Partie 1 : Recherche
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1.1. L'identité de la recherche
1.1.1. Aux origines de nos questionnements
Durant les deux années du master d'enseignement du
français langue étrangère, mon expérience a
été double. J'ai été apprenante et enseignante, du
français comme des autres langues rencontrées pendant ce parcours
: l'anglais et l'espagnol, langues de communication et d'apprentissage ; le
grec, langue d'ouverture sur un pays alors peu connu ; et enfin le
norvégien, langue du pays où j'ai projeté mon avenir
personnel et professionnel. Toutes ces langues, et d'autres, malgré
leurs différences, ont fait pour moi partie d'un tout : ma propre
compétence de communication. Elles n'ont été jamais pour
moi des entités distinctes et opposées. Chaque langue m'a
apporté des éléments pour en comprendre une ou plusieurs
autres. L'anglais, notamment, m'a aidé dans des situations bien
précises : lors de mon premier stage d'enseignement, dans une
école bilingue (espagnol et anglais) à Murcie, en Espagne,
l'anglais était parfois un outil de communication lorsque le
français puis l'espagnol ne suffisaient plus. En Grèce, lorsque
j'ai eu l'opportunité d'enseigner à un groupe de jeunes
élèves de l'Institut français, l'anglais est alors
intervenu, au cours des interactions avec les élèves mais aussi
parfois pour assurer la compréhension de la langue. L'utilisation d'une
langue tierce dans l'enseignement du français est donc une
problématique que j'ai pu non seulement étudier au cours de mes
apprentissages universitaires, mais qui a également fait partie
intégrante de mon parcours d'apprenante et d'enseignante. J'ai donc
évolué au travers de ces différentes expériences en
tant qu'individu bilingue, ayant recours à mes langues sans pour autant
les compartimenter, que cela soit intentionnel ou non. De cette
réalisation est née la problématique de ce travail, soit
la transposition de ces réflexions à un public et un contexte
différent.
Les apprenants norvégiens ont pour langue maternelle
l'une des variantes du norvégien - le norvégien bokmål, ou
le norvégien nynorsk. L'anglais fait partie du curriculum dès la
seconde année de l'école primaire (Eurydice, 2012 :153).
Dès l'entrée au collège, les élèves peuvent
faire le choix d'une nouvelle langue étrangère, ou bien de suivre
un cours avancé de langue anglaise. Les collèges
norvégiens ont pour obligation de proposer au moins l'une des quatre
langues suivantes : espagnol, allemand, français et russe. En 2013, 19%
des élèves de huitième année (ou Year 8,
équivalent norvégien de l'année de quatrième en
France) participent au cours de
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langue française ; et ce contre 45% au cours
d'espagnol, et 35% au cours d'allemand (UDIR, 2014 :19). Si le français
se place donc comme troisième langue étrangère dans le
secondaire, il ne bénéficie pas de la même
popularité que l'espagnol et l'allemand. L'anglais, lui, fait plus
figure de seconde langue chez les jeunes norvégiens que de langue
étrangère à proprement parler (UDIR, 2004 :13). Ces
tendances se confirment au lycée ou videregående skole,
où le nombre d'élèves choisissant de poursuivre le
français baisse légèrement depuis quelques années,
un certain nombre d'élèves ayant choisi le français (ou
l'allemand) comme option au collège décidant de poursuivre leur
scolarité avec un autre cours optionnel (UDIR, 2012 :9 ; UDIR, 2014
:26). Les raisons de cette baisse de popularité des langues
étrangères à l'entrée au lycée peuvent
s'expliquer par plusieurs raisons : une culture de l'enseignement des langues
étrangères en Norvège qui reste, depuis des
décennies, bien trop théorique, malgré les nombreuses
réformes qui peinent à changer les choses (la dernière
datant de 2006) ; la rupture avérée entre les pratiques des
enseignants du collège et du lycée (Henriksen, 2008 :88-89) ; et
un manque de ressources (financières et humaines) (Andersen, 2004
:15).
Sur ce point, il est important de noter le clivage qui existe
au sein du pays quant au choix des langues étrangères : le
français est l'une des premières langues étrangères
dans la région d'Oslo, où le pourcentage d'élèves
inscrits monte à 30% en 2013, un chiffre en hausse depuis 2010.
(Helland, 2011 :26 ; UDIR, 2014 :19). En revanche, dans des régions plus
isolées et moins peuplées comme le Finnmark, à
l'extrême nord du pays, l'attrait des langues étrangères
diminue considérablement - ce que l'on peut expliquer par un manque
d'enseignants spécialisés (Helland, 2011 :28 ; Eurydice, 2012
:85-86). Aujourd'hui, l'un des objectifs du gouvernement norvégien est
de promouvoir le plurilinguisme, de rendre l'apprentissage des langues
étrangères plus attractif en réformant les curriculums
pour changer les mentalités (Eurydice, 2012 :37).
Notre recherche part du postulat que les élèves
norvégiens ont des compétences en langue anglaise
élevées. En effet, les pays nordiques ont pour réputation
une bonne maîtrise de l'anglais, et les médias anglo-saxons sont
très présents dans la culture norvégienne. Les chiffres du
Conseil norvégien pour l'éducation et la formation (UDIR, pour
Utdanningsdirektoratet) nous amènent à modérer ce point de
vue (sans pour autant le contredire). Là encore, les compétences
en langue anglaise sont plus élevées chez les
élèves d'Oslo de cinquième année (Year 5,
ou CM2 en France) et des régions attenantes (Akershus, Hedmark,
Vestfold...) (UDIR, 2014 :70). Ce même
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rapport nous montre également que les
compétences orales des élèves sont plus
élevées que les compétences écrites (UDIR, 2014
:74).
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