F. La révocation
A priori, il serait hors propos de parler de cette sanction
dans cette étude si l'on sen tient à sa nature primaire et
à son inexistence sur la liste des peines organisées par la loi
militaire. Cependant, connue de tout temps comme sanction disciplinaire ou
administrative, la révocation, c'est une innovation légale, vient
de revêtir la nature d'une sanction quasi judiciaire et applicable
à tout « agent public de l'Etat » dont les militaires et leurs
assimilés (membres de la police nationale ou bâtisseur de la
nation).
En effet, par le décret-loi n°017/2002 du 03
octobre 2002, portant code de conduite de l'Agent public de l'Etat, il est
institué un cadre légal devant servir d'instrument de
régulation du comportement de celui-ci en vue de la bonne marche de
l'appareil étatique, assurer bien entendu dans chaque secteur
spécifique d'attributions. Aux termes de l'art. 1 de ce
décret-loi, « l'agent public de l'Etat »
31
s'étend de « toute personne exerçant une
charge publique de l'Etat et/ou rémunérée par le
trésor public ».
Sur cette liste d'agents publics de l'Etat sont
énumérés respectivement le personnel civil et militaire
oeuvrant au sein des forces armées et les agents de la Police Nationale
Congolaise.
A ce propos, l'art. 32 al.3 de ce décret-loi dispose :
« Tout Agent Public de l'Etat qui est condamné
définitivement à une peine de servitude pénale
égale ou supérieure à trois mois doit être
révoqué d'office sur simple constatation de la condamnation
».
En ce qui concerne le condamné, membre des forces
armées, de la police nationale ou service national, l'avis de
condamnation adressé au commandement par les instances judiciaires
militaires, permet d'effectuer ce constat automatique de révocation,
dans la mesure ou ce document renseigne suffisamment sur le sort judiciaire de
l'agent.
G. L'amende
A l'instar de nombreuses autres peines prévues par
l'actuel CPM, la peine d'amende figure dans la nomenclature de l'art. 26 dudit
texte. Il s'agit là d'une évolution positive par rapport au CJM
abrogé sous le régime duquel cette sanction n'apparaissait
qu'à travers certaines dispositions répressives qui la
prévoyait dans des hypothèses très limitées. Quoi
qu'il en soit, il importe d'en cerner le sens et d'en évoquer les
modalités de paiement.
1. Notions
L'amende est une peine accessoire ou principale qui consiste
dans le paiement par le présumé délinquant,
l'inculpé ou le condamné d'une certaine somme d'argent au profit
du trésor public. Cette sanction affecte pour ainsi dire
32
« la poche ou la porte-monnaie » de la personne
incriminée. L'on parle de l'amende transactionnelle lorsqu'elle
résulte d'un « marchandage » entre l'accusé pour une
infraction et l'autorité judiciaire compétente,
c'est-à-dire un OPJ de droit commun ou un magistrat du parquet. La loi
de la réforme retire à l'OPJ militaire la prérogative de
transiger les amendes avec l'auteur présumé de l'infraction,
justiciable de la juridiction militaire.
En sus, il faut retenir qu'un principe général
de droit préconise l'interdiction des amendes
collectives34.
En cas de condamnation, l'amende résulte d'une
décision du juge de
font.
Toujours en droit pénal militaire, lorsque la peine
d'amende est prononcée pour une infraction de droit commun contre des
militaires ou assimilés n'ayant pas rang d'officier, le tribunal peut
décider, par une disposition spéciale, de substituer à
cette peine celle de servitude pénale subsidiaire de deux jours à
six mois, l'intéressé conservant la faculté de payer
l'amende en lieu et place de l'emprisonnement35. Et la peine ainsi
infligée conserve le caractère d'une amende mais elle ne se
confond pas avec les autres peines prononcées. Elle est subie
indépendamment de celle-ci36.
Bien plus, lorsqu'il s'agit d'une infraction prévue par
le Code pénal Militaire, et quand les circonstances atténuantes
ont été admises, en aucun cas une peine d'amende ne peut
être substituée à une peine de servitude
pénale37. Ces principes énoncés par le droit
pénal militaire en matière d'amende doivent être
explicités ; en raison de la spécificité des destinataires
« originaire » de la loi militaire, l'on peut épingler une
approche réaliste de la situation socio-économique
34 Cfr. Cass. 8 Janv. 1951, JT, p. 320.
35 La peine d'amende est organisée par les
articles 10 et 13 du CPO L 1er et 26, 37 et 38 du CPM
36 Art. 37 al.2 du CPM
37 Art. 38 du CPM
33
des justiciables visés, de même que le choix
d'une situation favorable à ces incriminés.
a. L'approche réaliste
La loi militaire est « naturellement »
destinée aux personnes dont les avoirs sont généralement
modestes, sinon très limités surtout en ce qui concerne les
hommes n'ayant pas rang d'officier tant au sein de l'armée qu'au sein de
la police nationale ou du service national. Or l'amende étant une peine
patrimoniale, le législateur fait ainsi preuve de réalisme en
tenant compte des possibilités limitées de cette catégorie
des justiciables. C'est ainsi que l'alternative d'une peine de servitude
pénale subsidiaire est consacrée pour sanctionner tout de
même le délinquant « insolvable ». Il faut en outre
noter contrairement au droit commun qui ignore cette faculté
accordée au condamné38, ce dernier, en droit
militaire, peut payer l'amende et échapper à la servitude
pénale.
b. Le choix d'une situation favorable
Lorsqu'un condamné pour une infraction à la loi
militaire bénéficie des circonstances atténuantes, il lui
est retiré la latitude d'option entre l'amende et la servitude
pénale subsidiaire. Dans ce cas, il reste soumis au paiement de la seule
peine d'amende (art. 38 du CPM). A notre avis, cette solution traduit la
volonté réelle du législateur d'offrir au condamné
une situation favorable, dans la mesure où la peine d'amende
relève moins afflictive que celle de privation de liberté, et la
disponibilité de l'agent pour le service commandé s'en trouve
garantir.
38 Art. 13 du CPO LII « ...le condamné ne
peut se soustraire aux poursuites de ses biens en offrant de subir la servitude
pénale »
39 Art. 1er de l'Ord-loi n°85-010
du 31 Déc. 1985 modifiant l'ord-loi n°79-007 du 06 Juil. 1979
fixant l'expression monétaire et le taux de la majoration des amendes
pénales
34
2. Modalités de paiement
Le législateur n'impose aucune procédure pour le
paiement de l'amende prononcée par la juridiction répressive. En
droit commun, il détermine seulement le délai de huit jours
francs, à l'issue duquel la servitude pénale subsidiaire doit
être subie par le condamné. Quant à l'amende
transactionnelle, elle est versée dès que possible auprès
de l'autorité judiciaire l'ayant proposée et ce moyennant
quittance comme preuve de paiement, quand bien même, payée devant
l'enquêteur primaire(OPJ), elle ne met pas définitivement un terme
aux poursuites judiciaires ultérieures sur les mêmes faits.
En ce qui concerne l'unité monétaire, l'amende
s'exécute en principe en monnaie nationale. Mais, il y a lieu de
reconnaitre que cette règle n'a pu être de stricte rigueur
jusqu'à l'actuelle reforme judiciaire par suite de l'environnement
socio-économique particulièrement rude que connait les pays
depuis des décennies entrainant une dépréciation continue
de la monnaie nationale. Les taux d'amende étaient devenus
insignifiants, voire inadaptés aux différents signes
monétaires apportés par les multiples reformes monétaires
(francs congolais, zaïres, nouveaux-zaïres) intervenus dans notre
pays. Devant les fluctuations spectaculaires de la monnaie nationale, la
nécessité de majorer les taux d'amande s'avérait
impérieuse.
Déjà en 1985, le législateur avait,
à juste titre, perçu cette nécessité et
s'était résolu de « multiplier par dix le minima et le
maxima des amendes pénales39 ». Car, à
l'époque, la peine d'amende avait perdue « se vertu
répressive et dissuasive » dont elle devait pourtant jouir ; l'on
relevait en effet que « dès lors, une amende pénale
lorsqu'elle devient dérisoire par le fait de la
dépréciation monétaire, ne remplit plus son rôle de
prévenir des infractions et d'intimider des
La confiscation spéciale s'entend de toute, peine
complémentaire et patrimoniale affectant les biens du condamné
l'ayant servi à la perpétration d'une
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délinquants potentiels ». Mais l'érosion
monétaire poursuivant son avancée, l'ordonnance-loi n°85-010
du 31 décembre 1985 s'avouait largement dépassée.
Actuellement, c'est par un arrêté interministériel que le
taux des amendes est fixé.
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