-la religion
La religion musulmane est souvent
citée par les auteurs comme étant un frein à la
scolarisation des enfants. Yaro (1995), dans une étude
réalisée dans le département de Bani au nord du Burkina
Faso, Gérard (1997) dans ses recherches dans le canton Baya au sud-ouest
du Mali, Amadou et al. (1998) dans une étude au Niger, mettent en
évidence le conflit qui règne entre l'école publique
(laïque) et les écoles confessionnelles, notamment musulmanes. Dans
le département de Bani, fortement islamisé, les ménages
préfèrent envoyer leurs enfants à l'école
coranique, car pour eux "l'école (classique) est sans valeur"; et "les
enfants de la communauté qui sont allés à l'école
(classique) n'ont jamais été récupérés par
la religion musulmane"(Extraits d'entretiens, Yaro, 1995 : 682 ).
Au Tchad, les données du recensement de 1993
montrent qu'en milieu rural tout comme en milieu urbain, les chrétiens
sont mieux scolarisés que les musulmans tant chez les filles que chez
les garçons. Les chrétiens sont plus enclins à inscrire
leurs enfants à l'école française que les musulmans. On a
constaté chez ces derniers une certaine concurrence entre l'école
française et l'école coranique dans les milieux les plus
conservateurs.
Cependant, il est à remarquer que
l'Islam ne devrait pas être tenu pour principal responsable des faibles
taux de scolarisation en Afrique subsaharienne. Pour preuve, on a par exemple
le cas du Soudan où le Nord musulman présente des taux de
scolarisation significativement plus élevés que le Sud
christianisé et traditionnel (Pilon et Yaro, 2001 :28).
-l'ethnie
L'ethnie, en tant que concept désignant un
groupement socioculturel, c'est-à-dire, pour reprendre les termes de
Nicolas (1973 : cité par Kobiané, 2001 :31), ce
"composé spécifique, en équilibre plus ou moins stable, de
culturel et de social", apparaît souvent comme un facteur de
différenciation en matière de scolarisation des enfants. La
conquête coloniale et l'implantation des missions catholiques (à
l'origine de l'école classique) et les rapports qui en sont nés
(rapports de conflits ou de soumission) peuvent aider à comprendre les
attitudes de certaines communautés ethniques d'Afrique en matière
de scolarisation.
Au Tchad, l'étude de la scolarisation selon
le grand groupe ethnique en 1993 a montré que trois groupes fortement
christianisés et basés au Sud du pays se démarquent des
autres. Il s'agit du groupe "Sara" avec 57,5% des enfants scolarisés, du
groupe "Tandjilé" avec 48,4%, et "Mayo kebbi" avec 47,8%. Cette
prédominance s'observe aussi bien chez les garçons que chez les
filles (RT, 1995 : 94). Les enfants des groupes ethniques fortement
islamisés et habitant la partie septentrionale sont les moins
scolarisés du pays. Mbaïsso (1990) considère la forte
scolarisation observée dans certaines préfectures du Tchad comme
le résultat d'une acculturation. Pour lui, la sous-scolarisation
concerne plus les peuples qui sont restés attachés à leurs
traditions.
Dans les sociétés africaines
traditionnelles, le contrôle sur la préservation et la
pérennisation des acquis culturels par les membres s'opère au
niveau de l'ethnie, sous la supervision de la famille. Compte tenu du fait que
la scolarisation véhicule un modèle culturel étranger
à ces sociétés, on comprend dès lors le rôle
que peut jouer cette institution dans l'appréciation du système
scolaire par rapport aux normes et valeurs sociales en vigueur et au
modèle de développement souhaité (Diallo, 1997 : 13).
Bonini (1998) explique le faible niveau de
scolarisation des enfants chez les Massaï de Tanzanie (populations vivant
essentiellement d'activités pastorales) par le fait que, depuis son
introduction, l'école de type occidental était
considérée par ces populations comme une contrainte-elle
empêchait les enfants de s'occuper du troupeau-, alors qu'elle
n'apportait que de faibles compensations en retour.
De manière générale, il
semble "qu'en raison de sa rigidité, de sa tendance à la
centralisation et son insensibilité aux différences culturelles,
le système scolaire formel n'a pas réussi à attirer et
à retenir les enfants issus des groupes sociaux marginaux" (UNESCO,1991:
11).
Les travaux s'intéressant beaucoup plus aux
facteurs socioculturels sont de nos jours très prisés par tous
les chercheurs travaillant dans le domaine des sciences sociales. Mais ils sont
surtout l'apanage des anthropologues et sociologues. Les travaux
socio-anthropologiques à travers les outils d'investigation tels que les
récits de vie mais aussi entretiens de groupe
(focus group) mettent en évidence les fondements des choix des
parents pour la scolarisation de tel ou tel enfant : à travers les
représentations des rôles et des statuts, par exemple, on
perçoit pourquoi les parents préfèrent investir davantage
dans la scolarisation des garçons que des filles. Ces outils permettent
de mettre en évidence les subtilités des stratégies
familiales ou des négociations intrafamiliales que ni les approches
économiques ni les apports de la démographie à
l'étape actuelle ne permettent de cerner (Kobiané, 2002).
Les travaux sociologiques sur la demande
d'éducation dans les pays du Sud présentent un certain nombre de
limites qu'il n'est pas judicieux de les ignorer. La principale limite
inhérente aux travaux sociologiques -qui n'est pas propre au champ de
l'éducation -est celle de la difficulté de
généraliser les résultats trouvés dans des
contextes socio-économiques différents et souvent bien
spécifiques (Kobiané, 2002 :33). Une autre limite est celle
qui consiste à s'en tenir à l'effet de chacun des facteurs
socioculturels (instruction des parents, religion, ethnie, etc.) pris
isolément. Une telle démarche, il faut en convenir, ne permet pas
d'appréhender la complexité et la totalité des
différents rapports à l'école dans une
société donnée.
1.3) approche socio-économique
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