Elle est basée sur le travail
des enfants ainsi que sur le niveau de vie des ménages. Trois
préoccupations guident essentiellement les recherches :
- coût de la scolarisation et demande
scolaire ;
- scolarisation et travail des enfants ;
- demande scolaire et marché de l'emploi.
La pauvreté est la principale cause des
problèmes qui empêchent le développement des pays
africains. Comme l'UNICEF le définissait dans son rapport de 1996, "la
pauvreté est à la fois un phénomène
économique, social et culturel. Du point de vue économique, elle
consiste en la privation de biens essentiels répondant aux besoins
vitaux : se nourrir, se loger, se vêtir. Du point de vue social,
c'est l'absence de contrôle sur les institutions et la
dévalorisation. Du point de vue culturel, c'est l'imposition des valeurs
des classes dominantes, la dépendance, la frustration ! La
pauvreté n'est donc pas uniquement une privation de biens
matériels-nourriture, logement, vêtement - et de biens
culturels-loisirs, instruction, communication -mais aussi une absence de
contrôle et de pouvoir social" (UNICEF, 1996 : cité par
Ndoye, 2002 :8). La pauvreté apparaît donc comme une raison
majeure de la non-scolarisation des enfants africains.
Une étude menée par l'UNICEF
(1998 : cité par Ndoye, 2002 :8) met en évidence le fait que
vivre dans la pauvreté a des effets directs sur la capacité des
élèves à apprendre car la pauvreté les
empêche d'apprendre. Comment peut-on s'instruire quand il faut survivre
au jour le jour ?
Dans un contexte de misère, le
travail des enfants constitue pour les parents une source de revenu leur
permettant d'assurer les besoins familiaux, contrairement à
l'éducation qui serait pour eux une dépense de plus s'ajoutant
aux besoins vitaux déjà non satisfaits. En d'autres termes, "la
survie du groupe passe par une participation aux activités de
subsistance de chacun de ses membres" (Marcoux, 1994).
Mensah (2004) a montré qu'au Togo,
les enfants n'ayant pas de rapport de filiation avec le chef de ménage
ont moins de chances que les autres à concilier l'école et le
travail. Et qu'au fur et à mesure que le niveau de vie augmente,
l'accès à l'éducation des enfants aussi augmente. Au
moment de l'EIMT, 3,3% des enfants tchadiens âgés de 5 à 14
ans effectuaient un travail rémunéré, 23,3% participaient
à un travail non-remunéré pour une personne autre qu'un
membre du ménage (RT, 2000) .
L'interdiction du travail des enfants avant la fin de
la scolarité obligatoire qui est largement respectée dans la
plupart des pays développés ne se trouve pas sérieusement
prise en compte dans les pays en voie de développement. Ainsi, 61% des
enfants travailleurs vivent en Asie, 32% en Afrique, 7% en Amérique
latine. "Dans l'absolu, c'est en Asie que l'on trouve le plus grand nombre
de travailleurs enfants, mais en proportion c'est l'Afrique qui détient
le record : environ 40% d'enfants de 5 à 14 ans " (BIT, 1996 :
cité par Guillon et Sztokman, 2004).
Le travail des enfants est fortement lié
à la situation économique des pays et aux modes de fonctionnement
des entreprises. Nombre d'employeurs souhaitent en effet embaucher des enfants.
Les facteurs les plus fréquemment évoqués pour justifier
cette demande sont à la fois économique et technique : moindre
coût de cette main-d'oeuvre juvénile, plus grandes aptitudes,
meilleure agilité. Comme souligné ci-haut, le travail des enfants
est surtout la conséquence de la situation économique et sociale
des familles. Pour beaucoup, c'est le moyen, espère-t-on, de donner
à son enfant l'occasion d'acquérir une formation, une
qualification susceptible d'assurer son avenir professionnel. Laissant ainsi de
côté la formation scolaire.
On a toutefois constaté en Afrique
subsaharienne que de nombreux enfants actifs sont scolarisés
malgré la lourdeur des horaires et des tâches effectués.
La réflexion sur les
modalités d'emploi de l'éducation pour promouvoir le
développement économique a considérablement
évolué au fil des années. Au cours des années 50,
le débat a porté, dans une large mesure, sur le besoin d'actifs
instruits. La planification des actifs a gagné en popularité
comme méthode d'analyse des besoins en ressources humaines d'un pays en
développement. L'accent qu'elle met sur la formation
intermédiaire et supérieure des actifs implique qu'une forte
priorité doit être donnée à la formation secondaire
et supérieure. Ensuite, le désenchantement à
l'égard de cette stratégie a marqué les années
60.
Nombre de gouvernements ont constaté que la
politique suivie pour développer simultanément tous les niveaux
de scolarité pesait trop lourdement sur leurs budgets. Et l'augmentation
du chômage des diplômés a amené les responsables
à se demander s'il fallait consacrer une proportion constamment
croissante de moyens à l'expansion du système scolaire,
simplement pour amener des gens au chômage.
La prise de conscience croissante des
coûts a correspondu à une nouvelle méthode d'analyse des
investissements éducatifs, introduite dans les années 60.
Fondée sur la théorie du capital humain, l'analyse
coûts-bénéfices compare les coûts et les avantages de
l'éducation, à la différence de celle des ressources
humaines, qui en considère exclusivement les avantages (Malcolm et al.,
1998 : 332).
Il convient de préciser que
l'analyse économique de la demande d'éducation s'inspire beaucoup
plus de la théorie micro-économique.
La théorie
micro-économique
L'hypothèse de rationalité
individuelle, à la base de l'analyse micro-économique, stipule
que les agents décideurs ont un comportement rationnel, cherchant
à maximiser leur bien-être en fonction de l'environnement
économique et des ressources dont ils disposent.
Cette approche, qui a d'abord été
utilisée pour étudier les comportements de consommation, a
été appliquée dès les années 60, notamment
par Gary Becker, à la demande d'éducation. Selon Gary Becker
(1964), la scolarisation constitue un moyen d'augmenter le "capital humain" de
l'individu, concept qu'il définit comme étant l'ensemble des
connaissances et des capacités de l'individu. Ainsi en allant à
l'école, l'enfant développe des savoirs qui augmenteront sa
productivité future et qui seront valorisés sur le marché
du travail. En fait, selon Becker, la scolarisation se comprend en
considérant le cycle de vie de l'individu (Bommier et Shapiro, 2001 :
50).
La scolarisation des enfants est un
investissement particulier parce que, bien que ce soit en général
les parents qui prennent les décisions de scolariser les enfants, et qui
en supportent les coûts, les bénéfices semblent en revenir
aux enfants. En réalité, le bénéfice ne revient pas
seulement aux enfants et la littérature économique met l'accent
sur deux types de motivations des parents qui les poussent, dans leur propre
intérêt, à investir dans la scolarisation de leurs enfants.
Dans le premier cas, les décisions des parents sont vues comme
reflétant l'altruisme : les parents sont supposés tirer une
satisfaction du bien-être de leurs enfants, et accroissent cette
satisfaction en donnant à leurs enfants les opportunités d'une
vie meilleure. Un autre point de vue, qui se rapproche de la littérature
sur la fécondité, consiste à dire que les enfants
constituent une forme d'assurance pour les vieux jours des parents. En
investissant dans l'éducation des enfants, les parents se garantiraient
les lendemains meilleurs, car une fois âgés, leurs enfants bien
dotés en capital humain pourront leur assurer un revenu confortable
(Bommier et Shapiro, 2001 : 51). Dans les deux cas, les parents font des choix
de scolarisation afin de maximiser le revenu net des enfants (revenu
cumulé le long du cycle de vie, net des coûts directs et indirects
engendrés par la scolarisation).
Toutefois, la théorie du capital
humain doit être prise avec précaution :
· primo, l'éducation ne permet pas toujours
d'accroître la productivité. Pour les tenants de
la théorie du filtre, l'éducation sert moins
à apprendre qu'à sélectionner. Et pour les
économistes tels que Lester, l'école est un filtre en même
temps qu'un repère social (Schouamé, 2005).
· Secundo, le modèle d'investissement en capital
humain en traitant la scolarisation d'un
enfant indépendamment de la scolarisation des autres
enfants ne permet pas de décrire les différences que l'on observe
parfois entre aînés et cadets ou entre garçons et
filles.
Pour faire ressortir ces différences, les
chercheurs font recours à des modèles familiaux. Les
modèles familiaux permettent de prédire les différences
importantes entre la scolarisation des enfants d'une même famille par les
contraintes de liquidité, de rendements croissants de la scolarisation,
ou encore d'une volonté des parents de diversifier les risques.
Les modèles familiaux de la demande
d'éducation, bien que d'un intérêt certain comportent des
limites surtout dans le contexte des pays en développement. En plus de
leur caractère statique et de la non prise en compte de l'incertitude
quant aux revenus futurs des enfants, il y a le processus même de prise
de décision dans le ménage (de Vreyer, 1996). La décision
de scolariser les enfants n'est pas toujours prise seulement par le chef de
ménage ou le couple mais la famille élargie peut également
y participer.
1.4) approche socio-démographique
Elle est essentiellement basée sur la
demande scolaire et intègre trois caractéristiques essentielles :
les caractéristiques des ménages, les caractéristiques des
chefs de ménage et les caractéristiques des enfants.
D'après Kobiané
(2002 :11), la contribution de la démographie à la
compréhension de mécanismes de la demande d'éducation est
très faible parce que d'abord la démographie n'est pas une
discipline prolifique en théories explicatives (Tabutin, 1999) et
ensuite du fait de l'intérêt relativement récent
accordé par les démographes-du moins dans le monde francophone
où la démographie constitue une discipline à part
entière-à la question de la demande d'éducation. En effet,
comme le fait remarquer à juste titre Pilon (1993), en
démographie, l'éducation est plus souvent
appréhendée comme facteur explicatif des comportements
démographiques que comme objet d'étude en soi. C'est surtout
l'analyse des déterminants de la scolarisation qui a beaucoup plus
attiré l'attention des démographes africains et
spécialistes du Sud dont les contributions méthodologiques en
termes de valorisation des sources de données démographiques
classiques et de recours aux méthodes d'analyse biographique constituent
une grande avancée dans ce domaine.
* Au niveau des caractéristiques
des ménages, les différentes études se sont
intéressées à :
- la relation entre la taille du
ménage ou de la famille et scolarisation des enfants
La relation attendue entre la taille du
ménage ou de la famille et la scolarisation des enfants est
négative mais les travaux réalisés en Afrique
subsaharienne tendent, au contraire, à infirmer cette hypothèse.
La relation entre la taille du ménage ou de la famille et la
scolarisation des enfants est plutôt inexistante, voire positive.
L'existence des réseaux de solidarités familiales qui facilitent
la pratique du confiage ou de la circulation des enfants dans le contexte
africain est souvent évoquée pour expliquer cette absence de
relation. Compte tenu de l'importance de ce phénomène de confiage
des enfants en Afrique subsaharienne et de la diversité des mobiles qui
en sont à l'origine (perpétuation des liens de solidarité,
accès à l'instruction et/ou à l'emploi, besoin de
main-d'oeuvre, etc.), un intérêt croissant se manifeste pour
l'étude de la relation entre statut familial et scolarisation des
enfants (Kobiané, 2001 :20).
Pour la majorité des africains
noirs, la vie en ménage de grande taille reste fréquente. Ainsi
à part le chef de ménage, on peut par exemple rencontrer dans le
ménage, son père et sa mère, son épouse, ses
enfants, ses petits enfants, ses frères et soeurs de sang, ses cousins
et cousines, ses neveux et nièces, les parents et connaissances de son
épouse, ses amis, les enfants des amis confiés, les bonnes, etc.
Dans un tel ménage tous les enfants ne sont pas forcement
scolarisés et il s'avère nécessaire d'identifier ceux qui
sont scolarisés par rapport à leur région de
résidence et caractéristiques individuelles.
- la structure par âge des membres du
ménage et scolarisation des enfants
La présence d'enfants en bas
âge (0 à 5 ans) dans un ménage accroît les besoins en
temps pour prendre soin d'eux, responsabilité qui est le plus souvent
partagée entre les enfants plus âgés (surtout les filles)
et les adultes (surtout les femmes) du ménage. Par conséquent,
plus le nombre d'enfants en bas âge est élevé, plus les
enfants d'âge scolaire, et notamment les filles, seront sollicités
et tenus à l'écart de l'école (Chernichovsky,1985; Lloyd
et Gage-Brandon,1994).
Pour les tenants de la théorie
de quality-quantity trade-off of education, les ménages et les
familles sont supposés réaliser des choix entre
privilégier le nombre des enfants (la "quantité") et
privilégier l'investissement moyen par enfant (la "qualité")
mesuré le plus souvent par le niveau moyen d'éducation atteint
par l'enfant. L'enfant est considéré comme un bien
économique dont "l'utilité" dépend de ses avantages et
coûts perçus par les parents (Becker et Lewis, 1973; De Tray,
1973 : cités par Kobiané, 2002). L'interaction entre
quantité et qualité des enfants implique pour ces auteurs une
relation négative entre l'éducation et le nombre des enfants.
Mais cette relation négative
n'est pas toujours vraie. Ainsi Marcoux (1994) observe en milieu urbain malien
que la présence d'enfants de 0-4 ans dans le ménage accroît
la scolarisation des enfants de 8-14 ans.
De même la présence
dans le ménage d'une domestique a un impact positif sur la scolarisation
des enfants alors que celle des adultes masculins influe négativement
sur la scolarisation des enfants.
Wakam (2003) a montré pour
le cas du Cameroun que toute chose égale par ailleurs :
(1) la présence et le nombre d'enfants en bas
âge (moins de 6 ans) affecterait très peu la scolarisation des
enfants de 6-14 ans et toucherait davantage celle de 15-24 ans, et surtout
celle des jeunes filles, à qui serait probablement
transférée la responsabilité de la garde des plus
petits.
(2) Le nombre d'enfants scolarisables est
très positivement associé tant à la scolarisation des
filles qu'à celle des garçons de 6-14 ans et de 15-24 ans. La
"quantité" semble ainsi non seulement compatible avec la
"qualité", mais lui est plutôt positivement associée.
(3) Le nombre d'adultes et de personnes
âgées est très positivement associé à la
fréquentation scolaire des enfants de 6 à 14 ans, et il en est de
même pour les jeunes de 15 à 24 ans. Mais l'étude selon le
sexe des membres adultes du ménage fait apparaître des
différences significatives : le nombre de femmes adultes et
âgées agit positivement tant sur la scolarisation des filles que
sur celle des garçons, témoignant ainsi de la
"substituabilité" des femmes dans l'accomplissement des tâches
domestiques, alors que le nombre d'hommes adultes et âgés tend
plutôt à réduire systématiquement la scolarisation
des jeunes filles.
(4) La structure démographique du
ménage se révèle, en définitive, de loin plus
déterminante pour la scolarisation des filles, alors que la structure
économique est beaucoup plus déterminante pour celle des
garçons.
-le milieu d'habitat et la région de
résidence
Les effets du milieu de
résidence et la région de résidence sur les risques de
fréquentation scolaire des enfants en Afrique subsaharienne sont
relevés dans plusieurs études. Les régions tout comme les
milieux sont caractérisés par des spécificités qui
peuvent expliquer les disparités observées entre les taux de
scolarisation à l'intérieur d'un même pays.
Ainsi au Burkina Faso, Yaro (1995), a
trouvé de très fortes disparités entre les 30
entités administratives qui composent son pays. Alors que les provinces
de la Tapoa et du Séno ont des taux bruts de scolarisation de 10
à 15%, d'autres comme le Kadiogo, principalement constitué de la
ville de Ouagadougou, offrent une scolarisation qui concerne environ 82% des
enfants âgés de 7 à 14 ans. Les enfants du Kadiogo auraient
donc plus de chance de fréquenter l'école que leurs camarades des
deux autres provinces. Pour l'auteur, les raisons de la disparité
scolaire entre les unités administratives du pays tiennent
principalement à des déterminants géographiques,
historiques, démographiques, économiques, culturels ou
religieux.
Les proportions des enfants qui
fréquentent dans les pays en voie de développement sont
généralement plus élevées en ville qu'en campagne.
Ceci est dû à la forte concentration des infrastructures scolaires
(écoles, collèges, lycées,...) en milieu urbain au
détriment du monde rural.
Wakam (2002a) a montré qu'au
Cameroun les enfants du milieu urbain avaient nettement plus de chances de
fréquenter que ceux du milieu rural et que les inégalités
entre les filles et les garçons seraient plus grandes en campagne qu'en
ville.
Au Tchad en 1993, sur 100 enfants de
6 à 15 ans, 45 sont scolarisés en milieu urbain et 21 en milieu
rural (RT, 1995 : 81). Le niveau de scolarisation des garçons des
centres urbains est plus élevé que celui des garçons des
zones rurales (50,0% contre 27,6%). Le même phénomène est
observé chez les filles (40,8% contre 14,8%). Ainsi pour 100
garçons tchadiens de 6-15 ans scolarisés, on a 82 filles de 6-15
ans scolarisées en ville et seulement 54 filles de 6-15 ans
scolarisées en campagne. Par ailleurs le déséquilibre
entre centre urbain et zone rurale à l'intérieur d'une même
préfecture est énorme. Les taux urbains sont de loin
supérieurs aux taux ruraux. Cette situation s'observe dans toutes les
préfectures du pays. Le niveau de scolarisation des enfants des centres
urbains de la préfecture la plus scolarisée du pays à
savoir le Logone oriental au Sud est plus élevé que celui des
enfants des zones rurales (74,3% contre 53,6%). Le même
phénomène est observé chez les enfants vivant dans la
préfecture la moins scolarisée à savoir le Lac au Nord du
pays (43,2% contre 4,4%).
- le niveau de vie des ménages et
scolarisation des enfants
La scolarisation des enfants
dépend largement du niveau de vie des ménages. Ainsi, les enfants
des familles pauvres, tout comme les filles et les enfants surtout des zones
rurales ont le plus souvent une participation très faible dans le
système éducatif formel. Quel que soit leur milieu et /ou
région de résidence, les pauvres sont les moins nombreux à
s'inscrire à l'école et les plus nombreux à abandonner
l'école avant terme.
* Au niveau des
caractéristiques des chefs de ménage, les
différentes études se sont intéressées
à :
- la relation entre le
sexe, la situation matrimoniale du chef de ménage et la scolarisation
des enfants
Les ménages ayant à leur
tête une femme étant beaucoup plus susceptibles d'êtres
pauvres (Barros et al, 1997; Buvinic et Gupta, 1997; Lloyd et Blanc, 1996;
Lloyd et Brandon, 1991 : cités par Kobiané, 2001), on
s'attend généralement à ce que le niveau de scolarisation
des enfants y soit plus faible comparé aux ménages dirigés
par un homme. Mais excepté l'étude de Lututala et al. (1996)
portant sur la ville de Kinshasa, presque toutes les autres études
menées en Afrique subsaharienne (de Vreyer, 1993; Marcoux, 1994; Pilon,
1995; Pilon, 1996 ; Kaboré et al., 1999) montrent que les enfants ont
plus de chance d'être à l'école et/ou d'y rester plus
longtemps lorsqu'ils appartiennent à un ménage dirigé par
une femme; et que la sous-scolarisation des filles y est moindre. Cette
différence entre le résultat trouvé en Afrique
subsaharienne et celui trouvé ailleurs semble être due à
des différences de systèmes familiaux.
Bien que relativement peu
abordée dans les études sur les déterminants de la demande
scolaire, la situation matrimoniale du chef de ménage semble avoir une
incidence sur l'accès et le parcours scolaires des enfants. La
polygamie, pratique matrimoniale assez courante en Afrique au sud du Sahara,
permet souvent des formes d'organisation de la production domestique qui
peuvent alléger la demande de main-d'oeuvre enfantine, et par
conséquent augmenter les chances d'un enfant d'être
scolarisé (Kobiané, 2001 :23). Certaines études
montrent que les garçons appartenant à des ménages dont le
chef est polygame présentent les plus forts taux de scolarisation
(Marcoux, 1994) et d'autres par contre font ressortir que les chefs de
ménage monogames scolarisent davantage les enfants que les polygames
(Pilon, 1993; Lututala et al., 1996; Gérard, 1998).
- le niveau d'instruction du chef de
ménage
L'instruction du chef de ménage a un
effet positif sur la scolarisation des enfants. Plus le chef de ménage
est instruit, plus il y a de chance que les enfants le soient également.
Cet effet est d'autant plus important que le chef de ménage a atteint au
moins le niveau secondaire selon Clevenot et Pilon (1996). Abagi et Wamahiu
(1995) ont montré pour le cas du Kenya que le niveau d'instruction du
chef de ménage est un facteur d'élimination des discriminations
scolaires entre filles et garçons. En d'autres termes, ce sont les chefs
de ménage les plus instruits qui ont tendance à scolariser de
façon égalitaire les filles et les garçons. Dabsou (2001)
a montré pour le cas du Tchad que plus le niveau d'études du chef
de ménage augmente, moins sont les inégalités entre filles
et garçons en matière de scolarisation.
* Au niveau des
caractéristiques des enfants, les différentes
études se sont intéressées :
- au sexe de l'enfant
De nombreux travaux
réalisés en Afrique subsaharienne ont montré que les
enfants de sexe féminin ont moins de chance d'être
scolarisés que les garçons (de Vreyer, 1993; Clevenot et Pilon,
1996). Murad (1998) a montré que les taux d'inscription des filles sont
inférieurs de 20 à 25% à ceux des garçons. Pilon en
1996, s'inspire du recensement du Togo de 1981 et constate que les
garçons sont davantage scolarisés que les filles, mais que cette
différence dépend du sexe du chef de ménage. Les
disparités sont réduites quand c'est la femme qui dirige le
ménage (Ndzomo, 2004 :20).
Selon le RGPH du Tchad de 1993, le
taux de scolarisation des garçons était 40,4% contre 22,8% chez
les filles. Pour Bonini (1998), la scolarisation des filles est
tolérée dans certaines régions au niveau du primaire mais
elle n'est plus encouragée au-delà de ce niveau. Galy (1986) qui
a fait une étude sur la déperdition scolaire dans la
circonscription urbaine de N'djaména au Tchad souligne qu'à
N'djaména comme en province, les filles n'ont beaucoup plus leur place
qu'au foyer. Les résultats de son enquête ont montré que
47,50% des parents vivant dans la périphérie de la capitale
empêchent leurs filles de poursuivre les études. Ces cas
d'abandons sont plus importants dans les milieux pauvres et chez les parents
analphabètes.
- au statut familial de l'enfant
Le sexe n'est pas la seule
caractéristique des enfants qui influence la scolarisation. Les travaux
de Zougrana et al. (1998), de Vreyer (1993) et de Pilon (1996) ont
montré que globalement les enfants des chefs de ménage sont les
mieux scolarisés comparativement aux autres enfants. Selon qu'on soit
enfant confié, orphelin ou enfant biologique du chef de ménage on
n'a pas les mêmes chances d'être scolarisé.
Une étude initiée par l'INSAE
(Institut National de la Statistique et de l'Analyse Economique) du
Bénin en 1997, a conduit aux résultats suivants :
· les filles, relativement plus nombreuses à vivre
sous la tutelle d'autres personnes que leurs parents, ont peu de chance
d'être scolarisées ;
· les chances de scolarisation des garçons
semblent moins dépendantes du statut familial que celles des filles ;
· la meilleure fréquentation scolaire des enfants
apparentés , autres que ceux du chef de ménage , dans certaines
localités rurales, illustre les stratégies familiales
spécifiques en matière de scolarisation, à travers la
pratique du confiage (Pilon et Yaro, 2001: 94).
Etre enfant orphelin est le fait pour un
enfant non majeur d'avoir perdu l'un au moins de ses deux parents. Le nombre de
ces enfants ne cesse d'augmenter. Il est difficile d'estimer le nombre total
d'orphelins toutes causes confondues. Avant la propagation du SIDA, 2% des
enfants étaient orphelins en Afrique, aujourd'hui, la proportion se
situe entre 15% et 17% dans les pays les plus affectés par la
pandémie. Cette proportion est de 5,7% au Sénégal, de 6%
au Mali, de 14% en Angola et de 17% en Afrique du sud et au Mozambique (Bilo'o,
2004 : 16).
Les enfants orphelins sont souvent
recueillis par les femmes qui d'une manière générale ont
un accès limité aux ressources. Parfois, lorsque l'aspect
économique n'est pas en cause, c'est la perception que l'on a de
l'orphelin qui pose problème. Au Tchad par exemple, Faya (1994 :
cité par Bilo'o, 2004 : 17) a montré que les enfants
orphelins sont le plus souvent abandonnés par leur famille, car on les
dit "touchés par le mauvais sort". Contraints de travailler pour nourrir
leur famille, les enfants orphelins sont parfois privés d'instruction.
Tout comme les enfants orphelins, les
enfants confiés font partie des enfants les plus
défavorisés dans certaines sociétés africaines. Le
confiage des enfants est le fait, pour des parents, de placer un ou plusieurs
de leurs enfants auprès d'autres personnes qui sont le plus souvent des
membres de la famille élargie. C'est aussi un don ou prêt d'enfant
ou parfois une adoption d'enfants (Antoine et Guillaume, 1984). Il s'agit
d'après Messan (2002), d'une pratique courante qui traditionnellement va
aussi dans l'intérêt des parents (expression et réception
de solidarité) que dans celui des enfants (socialisation, scolarisation,
apprentissage...).
Dans la littérature, la
problématique du confiage des enfants est abordée sous plusieurs
angles : selon les motivations (raisons) même du confiage, selon les
caractéristiques du ménage, du chef de ménage et de
l'enfant confié et selon le milieu et/ou région de
résidence.
Dans l'approche sociologique du confiage
des enfants, celui-ci était traditionnellement perçu comme une
confirmation des alliances ou des amitiés entre deux familles ou entre
deux personnes . La famille "adoptive" percevait cela comme une faveur. La
notion de père ou de mère renvoyait à un groupe
d'individus chez lesquels l'enfant pouvait "circuler" (Antoine et Guillaume,
1984). Il n'y avait presque pas de calcul économique dans cette
mobilité. Comme l'affirme Jean WAKAM travaillant dans le contexte
négro-africain et camerounais en particulier, l'accueil des enfants au
sein des ménages rend compte de la capitalisation de l'humain
plutôt que de l'économique. Ici les plus grandes valeurs sont
celles de l'estime et du prestige qui se mesurent à travers le nombre de
personnes que l'on peut rassembler autour de soi et dont on peut s'occuper
(Wakam, 1994). Ici l'enfant est considéré comme enfant du groupe
et non comme enfant d'un individu (Rwenge, 1999). De nos jours , avec les
diverses mutations des valeurs culturelles intervenues dans les
sociétés africaines, les difficultés économiques et
l'insertion de ces sociétés dans le monde moderne, le confiage
perd son sens traditionnel et les enfants confiés vivent souvent un
calvaire (Fagnon et Kpadonou, 1997: cités par Bilo'o, 2004:19).
Pour certains auteurs, les motivations des uns
et des autres font que cette pratique se détourne de plus en plus de ses
objectifs initiaux et tend de plus en plus vers l'exploitation des enfants
confiés d'une part et des familles d'accueil d'autre part, perdant par
la même occasion sa valeur sociale. Pilon (2002) travaillant sur le
travail des enfants et la scolarisation est arrivé à la
conclusion selon laquelle le confiage en direction des villes est plus un
transfert de main d'oeuvre qu'une pratique de socialisation. Cette pratique
apparaît de nos jours comme une stratégie élaborée
afin de diversifier les sources de revenus des couples et des ménages
dans le court terme avec la dégradation de la situation
économique. L'enfant est incité à partir travailler en
ville afin d'alléger son ménage d'origine d'une bouche et de
rapporter des revenus supplémentaires.
L'approche basée sur les
caractéristiques du ménage, du chef de ménage et des
enfants confiés prend en compte des variables comme le niveau de vie du
ménage, le sexe du chef de ménage, son niveau d'instruction,
l'âge de l'enfant confié ainsi que son sexe. L'examen de la
littérature révèle que ce sont surtout les ménages
socio-économiquement bien situés qui reçoivent le plus
d'enfants; le plus souvent la personne à qui est confié l'enfant
est moins démunie et plus instruite que les parents biologiques. Le
transfert d'enfants se fait le plus souvent des zones rurales vers les zones
urbaines. Mais dans certains cas, c'est le phénomène inverse qui
se produit. En effet, comme la crise économique a aggravé le
chômage, occasionné la baisse des salaires, élevé le
coût de la vie beaucoup plus en ville qu'en campagne, on assiste de plus
en plus à un transfert d'enfants du milieu urbain vers le milieu rural
(Messan, 2002).
Bilo'o (2004) a démontré
qu'au Mali les inégalités en matière de scolarisation
entre les enfants orphelins ou confiés et les enfants vivant avec leurs
deux parents, en faveur de ces derniers sont plus fortes chez les femmes chefs
de ménage que chez leurs homologues hommes. Et que ces
inégalités sont plus grandes dans les ménages urbains,
chez les chefs de ménage instruits, dans les ménages de niveau de
vie élevé et chez les filles.
Les différentes approches montrent
dans beaucoup de cas que les enfants ne souffrent pas nécessairement du
fait de vivre loin de leurs parents biologiques mais que tout dépend de
la personne avec laquelle ils vivent et des conditions dans lesquelles ils se
trouvent.
Malgré les enseignements et les
éclairages qu'ils apportent à la compréhension des
mécanismes de la demande scolaire, les travaux que nous venons de
présenter comportent des limites qu'il convient de relever. D'abord le
ménage n'est pas la famille. Or la plupart des études parlent des
stratégies familiales qui on le sait sont très complexes au
niveau des sociétés africaines. Remplacer le concept famille par
ménage à cause de l'indisponibilité de données
conduit inévitablement à des biais. Ensuite le manque de
statistiques fiables sur la situation des femmes chefs de ménage est
lié au problème de concept de chef de ménage mais surtout,
il s'agit d'une affaire de reconnaissance par les sociétés
elles-mêmes et les institutions qui produisent les données, de la
réalité très diverse des femmes chefs de ménage.
Un problème
méthodologique le plus souvent évoqué est la
temporalité ou l'antériorité dans la relation entre la
structure démographique du ménage et la scolarisation des enfants
: la taille et la composition par âge et par sexe des membres du
ménage observées sont susceptibles de changer. D'ailleurs, elles
n'ont pas toujours été ce que l'on constate au moment de
l'observation. Par conséquent, on ne peut expliquer des indicateurs de
stock tels que le niveau moyen d'études atteint ou le nombre moyen
d'années d'éducation par de telles données du moment.
Comme le rappellent par ailleurs Lloyd et Gage-Brandon (1994 :
cités par Kobiané, 2002 :22), les indicateurs de taille ou de
composition ne correspondent pas généralement à la
période au cours de laquelle les décisions en matière de
scolarisation ont été prises. A la limite, on pourrait supposer
que la taille et la composition du ménage à un moment
donné puissent influer sur la fréquentation scolaire des enfants
qui est, quant à elle, un indicateur du moment.
Les différences
méthodologiques en ce qui concerne surtout l'indicateur de niveau de vie
rendent difficiles la comparaison des résultats trouvés par les
uns et les autres. Les indicateurs de niveau de vie sont le plus souvent
construits à partir des informations relatives :
· aux biens d'équipement ;
· aux caractéristiques de l'habitat ;
· aux dépenses ;
· au revenu ;
· aux biens d'équipement et
caractéristiques de l'habitat.
Comme le montrent Hagenaars et de Vos (1988 :
cités par Kobiané, 2001 : 37) à partir de huit indicateurs
de niveau de vie, la proportion de ménages considérés
comme pauvres varie énormément d'une définition à
une autre.
1.5) les inégalités
sociales, relations de genre et scolarisation
Pour mieux comprendre les écarts et
déficits en matière de scolarisation, nous allons
présenter la problématique de genre et les
inégalités sociales en matière de scolarisation.
Le mot genre ou gender (Anglo-saxon) fait
référence à des manières d'être
particulières, à des comportements imposés par la
société ainsi qu'à des attentes spécifiques
associées à chaque sexe. Autrement dit, le genre est un concept
social qui établit, dans une large mesure, les chances d'un individu
dans la vie, en déterminant sa participation dans la
société et l'économie (Banque mondiale, 2003).
D'après IFAID (2005),
L'intégration du concept de genre dans la pensée et les
stratégies de développement a été
réalisée selon des étapes bien identifiées. La
littérature contemporaine reflète une tension entre deux grandes
approches qui est le fruit de cette histoire. L'une est qualifiée de
« women and development » ou femmes et développement, l'autre
de « gender and development » ou genre et développement.
Historiquement, le concept genre prend
racine dans la création d'un bureau des Nations Unies sur la condition
de la femme en 1946. La convention internationale sur les droits politiques des
femmes en 1952, inspire le concept de « femme et
développement » et entraîne la naissance des mouvements
d'intégration de la femme au développement.
L'approche femme et
développement, s'inscrit dans une perspective macro économique et
sociale et «optimiste» du développement compris comme
processus de modernisation inéluctable. Elle met l'accent sur le secteur
de la production au dépend des aspects reproductifs du travail et de la
vie des femmes. La situation des femmes est perçue principalement comme
une conséquence des structures inégalitaires internationales et
des inégalités des classes.
Bien que les études
féministes soient les premières études ayant permis de
poser la problématique du genre, une étude sur le genre n'est pas
une étude féministe. Une étude sur le genre
s'intéresse avant tout à la dynamique socialement construite des
relations entre hommes et femmes, à tous les niveaux de la vie en
société : politique, social, économique, culturel et
domestique (Locoh et al., 1996).
A la différence du fait
biologique qui est désigné par le sexe, le fait social ou
symbolique est désigné par le genre. L'approche genre et
développement est une vision plus complexe du développement en
mettant l'accent sur ses fondements micro économiques et sociaux, et sur
le caractère aléatoire des gains attendus du changement social
(IFAID, 2005).
Cette approche prend en compte
l'intérêt, le rôle et les responsabilités des femmes.
A la lutte des classes, l'approche genre et développement a
préféré le développement équitable et
durable. L'intérêt que suscite l'approche genre est double. Elle
est porteuse d'un renouvellement potentiel pour les théories, mais aussi
pour les pratiques du développement ; c'est un outil d'analyse et
un instrument de changement social.
L'analyse des relations de genre est
l'effort systématique exercé pour comprendre les relations entre
les genres dans un contexte social donné. Les outils conceptuels guidant
l'analyse de ces rapports sont entre autres :
- la division du travail ;
- le type de travail ;
- l'accès et le contrôle
différenciés de ressources et bénéfices ;
- les facteurs d'influences.
La question de genre a pris rang de
problème central dans les questions de développement au niveau du
PNUD quand celui-ci a décidé de rebaptiser en 1992 sa division
femmes en programme genre et développement. Le PNUD mesure les
inégalités sexuelles grâce aux indicateurs
socio-économiques tels que :
- l' ISDH (indice Sexospécifique
du développement humain) qui donne l'ampleur de
l'inégalité en termes d'accès aux ressources;
- l' IPF (indice de participation des
femmes) qui mesure les inégalités en termes d'accès
à des positions révélatrices du degré de
participation à la dimension décisionnelle et politique de la vie
sociale.
La Banque mondiale quant à elle
considère qu'il y a trois sources majeures d'inégalités
entre les sexes dans le monde : les droits, les ressources et la
participation ou voice (Banque mondiale, 2001 : citée par IFAID,
2005).
Il ressort des données
rassemblées dans les rapports du PNUD et de la Banque mondiale (1995 et
2001) sur une grande variété de pays quel que soit le niveau de
développement économique et « humain » que les femmes
n'ont nulle part les mêmes opportunités que les hommes en
matière d'accès aux ressources économiques et sociales.
Les rapports de genre sont
inégalitaires et en défaveur des femmes dans tous les domaines.
La non-scolarisation des filles s'inscrit dans la problématique
générale de la discrimination de la femme dans la
société.
Belarbi (1985) montre que ce sont les
parents qui forment la personnalité de l'enfant et ses relations avec
autrui. Ainsi, les parents apprennent aux filles à jouer les rôles
féminins et aux garçons à jouer les rôles masculins.
On attend d'une fille qu'elle devienne une bonne épouse et qu'elle fasse
des enfants à son mari dans la société traditionnelle
d'Afrique. Comme l'éducation reçue à l'école ne
cadre pas toujours avec les attentes de la société traditionnelle
africaine, les parents évitent d'envoyer les filles à
l'école. Diagne (1990) montre que c'est la séparation qui
consolide les rôles sociaux de chaque sexe. En effet, dès
l'âge de 6 ou 7 ans une séparation s'opère, les filles
allant trouver leur mère qui leur apprendra à jouer les
rôles féminins; et les garçons étant appelés
à apprendre les rôles masculins auprès de leur
père.
Nous pouvons préciser que les rôles
féminins, dans les sociétés traditionnelles d'Afrique, ne
s'accommodant pas d'une scolarisation poussée, les filles sont
dès l'enfance préparées à une discrimination
scolaire favorable aux garçons.
GIANINI Belotti (1974) démontre
que le comportement et rôle de la femme et de l'homme au foyer sont
conditionnés par l'éducation différentielle qu'ils ont
reçue pendant la petite enfance. Cette différenciation est
perceptible à travers l'éducation reçue à la maison
et à l'école. Ceci par le biais des jeux, des jouets et la
considération qu'ils ont des parents et des éducateurs à
l'école. C'est ainsi qu'on peut justifier l'abandon à la femme
par l'homme de toutes les tâches domestiques et l'éducation des
enfants ; malgré ses occupations extra domestiques. De nombreuses
études expliquent le taux élevé d'abandon scolaire chez
les filles et le faible niveau de leurs résultats scolaires par les
attitudes négatives des enseignants à leur endroit à
travers des préjugés et des comportements sexistes.
Au Sud du Tchad, les mariages, les
cérémonies d'excision, les travaux domestiques sont autant des
occasions pour retirer les filles de l'école. Car on les
considère plus importantes que l'école pour une fille bien
élevée selon la tradition. Dans les sociétés des
zones méridionales du pays, c'est l'homme qui doit exécuter tout
ce qui peut être dur ou difficile à accomplir et la femme ne doit
en aucun cas pas chercher à participer à certaines
activités qui sont réservées aux hommes. Ainsi en milieu
rural si l'école se trouve par exemple dans un autre village
éloigné, on ne permettra qu'aux garçons d'y
fréquenter. De même dans les réunions dans lesquelles se
prennent les grandes décisions ne participent que les hommes.
Ainsi même si le chef de famille est hostile à la
fréquentation scolaire, il cherchera à envoyer au moins un
garçon qui peut le moment venu mieux orienter la famille par rapport aux
échanges commerciaux et les contacts avec l'administration et les
citadins.
Chez les Sara, toujours au Sud du Tchad, les rites
et pratiques ayant trait à l'initiation traditionnelle le
"yondo" contribuent à faire comprendre au garçon qu'il
est le tout-puissant et qu'il ne doit pas se rabaisser devant une femme. On
entre dans la brousse comme "femme" et on en ressort "homme". Le jeune
initié est un être né de nouveau qui se croît
l'égal des autres initiés et un homme appartenant à une
classe supérieure à celle des femmes et autres garçons non
initiés. Dans ce contexte précis, si l'école a pour
tâche de former des élites et chefs de famille responsables, alors
on ne peut qu'envoyer prioritairement les garçons.
Chez les Tchadiens du Nord et dans une moindre
mesure chez ceux du Centre, les filles ne doivent pas être tous les temps
en contact avec les garçons. Et beaucoup de parents ne sont pas
prêts à envoyer leurs filles dans les établissements
mixtes. Habituellement les femmes doivent être toujours voilées et
soumises à leurs maris. Elles n'avaient pas le droit d'élever le
ton quand elles sont en face d'un homme. Or l'école moderne
française met les filles et les garçons ensemble dans une
perspective de rapports d'égal à égal. Ce qui est
très mal apprécié par les parents et surtout les gardiens
de la tradition et autres conservateurs.
Au Nord tout comme au Sud du pays, beaucoup de
filles sont exclues du système éducatif formel simplement parce
que leurs parents pensent qu'elles peuvent mieux remplir leur rôle
traditionnel en dehors de l'école.
D'après Thiriat, il est nécessaire
de se pencher sur les relations de genre en matière de scolarisation
car :
Ø en terme de droits, tout d'abord : recevoir une
éducation de qualité est un droit fondamental, indispensable
à l'exercice d'autres droits. L'éducation est la clé de
tous les progrès en matière d'égalité.
Ø Les indicateurs de l'éducation sont parmi les
plus importants pour évaluer la situation des femmes.
Ø Une stratégie de réduction de la
pauvreté passe par l'acquisition des savoirs fondamentaux, de
compétences nouvelles pour faire face au quotidien. Ces acquisitions
sont des conditions nécessaires à la construction d'une certaine
autonomie des femmes, à leur participation aux décisions qui
affectent leur existence, au processus de développement et à ses
retombées.
Ø L'éducation est la porte d'accès
à l'information et aux services qui permettent aux femmes de mieux
maîtriser leur fécondité, d'améliorer leur
santé et celle de leur famille et d'en accroître le bien
être économique.
Ø Parce qu'il joue un rôle important dans la
socialisation et la transmission de normes et de valeurs, le système
éducatif peut influer significativement sur la remise en cause des
inégalités sexuées et l'acceptation de
l'égalité entre hommes et femmes comme valeur sociale
fondamentale pour autant qu'il en ait les capacités et qu'il soit
appuyé par un engagement politique fort.
Les attitudes et comportements de genre
peuvent être atténués car "le genre se réfère
aux rôles et responsabilités des femmes et des hommes que
construit la société au sein d'une culture ou d'un espace
donné. Ces rôles subissent l'influence des perceptions et attentes
découlant des facteurs culturels, politiques, écologiques,
économiques, sociaux et religieux ainsi que des coutumes, des lois, de
la classe sociale, de l'ethnie et des préjugés individuels ou
institutionnels. Les informations d'ordre social, culturel, et religieux se
transmettent par l'éducation des enfants dans le milieu familial
d'abord, puis à l'école, en cas de scolarisation, et par les
diverses structures sociales, informelles ou non, auxquelles les enfants et les
jeunes vont participer. Les attitudes et comportements des genres sont donc
appris et peuvent être modifiés (URD, 1999).
Les inégalités et
discriminations basées sur le genre nuisent les fondements du
développement. Toute stratégie de développement efficace
doit donc comprendre des mesures favorisant l'égalité entre les
sexes. Les inégalités criantes en matière de droits,
d'accès aux ressources et d'influence politique touchent directement les
femmes et affectent la société entière, car elle
empêche son plein développement.
De plus, les inégalités
fondées sur le genre entraîne des coûts élevés
difficiles à assumer, particulièrement pour les pays à
faibles revenus, sans compter qu'elles affectent davantage les personnes
pauvres. Il n'est pas toujours facile d'identifier et d'évaluer ces
coûts avec précision, mais dans les sociétés
où perdurent des inégalités fondées sur le genre,
qui se traduisent par un accroissement de la pauvreté, de la
malnutrition, de la maladie, de la privation et d'autres fléaux
semblables, doivent défrayer les coûts qui leur sont
associés.
L'impact négatif des
discriminations sur le développement touche la scolarisation et l'emploi
en milieu urbain. L'analphabétisme et le manque d'autonomie des
mères ont des répercussions directes sur les jeunes enfants.
Jusqu'aujourd'hui, un grand nombre (sinon la majorité) des coûts
liés à la discrimination entre les sexes demeurent cachés
tandis que les individus souffrent en silence.
En encourageant le développement,
on cherche à améliorer la qualité de vie des personnes.
Puisqu'elles affectent la qualité de vie des gens, les
inégalités fondées sur le genre ont donc une incidence sur
le développement. Elles comportent un coût indirect en
gênant la productivité, le rendement et le progrès
économique. Parce qu'elle suscite des obstacles à la
présence des femmes sur le marché du travail, et parce qu'elle
interdit systématiquement aux hommes ou aux femmes l'accès
à certaines ressources, à des services publics et à des
activités de production, la discrimination fondée sur le genre
nuit à l'économie en l'empêchant de croître et de
subvenir aux besoins des gens. Enfin, les inégalités
fondées sur le genre contribuent à affaiblir l'exercice de
l'autorité dans un pays et, par conséquent, l'efficacité
de ses politiques de développement (Banque Mondiale, 2003).
Malgré la prise de conscience
effective des gouvernants à l'issue de la conférence de Beijing,
qui a jeté les bases d'une implication réelle de la femme dans le
processus de développement, celle-ci dans la plupart des cas ne se
traduit pas dans les faits pour diverses raisons.
Sans risque d'exagération, les
sociétés des pays en développement et en particulier les
sociétés africaines peuvent aujourd'hui encore être
considérées en grande partie comme profondément
phallocratiques. Les droits de possession, d'administration, de gestion des
biens et décisions appartiennent principalement aux hommes. Les femmes
par contre sont astreintes aux devoirs de procréer, de garder,
d'entretenir, d'exécuter, d'obéir, etc. Elles ne peuvent jouir du
fruit de leur travail que sous la houlette d'un homme qui peut être le
père, le frère ou le mari. En terme d'équilibre des
charges, des droits et des devoirs, la balance pèse lourdement du
côté des hommes (Houeninvo, 2003).
Il est clair que dans un tel contexte, la
femme est non seulement défavorisée, mais chosifiée. On ne
citera jamais assez les difficultés d'accès à
l'éducation et à l'information, l'implication dans l'agriculture
et l'inégalité dans la répartition des avantages
économiques.
En Afrique, on croit parler en général
alors qu'en réalité, on parle toujours au masculin. Dans de
telles conditions, les femmes auront du mal à assumer les nouvelles
responsabilités qui leur ont été confiées lors de
la conférence de Beijing.
Pour arriver à réduire
durablement la pauvreté et instaurer l'équité au niveau de
la scolarisation, il faut avant tout atténuer les
inégalités sociales. D'après la Banque mondiale (1995),
les filles, les pauvres des campagnes, les enfants des minorités
linguistiques et ethniques, les nomades, les réfugiés, les
enfants des rues, les enfants qui travaillent, ceux qui ont des
difficultés d'apprentissage, ceux qui souffrent de déficiences
physiques ainsi que ceux qui ont des besoins spéciaux vont moins
à l'école que les autres. Cela tient, en partie, à un
problème d'accès limité et, en partie, à une
moindre demande.
Si les pauvres gagnent peu, cela tient en
partie à la faiblesse relative de leur dotation en capital humain et, en
partie, à la discrimination à laquelle ils sont en butte sur le
marché du travail. L'éducation peut remédier à leur
faiblesse en capital humain, mais la discrimination appelle d'autres mesures
(Banque mondiale, 1995 : 30). Les structures sociales qui reproduisent par
exemple l'inégalité des sexes devraient être
appréhendées en reconnaissant la complexité des normes
sociales et culturelles et en les remettant en cause.
Inscrite le plus souvent dans la
constitution, l'égalité se heurte au droit coutumier ou aux
pratiques religieuses. Le cas le plus frappant est celui des droits de la femme
africaine en termes d'héritage. L'héritage paternel lui
échappe souvent ou ne lui est que partiellement accordé. Lorsque,
par exemple, aux yeux de la loi coranique, le fils hérite d'une part
entière, la fille ne peut obtenir qu'une demi-part, partage
considéré comme "équitable" par le coran. De même,
dans les sociétés islamiques où est encore appliqué
la loi du lévirat, l'épouse ne peut hériter de son mari
décédé, les biens de celui-ci revenant à ses
frères selon la tradition patrilinéaire (Guillon et Sztokman,
2004 : 296).
Même le revenu de leur propre
travail peut les échapper. Au Zimbabwe par exemple, "il y a quelques
années, on pouvait voir à la sortie d'un hôpital, les maris
des infirmières faire la queue le jour de la paye pour toucher à
leur place..."(Coquery-Vidrovitch, 1994 : cité par Guillon et
Sztokman, 2004).
L'égalité d'accès
à l'instruction est importante aux yeux de nombreux gouvernements. La
mettre en pratique suppose que l'on y accorde une attention plus soutenue que
par le passé, en particulier au niveau du premier degré
d'enseignement, qui correspond à l'accès initial, surtout lorsque
les systèmes comportent des écoles privées et un
financement privé.
L'égalité d'accès
revêt deux aspects principaux : assurer à chacun une
éducation fondamentale et veiller à ce que les
élèves possédant les aptitudes requises ne se voient pas
écarter des établissements scolaires parce qu'ils sont pauvres ou
de sexe féminin, appartiennent à une minorité ethnique,
vivent dans une région isolée ou ont des besoins spéciaux
en matière d'éducation. Il y a plus : en accordant une attention
plus soutenue à l'équité, on augmente l'efficacité
(Banque mondiale, 1995 : 129).
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