Introduction
Atlantique depuis l'arrêt Marbury vs Madison de 1803
rédigé par le Chief Justice, Marshall, a été vu
jusqu'en 1958 comme un sacrilège démocratique dans l'hexagone.
Alexis de Tocqueville n'a pas manqué de souligner ce fait dans son
ouvrage publié en deux tomes « De la démocratie en
Amérique. ». Surpris « par l'importance » du pouvoir
judicaire américain par rapport à celui des autres pays y compris
la France, l'auteur s'est donné pour tâche de trouver la cause qui
explique ce décalage. N'ayant relevé aucune particularité
dans le fonctionnement des tribunaux ou, pour le paraphraser, « dans les
caractères auxquels on a coutume de reconnaitre à tout pouvoir
judiciaire », il conclut en ce sens :
« La cause en est dans ce seul fait : les
Américains ont reconnu aux juges le droit de fonder leurs arrêts
sur la constitution plutôt que sur les lois. En d'autres termes, ils leur
ont permis de ne point appliquer les lois qui leur paraîtraient
inconstitutionnelles »
On ne saurait mieux infirmer la thèse régnante
en France depuis 1789 voyant un déni de démocratie dans toute
forme juridictionnelle de sauvegarde de la norme fondamentale contre les
éventuels excès des différentes assemblées
législatives. Ceci démontre que la trajectoire finale
empruntée par la révolution française diffère de
celle de sa consoeur américaine en ce sens. Ce qui est de
génération en génération combattu comme une entrave
à la démocratie ici a été glorifié comme un
outil de stabilité démocratique Outre-Atlantique.
Comme on a pu le voir, quasiment toutes les structures
imaginées par la France pour contrôler le pouvoir
législatif n'étaient jamais extérieur à celui-ci
conformément aux postulats de départ identifiant le peuple
souverain et la chambre des représentants. Par conséquent, il est
faux d'affirmer, qu'avant 1958 aucun essai d'encadrer le travail
législatif n'a été entrepris. En revanche, la
vérité historique est que ces soi-disant organes de
contrôle étaient composés des membres du parlement (les 2
sénats impériaux) ou relevaient presqu'exclusivement de celui-ci
à l'image du comité constitutionnel de 1946. En effet, ce dit
comité, organe précurseur du « révolutionnaire
Conseil constitutionnel », confirme cette illusion19
d'autocontrôle qu'on essayait de mettre en oeuvre. De ces treize (13)
membres, sept (7) ont été élus annuellement à la
représentation proportionnelle des groupes politiques par
l'Assemblée nationale et le président de cette dite
assemblée était membre de droit. L'idée d'assurer la
conformité du travail législatif à la loi-mère
n'était pas absente mais l'idéologie de la «
souveraineté représentée » était hostile
à ce que cette limitation soit de la compétence d'un organe
judiciaire. Fort de cette réalité, nous privilégierons le
concept plus restreint de justice constitutionnelle renvoyant davantage
à l'oeuvre juridictionnelle à celui de contrôle de
constitutionnalité qui est également utilisé par le monde
du droit en général et la doctrine constitutionnaliste en
particulier à la suite de nos développements.
Le dictionnaire de la culture juridique fournit une
définition finaliste de cette notion qui a le mérite d'être
très englobant : « la justice constitutionnelle a pour objet
d'assurer la suprématie de la constitution sur les autres normes
juridiques, selon une procédure de type
19Voir H KELSEN, « La garantie juridictionnelle
de la Constitution », R.D.P., 1928, n°2, p.223
Kléberson JEAN BAPTISTE 10
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