Le régime juridique de l'insurrection : une étude à partir des cas libyen et syrien( Télécharger le fichier original )par Joseph Marcel II MBAHEA Université de Yaoundé II - Master II Droit public international et communautaire 2013 |
B - L'INSURRECTION EN VERTU DE L'OPPRESSION GOUVERNEMENTALE : LA CONSOLIDATION DU PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER DANS LE CONFLIT LIBYENDe tout temps et en tout lieu, lorsqu'un peuple est victime d'un pouvoir tyrannique, lorsqu'il voit ses libertés étranglées, bafouées, son confort sacrifié sur l'autel de l'égoïsme de la classe dirigeante, il finit toujours par prendre les armes. La France en a fait l'amère expérience. On parle du droit de résistance à l'oppression. De nos jours, cette option reste une alternative forte envisageable et même souhaitable pour évincer les régimes autoritaires, ségrégationnistes ou liberticides. Cela a été le cas en Libye où la répression sanglante de l'insurrection a justifié une intervention militaire portée par le principe de la responsabilité de protéger. Quel est le contenu de ce principe ? (1) qui souffre d'instrumentalisation ? (2) 1 - Le contenu du principeLa responsabilité de protéger est un concept conçu et développé pour l'essentiel par les penseurs du monde occidental et en cours de timide réception par le droit international. Ce principe postule qu'il existe une obligation qui pèse sur les acteurs de la société internationale et se fonde davantage sur des considérations morales, humanistes et même philanthropiques que juridiques. Il s'agit pour ces acteurs d'intervenir dans un Etat face à des situations qui plongent la population dans souffrances immenses et que les autorités refusent ou sont incapables d'y apporter solution. De plus en plus, le droit international limite la tendance des Etats à évoquer et se réfugier sous le parapluie de la souveraineté, pour s'affranchir des obligations qui sont les leur quant au respect des Droits de l'Homme. « La nécessité d'apporter une aide humanitaire aux populations dont la survie est menacée n'est pas un phénomène récent »184(*) L'on est passé du « droit d'assistance » au « devoir d'assistance » L'expression «responsabilité de protéger» a été énoncée pour la première fois dans le rapport de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté (CIIS), instituée par le Gouvernement canadien en décembre 2001. La Commission avait été formée en réponse à la question posée par Kofi Annan de savoir quand la communauté internationale doit intervenir à des fins humanitaires. Le rapport de la Commission, «La responsabilité de protéger», a conclu que la souveraineté non seulement donnait à un État le droit de « contrôler » ses propres affaires, mais aussi lui conférait la « responsabilité » première de protéger les personnes vivant à l'intérieur de ses frontières. Le rapport énonçait la thèse que lorsqu'un État se montre incapable de protéger sa population, qu'il ne le puisse pas ou qu'il ne le veuille pas la responsabilité en passe à la communauté internationale au sens large. C'est en avril 2006 que, pour la première fois, le Conseil de sécurité a fait officiellement référence à la responsabilité de protéger, dans la résolution 1674 sur la protection des civils en période de conflit armé. Le Conseil de sécurité s'est référé à cette résolution en août 2006, alors qu'il adoptait la résolution 1706 autorisant le déploiement de forces de maintien de la paix des Nations Unies au Darfour (Soudan). Récemment, la responsabilité de protéger a figuré en bonne place dans un certain nombre de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité. La responsabilité de protéger se décline en trois obligations majeures : la responsabilité de prévenir, la responsabilité de réagir, et la responsabilité de reconstruire. Ce principe a été évoqué pour justifier une intervention militaire en Libye. Il faut reconnaitre ici qu'en dépit des louables intentions qui la fondent, la responsabilité de protéger n'en demeure pas moins une atteinte à la souveraineté des Etats. Sa mise en oeuvre commande une immixtion dans leurs affaires internes. Ce comportement demeure prohibé par la Charte des Nations unies qui explicitement défend d'« ...intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat (...) »185(*) A l'observation, la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger est entachée de fortes présomptions de partialité. Elle laisse entrevoir des manipulations, la poursuite d'objectifs politiques inavoués. C'est ce qui donne de penser qu'il y a instrumentalisation de ce principe. * 184 Me PARE (M), « Etat humanitaire, ou humanitarisme d'Etat ? », R.Q.D.I, (1993-1994), p. 344. * 185 Art 2 para7, Charte des Nations unies, op.cit. |
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