Introduction
juridictionnel ». Sans nier l'interdépendance de
tous les étages de la structure pyramidale qu'est tout ordre juridique
national selon la formule kelsénienne, nous ne nous appesantirons pas
sur l'indispensable régularité des normes
infra-législatives entre eux et par rapport à celles qui leur
sont supérieures. Il sera uniquement question de cerner les implications
juridico-politiques de la confrontation entre les deux normes les mieux
placées hiérarchiquement au regard de la théorie «
représentative déformée » en un parlementarisme
absolu par l'élite politique française dès la grande
révolution de 1789.
Autrement dit, notre étude se porte sous la
déduction logique de la confusion de la souveraineté
parlementaire avec la souveraineté populaire française admise
pendant près de deux siècles d'histoire, à savoir,
l'incompatibilité de l'ordre démocratique avec la justice
constitutionnelle ainsi définie précédemment. Nous voulons
comme justification, si besoin est, le passage suivant du juriste Michel
Pertué extrait de son livre « La Notion De Constitution à La
Fin Du 18ème Siècle » :
« La révolution refusera toujours de confier
à une instance extérieure au Corps législatif le soin de
vérifier et de garantir le processus démocratique de la
législation et la conformité des lois avec les principes
posés dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et
dans la constitution »
Ce présupposé idéologique longtemps
distillé dans la vie juridico-politique française constitue le
socle sur lequel notre étude sera articulée. Faut-il rappeler une
fois de plus que la démocratie postrévolutionnaire qui nous
servira de tremplin au début de nos développements est
unidimensionnelle en ce sens que l'organe parlementaire détient
exclusivement et jalousement l'omnipotence au détriment de toute autre
structure institutionnelle et l'emporte sur toute autre considération.
Roger Priouret, non sans caricaturer, nomme ce système politique «
le gouvernement des députés »20 tandis qu'Edouard
d'Alembert avait dénoncé vigoureusement le
phénomène inverse concernant les Etats-Unis près de 40 ans
avant. En effet, ce dernier a écrit en 1921 un véritable
réquisitoire à l'encontre du développement de la justice
constitutionnelle Outre-Atlantique l'assimilant à « un gouvernement
des juges »21.
Il s'agit d'étudier la justice constitutionnelle au
regard de la démocratie dans toutes les facettes de ce concept. Si les
« immortels principes de 1789 » laissent penser que la justice
constitutionnelle est nettement inconciliable à la pratique
démocratique, il n'en demeure pas moins vrai que beaucoup de pays ayant
délaissé des régimes totalitaires ont adopté soit
l'une des deux formes traditionnelles de justice constitutionnelle22
ou une méthode combinatoire soit un nouveau procédé
juridictionnel permettant d'assurer la prééminence de l'acte
constitutionnel fondateur. Nous voulons pour preuve l'adoption du «
modèle européen »
20 R.PRIOURET, « La république des
députés », 1ère édition, Paris, Grasset, 1959,
p.2
21 Voir Préface, E.LAMBERT, « Le gouvernement des
juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis »,
1ère édition, Paris, Dalloz, 2005
22 Voir M.FROMONT, « La justice constitutionnelle dans le
monde », 1ère édition, Paris, Dalloz, 2006
Kléberson JEAN BAPTISTE 11
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