins pour les infractions de droit commun,
« consacré » l'exécution de cette peine tant à
la phase préliminaire qu'à la phase préparatoire de
l'instruction pour des infractions dont la peine principale peut être la
servitude pénale principale à temps ou l'amende. Tel est le cas
du vol simple dont l'auteur peut être amené à payer les
amendes transactionnelles. Il importe ainsi de dégager le sens du
concept « confiscation spéciale » avant d'évoquer
quelques problèmes pouvant être engendrés par l'application
de cette peine, surtout suite à l'abandon par le législateur de
la confiscation générale.
1. Notions
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infraction, ou constituant le produit de cette
dernière. Elle procède généralement d'une
incrimination intentionnelle. Cette définition est tirée de
l'article 14 du CPO
L 1er qui dispose : la confiscation spéciale
s'applique uniquement :
a. Aux choses formant l'objet d'une infraction et celles qui
ont servi ou qui ont été destinées à la commettre
quand la propriété en appartient au condamné ;
b. Aux choses qui ont été produites par
l'infraction
La confiscation spéciale est prononcée pour
toute infraction dont l'existence est subordonnée à l'intention
délictueuse. Elle n'est prononcée, pour les autres infractions
que dans le cas déterminé par le législateur »
Ce pendant, il a été jugé que la
confiscation spéciale peut être prononcée, à titre
exception, en cas d'acquittement, quand bien même les objets
n'appartiennent pas au délinquant, si la circulation de ces biens
s'avère dangereuse40, ou s'ils sont sans valeur comme l'est
un bouton41.
Ici la confiscation spéciale apparaît comme
«une mesure de sûreté et de police à caractère
réel » d'un objet criminel42.
En revanche, l'on exclut de la confiscation les biens
utilisés dans la phase préparatoire de l'infraction et avant le
commencement d'exécution, tel le cheval dont s'est servi le voleur pour
se rendre sur le lieu du vol43.
Par ailleurs, l'on admet que la sacoche de médicaments,
propriété du condamné ayant servi à commettre
l'infraction doit être confisquée44, de même que
le véhicule qui a servi au chargement ou à l'enlèvement du
butin45. Mais après la suppression de la peine de
confiscation générale, la confiscation spéciale
met-elle
40 Boma, 24 Avr. 1913, Jur Congo, p. 103 cité
par MUTATA LUABA p. 133.
41 T. 1ere inst. Coq, 19 Janv. 1923, Jur
Kat I, p. 108.
42 Art. 114 du code de la route
43 Lire ESIKA MAKOMBO, code pénal
Zaïrois annoté, livre 1er, Lubumbashi 1977, P. 146
et 9 cité par MUTATA LUABA, Droit pénal militaire
congolais, Ed. Du SDEMJDH, Kinshasa 2012 p. 133.
44 T. 1ere inst. Lubumbashi, 03 Avr. 1969,
RJCB n° 02, p. 229 avec note
45 Elis, 03 Avr. 1954, RJCB, p. 200.
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définitivement les innocents liés au
délinquant à l'abri de toute violation de leurs droits ?
Tels sont les problèmes que nous abordons dans les lignes
ci-dessous.
2. Problèmes pouvant résulter de
l'application de cette peine
A ce stade nous plancherons d'une part sur le problème
découlant de l'alternative légale, et d'autre
part sur l'atteinte possible aux droits des innocents.
a. L'alternative légale
L'article 74 al 2 du CPM dispose : « Le tribunal peut en
outre
prononcer la confiscation de tous les biens produits du vol,
du détournement ou de la dissipation ».
Cette alternative nous paraît préjudiciable pour
les bénéficiaires des effets de cette sanction, en l'occurrence
l'Etat Congolais, l'armée, la police ou le service national ainsi que
leurs membres respectifs pris collectivement ; tous ces
bénéficiaires de ne pas être restaurés dans leurs
droits par suite d'une attitude irresponsable d'un juge négligent,
distrait, voire même « intéressé » par l'agent
incriminé. Nous aurions souhaité que cette alternative qui, hier,
était compréhensible par l'application obligatoire de la
confiscation générale, puisse être abandonnée au
profit d'une formule impérative «la juridiction doit en outre...
», Devant laquelle le juge est tenu de s'incliner à tout prix. Car
elle garantit suffisamment les intérêts de la partie civile.
b. L'atteinte aux droits des innocents
A défaut d'une procédure particulière sur
l'application de cette peine,
il reste de principe que, tant que la condamnation du
délinquant n'est pas encore effective, aucune saisie des biens,
même réputés d'origine délictuelle, ne peut
être opérée, en vertu de la présomption d'innocence
que bénéficie toute personne
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attraite devant la justice. A l'appui de cette assertion, il y
a une jurisprudence qui note que la confiscation n'est pas subordonnée
à une saisie préalable46. Cependant nous ne pouvons
perdre de vu que ce principe, applicable aux biens produits de l'un ou l'autre
fait punissable sus précisé, n'est pas souvent observé en
pratique, ou l'on recourt généralement à la « saisie
conservatoire des biens suspects ». Il peut advenir que la confiscation
des biens d'origine du vol, mais surtout du détournement, affecte le
patrimoine intégral du condamné, dont la valeur peut être
proportionnelle ou inferieur aux deniers publics détournés. Il y
a risque de sacrifier les intérêts des enfants, mais aussi ceux de
l'autre conjoint en violation du régime matrimonial de la
communauté réduite aux acquêts, conféré
à un contât de mariage muet.
Et pourtant, en ce qui concerne les enfants, l'ordre juridique
international requiert que leurs intérêts puissent être pris
en compte, afin que leur droit à la vie ou à
l'épanouissement sain soit toujours sauvegardé, bref le sort des
enfants doit constitue une préoccupation primordiale, en vue de garantir
la survie même de la société.
Quant à l'autre conjoint innocent (et
particulièrement celui de sexe féminin), il peut être
porté atteinte à son patrimoine acquis grâce au
régime sus évoqué, consacré par l'art. 489 du code
de la famille : « si les époux n'ont pas
régulièrement opéré leur choix, le régime de
la communauté réduit aux acquêts leur sera applicable(...)
». Et l'art. 516 in fine de ce même texte prescrit : « sont
communs et comme tels qualifiés acquêts, les biens que les
époux acquièrent pendant le mariage par leur activité
commune ou séparée ainsi que les biens conjointement acquis par
les deux époux par donation, sur cession ou testament ».
46 ESIKA MAKOMBO, 03 Avr. 1937, RJCB, p.129
cité par MUTATA LUABA, Droit pénal militaire congolais,
Ed. Du SDEMJDH, Kinshasa 2012
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Cependant, face à ces principes, deux
hypothèses, peuvent être observées dans le comportement du
délinquant : d'une part c'est le cas où les deniers publics
détournés ont généré le patrimoine des
innocents, et d'autre part le cas où les deniers sont gaspillés
par le délinquant au point d'entamer le droit à la
réparation civile.
1. Le cas ou les deniers publics
détournés ont généré le patrimoine des
« innocents »
Cette hypothèse suppose que la famille a pu constituer
son patrimoine, ou ce qui en est essentiel après l'acte
répréhensible de l'agent. De ce fait, les principes ci-haut ne
peuvent pas s'appliquer s'il est établi que le patrimoine
constitué provient de ce détournement. Ces biens doivent
être confisqués lors même qu'ils affecteraient le patrimoine
intégral du délinquant. D'ailleurs si la mauvaise foi d'autres
membres « présumés innocent » est prouvée, les
adultes peuvent s'exposer à la rigueur légale sur pied de l'art.
101 prévoyant et réprimant le recel. Les titres de
propriété obtenus pour des biens d'origine délictuelle se
révèlent invalides. Tel serait le cas d'un certificat
d'enregistrement obtenu pour un immeuble payé à l'aide des
deniers détournés.
2. Le cas ou les deniers sont gaspillés au
point d'entamer le droit à la réparation civile.
Il peut advenir qu'un agent traduit en justice du chef de
détournement de deniers publics, se livre au gaspillage de son butin
pour des motifs divers. Dans ce cas certaines décisions dont « la
saisie conservatoire » peuvent être envisagées pour
sauvegarder le patrimoine présumé de l'Etat.
C'est ici que tout les principes ci-haut exposés
doivent être observés pour prévenir des abus des organes
chargés de l'administration de la justice, et
40
particulièrement les OPJ et les magistrats du parquet.
Quant au juge de fond, il devra éviter toute condamnation « par
appartenance familiale », en dissociant les biens du coupable de ceux des
innocents dont les droits sont garantis par la société.
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CHAPITRE II. PRESENTATION DE LA PRISON MILITAIRE DE
N'DOLO
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Comme nous l'avons dit dans les pages
précédentes, nous avons passé notre stage
académique au TMG/GOMBE, où nous avons eu à nous
déplacer pour les audiences foraines dans la prison centrale de Makala
comme dans la prison militaire de N'dolo. Nous avons été
motivé à aborder ce sujet par rapport aux conditions de vie des
détenus militaires constatées, d'où nous avons
pensé écrire comme c'est l'arme la plus forte que nous
possédons à ce stade. Dans les pages qui viennent, nous allons
donc retracer l'historique et les missions de ladite prison (section 1) et
parler de l'organisation et du fonctionnement de celle-ci (section 2).
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