CONCLUSION PARTIELLE
L'objet de ce chapitre était de voir comment
évolue l'influence de la région de résidence de l'enfant
sur la fréquentation scolaire actuelle à travers une analyse
multivariée explicative et de trouver dans la mesure du possible des
éléments explicatifs de la non-scolarisation des enfants
tchadiens d'âge de scolarité obligatoire en 1997.
L'analyse s'est faite en cinq étapes.
Dans un premier temps, nous avons examiné les
disparités régionales en matière de scolarisation des
enfants de façon globale. Cette analyse a permis de constater
qu'après contrôle par toutes les variables, l'effet de la
région de résidence persiste. La région de
résidence est donc une variable cruciale pour l'explication de la
scolarisation des enfants au Tchad.
Nous avons dans un deuxième temps observé la
situation en nous référant uniquement au milieu de
résidence. Il découle de l'analyse que toutes choses
étant égales par ailleurs, en milieu urbain, les enfants du Nord
et du Centre ont respectivement 49% et 28% moins de chances d'être
scolarisés que leurs camarades du Sud. Le sexe, l'âge et le statut
familial de l'enfant, le sexe, l'âge et le niveau d'instruction du chef
de ménage, le niveau de vie et la taille du ménage ainsi que le
nombre d'enfants de moins de cinq ans du ménage ont des effets additifs
sur les disparités régionales en matière de scolarisation
en milieu rural tchadien.
Les disparités régionales sont plus
prononcées en milieu rural qu'en milieu urbain.
Troisièmement, nous avons évalué les
inégalités en matière de scolarisation selon les
caractéristiques du chef de ménage. Et nous avons constaté
que quel que soit le sexe du chef de ménage, les rapports de chances du
Centre diminuent alors qu'il n'y a pas de grand changement au Nord et les
inégalités régionales en matière de scolarisation
des enfants sont presque identiques chez les hommes CM et chez les femmes CM.
Par rapport au Sud, quand le chef de ménage est de niveau au moins
secondaire, les enfants sont plus scolarisés au Centre et moins
scolarisés au Nord. Les écarts de chances entre les enfants des
trois régions se creusent davantage sous contrôle des autres
variables quand le chef de ménage est sans instruction. Et les
disparités régionales sont plus prononcées que quand le
chef de ménage est sans instruction.
Nous avons ensuite voulu voir comment évolue l'effet
de la région de résidence sur la scolarisation des enfants selon
le niveau de vie des ménages. Ce qui nous a conduit à observer
que les disparités régionales sont plus prononcées dans
les ménages pauvres que dans les ménages riches.
Nous avons enfin procédé à
une évaluation des inégalités régionales selon les
caractéristiques des enfants. A ce niveau, nous avons constaté
que :
· les disparités régionales sont plus
grandes chez les garçons de 6 à 14 ans que chez les
filles de 6 à 14 ans ;
· les disparités régionales sont plus
prononcées chez les 10-14 ans que chez les 6-9 ans;
quand on compare la situation des enfants de 6
à 9 ans, on s'aperçoit que les disparités
régionales sont presque identiques chez les filles et chez les
garçons. Chez les 10-14 ans, on observe que les disparités
régionales en matière de scolarisation sont plus importantes chez
les garçons que chez les filles ;
· les garçons de 6-9 ans ont à peu
près deux fois plus de chances d'être scolarisés dans
toutes les régions que les filles du même groupe d'âges ;
· les garçons de 10-14 ans du Nord, du Centre et
du Sud ont respectivement 3,24, 2,75
et 3,75 fois plus de chances d'être
scolarisés que les filles de 10-14 ans de la même
région qu'eux.
Le milieu de résidence, le niveau de vie des
ménages, le niveau d'instruction du chef de ménage, le sexe du
chef de ménage, l'âge et le sexe de l'enfant déterminent
donc la scolarisation différentielle des enfants selon les
régions au Tchad.
SYNTHÈSE ET CONCLUSION
GÉNÉRALE
L'objectif général de cette
étude était de mettre à la disposition des
décideurs et autres utilisateurs potentiels des informations
susceptibles de les éclairer dans la prise des décisions
relatives au développement social et économique du Tchad en
tenant compte des spécificités régionales.
Il s'agissait plus
spécifiquement :
1) de rendre compte des disparités
régionales en matière de scolarisation des enfants au Tchad ;
2) d'identifier la part des
caractéristiques des enfants (plus particulièrement du sexe et de
l'âge) dans l'explication des disparités régionales de
chances de scolarisation des enfants au Tchad ;
3) de cerner les déterminants de la
non-scolarisation des enfants selon les régions au Tchad.
Nous cherchions à mettre en évidence
les inégalités existant entre les enfants selon leur
région de résidence en répondant aux questions suivantes
:
- les disparités régionales
en matière de scolarisation des enfants varient-elles en fonction de
l'âge et du sexe des enfants ?
- les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont-elles identiques en milieu
rural et en milieu urbain ? dans les ménages pauvres et dans les
ménages riches ? dans les ménages dirigés par des
chefs instruits et dans ceux dirigés par des analphabètes ?
dans les ménages dirigés par des hommes et dans les
ménages dirigés par des femmes ?
Pour mener à bien cette
étude, à la suite de la revue de la littérature qui nous a
conduit à retenir l'approche socio-démographique d'étude
de la scolarisation des enfants comme approche théorique de notre
travail, nous avons émis des hypothèses et élaboré
le cadre conceptuel correspondant.
L'hypothèse principale
étant qu'il existe des disparités en matière de
scolarisation des enfants entre les différentes régions du Tchad
et en particulier entre le Nord et le Sud, et ces inégalités
s'expliquent par certaines caractéristiques liées à
l'offre scolaire, aux ménages, aux chefs de ménage et aux
enfants.
Nos hypothèses spécifiques
étaient les suivantes :
(H1) les disparités régionales en matière
de scolarisation des enfants sont plus prononcées en milieu rural qu'en
milieu urbain ;
(H2) les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont plus prononcées dans
les ménages pauvres que dans les ménages riches, dans les
ménages dont le chef a un niveau d'instruction bas que dans les
ménages dont le chef a un niveau d'instruction élevé et
dans les ménages dirigés par les hommes que dans ceux
dirigés par les femmes;
(H3) les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants augmentent avec l'âge des
enfants ;
(H4) les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont plus importantes chez les
filles que chez les garçons.
Pour tester la validité de nos
hypothèses nous nous sommes servis des données de l'Enquête
Démographique et de Santé (EDS) collectées au Tchad en
1996/1997.
Après l'évaluation des
données, nous avons effectué deux types d'analyses : l'analyse
univariée pour décrire le phénomène et l'analyse
multidimensionnelle pour expliquer la situation. Au niveau multivarié,
nous avons choisi d'utiliser la régression logistique compte tenu de la
nature dichotomique de notre variable dépendante à savoir la
fréquentation scolaire actuelle.
Il ressort de nos analyses qu'il y a bien des
inégalités régionales en matière de scolarisation
au Tchad. Il apparaît de prime abord que 32,6% seulement des enfants de 6
à 14 ans fréquentent effectivement un établissement
scolaire au Tchad en 1996/1997 et qu'il y a sous- scolarisation des enfants du
Nord et du Centre par rapport à ceux du Sud. Les enfants sont mieux
scolarisés au Sud du Tchad (44,0%) et au Centre (33,5%) qu'au Nord
(9,3%). Pour 100 garçons scolarisés, on a 47 filles
scolarisées au Nord, 72 au Centre et 61 au Sud. Dans l'ensemble, on
enregistre 62 filles scolarisées pour 100 garçons
scolarisés au Tchad en 1996/1997.
Au niveau multivarié, toutes choses
étant égales par ailleurs, il ressort que par rapport au
Sud :
· les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont plus prononcées en
milieu rural qu'en milieu urbain ;
· les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont plus prononcées dans
les ménages dont le chef a un niveau d'instruction bas que dans les
ménages dont le chef a un niveau d'instruction élevé et
dans les ménages pauvres que dans les ménages riches ;
· les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont presque identiques dans les
ménages dirigés par les hommes et dans ceux dirigés par
les femmes ;
· les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont plus grandes chez les
garçons de 6 à 14 ans que chez les filles de 6 à 14 ans
;
· les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont plus prononcées chez
les 10-14 ans que chez les 6-9 ans ;
· quand on compare la situation des enfants de 6 à
9 ans, on s'aperçoit que les disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont presque identiques chez les
filles et chez les garçons. Chez les 10-14 ans, on observe que les
disparités régionales en matière de scolarisation sont
plus importantes chez les garçons que chez les filles ;
· les garçons de 6-9 ans ont à peu
près deux fois plus de chances d'être scolarisés dans
toutes les régions que les filles du même groupe d'âges ;
· les garçons de 10-14 ans du Nord, du Centre et
du Sud ont respectivement 3,2; 2,6 et 3,8 fois plus de chances d'être
scolarisés que les filles de 10-14 ans de la même région
qu'eux.
En somme, le milieu de résidence, le niveau
de vie des ménages, le niveau d'instruction du chef de ménage,
l'âge et le sexe de l'enfant déterminent la scolarisation
différentielle des enfants selon les régions au Tchad.
Sur les quatre hypothèses que nous avons
émises, deux n'ont pas été totalement
confirmées. Il s'agit des hypothèses 2 et 4.
L'hypothèse 2 a été
partiellement vérifiée. Les résultats montrent que les
disparités régionales en
matière de scolarisation des enfants sont plus prononcées dans
les ménages dont le chef a un niveau d'instruction bas que dans les
ménages dont le chef a un niveau d'instruction élevé et
dans les ménages pauvres que dans les ménages riches mais presque
identiques dans les ménages dirigés par les hommes et dans ceux
dirigés par les femmes.
Pour l'hypothèse 4, les résultats
confirment bien l'existence des disparités scolaires entre les enfants
des différentes régions. Mais ces inégalités sont
plutôt plus importantes chez les garçons que chez les filles.
Au regard de ces résultats, nous pouvons
dire que les familles tchadiennes mettent le plus souvent les fillettes
à l'école pour un temps et les retirent ensuite quand elles sont
un peu grandes pour s'occuper de certains travaux. En milieu rural musulman,
l'école moderne n'est pas souvent à l'ordre du jour laissant la
place soit à l'école coranique soit aux activités
agro-pastorales. Chez les chrétiens, les enfants ruraux allient tant
bien que mal l'école et les travaux champêtres. Les garçons
des zones septentrionales sont plus orientés vers le travail que vers
l'école que leurs camarades du Sud à partir de 10 ans. Les
disparités régionales découlent des conditions de vie
défavorables de certains ménages qui choisissent d'occuper
autrement leurs enfants en vue de parer au plus urgent que de les envoyer
à l'école.
Notons aussi que le Nord du Tchad fait partie du
Sahara et de la zone sous-scolarisée du sahel qui s'étend du
Tchad au Sénégal en passant par le Niger, le Burkina Faso, le
Mali et la Guinée. Les ethnies vivant dans ces pays sont en
majorité musulmanes et font partie des sociétés qui se
sont le plus illustrées dans la lutte contre la
pénétration coloniale. Et la scolarisation des enfants est
assimilée à un acte d'avilissement aux colons voire un contact
avec des non-croyants nuisible à l'affermissement de la foi. Au Sud du
Tchad, la création des écoles communautaires francophones et la
présence en nombre relativement élevé des chefs de
ménage de niveau primaire et plus ont contribué à
l'amélioration du niveau de scolarisation. Au Centre du pays, les
facteurs de modernisation (l'instruction des chefs de ménage,
l'urbanisation et le niveau de vie des ménages) ont influencé
positivement la scolarisation des enfants de ladite région.
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