C. La destitution
L'article 31 du CPM dispose : « les juridictions
militaires pourront prononcer la peine de destitution contre tout officier
condamné à cinq ans de servitude ».
Il est à retenir que cette peine engendre les
mêmes effets que ceux de la dégradation. Et les
développements exposés sur la grâce présidentielle
et l'amnistie restent valables dans cette hypothèse aussi ; lors
même que le sens du concept « destitution » mérite
d'être précise.
Il appert que la destitution est, en principe, une peine
complémentaire perpétuelle infligée exclusivement aux
officiers de tout rang, condamnés à plus de cinq années de
prison, laquelle consiste dans la déchéance de la qualité
de militaire en entraînant de jure le renvoi de l'armée. En
majorant, tant pour la dégradation que pour la destitution, le taux de
la peine méritée au maximum de cinq ans de servitude
pénale principale, le législateur a pris toute la mesure de la
gravité de cette peine, qui peut résulter des humeurs
inhabituelles de juges de fond.
A l'instar de la dégradation, dont la différence
ne tient qu'au rang des militaires visés, la destitution est « une
sanction infamante, affective et
éliminatrice, et joue essentiellement un rôle
d'intimidation24 ». Elle vise substantiellement à
sauvegarder l'image de marque des Forces Armées vis-à-vis des
populations civiles.
Par ailleurs, la destitution est aussi une peine
complémentaire obligatoire ou facultative.
Elle est obligatoire, par exemple, en cas d'outrage au
drapeau, à l'armée 25; ou en cas d'abandon d'un navire
ou aéronef militaire ou assimilé prévu par l'article 118
du CPM. Elle est facultative dans d'autres cas où le condamné
a
24 LIKULIA BOLONGO, p. 35 cité par MUTATA
LUABA, Droit pénal militaire congolais, Ed. Du SDEMJDH,
Kinshasa 2012
25 Art. 86 al. 6 du CPM
25
subi une peine principale de plus de cinq années de
prison, main sans admission des circonstances atténuantes.
A noter tout de même qu'au rebours du droit congolais,
le droit belge fait de la destitution une peine complémentaire
temporaire dont les effets peuvent cesser de courir par suite d'une grâce
royale. S'il désire regagner encore l'armée, le condamné
gracié sera réintégré dans son grade d'antan. Eu
égard aux conséquences ou combien désastreuses que ces
sanctions complémentaires peuvent occasionner non seulement pour
l'individu concerné, mais encore pour son cercle familial, leur
application se trouve assortie de quelques limitations légales.
1. Limitations à l'application des peines
complémentaires
Le législateur prévient qu'elles sont de deux
ordres: celles découlant de l'admission des circonstances
atténuantes par le juge et celles relatives à la qualité
de certains condamnés.
2. Limitations découlant des circonstances
atténuantes
D'abord, il sied de relever que les circonstances
atténuantes s'entendent d'un faisceau de fait accompagnant la
perpétration d'une infraction et qui, laissés à
l'appréciation souveraine du juge de fond, permettent la
réduction de la peine en dessous du taux habituel26.
Aussi l'article 35 du CPM stipule : « quand la peine
prévue est la destitution ou la dégradation, et si les
circonstances atténuantes ont été admises, la juridiction
applique la peine de privation de grade ».
L'interprétation stricte de cette disposition nous
amène à affirmer que si les circonstances atténuantes sont
admises pour une infraction ou le législateur prévoit
l'application de la dégradation ou de la destitution à titre
complémentaire, le juge est tenu de commuer l'une ou l'autre de ces
peines en privation de grade,
26 Art. 18 et 19 du CPOL II qui constitue le
siège de cette matière
26
quand bien même le taux de la peine principale est
supérieur à cinq années de servitude pénale
principale. Cependant, cette limitation n'est d'application absolue dans toutes
les hypothèses où le législateur prévoit
l'application de la peine de destitution. Car, par sa volonté
dérogatoire, en cas d'abandon d'un navire ou d'un aéronef
militaire ou assimilé, prévu par l'article 118 déjà
évoque, la destitution est impérativement prononcée, quel
que soit le taux de la peine.
De nombreuses décisions judiciaires pourtant assorties
des circonstances atténuantes, ont retenu la dégradation ou la
destitution au regard des articles 393 et 396 du Code de justice Militaire
abrogé, devenus articles 30 et 31 du CPM, alors que l'un ou l'autre de
ces articles devrait être combiné avec l'article 401 du Code de
justice Militaire, devenu article 35 du CPM.
3. Limitations relatives à la qualité de
certains condamnés
Elles visent les prisonniers de guerre et les personnes
étrangères à l'armée et portent sur les peines de
dégradation, de dentition ainsi que de privation de garde.
Aux termes de l'article 36 du CPM, il est prescrit : «
pour des prisonniers de guerre et les personnes étrangères
à l'armée, la destitution, la dégradation et la privation
de garde, prévus à titre principal ou complémentaire, sont
remplacées par une peine de servitude pénale subsidiaire d'un
à six mois ». Il nous semble que cette disposition est sujette a
caution : il relève de noter que même la destitution ne plus
exceptionnellement prévu à titre principal par le
législateur de la reforme. Elle devient totalement une peine
complémentaire à l'instar de la dégradation et de la
privation de grade.
En outre, les peines complémentaires s'appliquant en
même temps que les peines principales, c'est à bon droit que le
législateur de la réforme a remplacé
27 Art. 36 du CPM
27
l'une ou l'autre de celles-ci par une autre
complémentaires en l'occurrence : la servitude pénale
subsidiaire, d'un à six mois ; en lieu et place d'une sanction suis
generis « d'emprisonnement » que prévoyait l'ancien code de
justice militaire ; car le législateur entend simplement exclure les
prisonniers de guerre, de même
que toute autre personne étrangère à
l'armée du régime des peines complémentaires
liées au grade , en l'occurrence : la destitution, la
dégradation, la privation de grade27 , et même la
rétrogradation non reprise par la loi.
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