Introduction
fois pour « canaliser la résolution d'un
contentieux procédural » entre les deux assemblées
législatives. Son rôle pratique dans l'histoire politique
française s'est réduit à discipliner le
bicaméralisme adopté par le constituant de 1946 pendant une
occasion.
Les juristes soulignent avec insistance l'échec du jury
constitutionnaire, l'inefficacité du comité constitutionnel de
1946 et des sénats impériaux traîtant de l'histoire ou de
la « préhistoire » de la justice constitutionnelle
française. Le dénominateur commun de ces tentatives
manquées ou avortées dans l'oeuf, en plus d'être d'ordre
matériel, est de caractère organique. Le projet
de Sieyès fut de nature politico-juridictionnel en ce sens que son
concepteur n'avait jamais prévu un organe relevant strictement du
pouvoir judiciaire pour imposer au pouvoir législatif le respect de la
norme constitutionnelle. Il était prévu que le jury
constitutionnaire serait composé de 108 membres, tous des
personnalités politiques et non des jurisconsultes.17 Quant
au comité constitutionnel de 1946, presque inexistant, il était
composé des personnalités relevant de l'assemblée
législative et désignées par cette institution. Les
sénats impériaux qui se sont convertis en serviteur docile de
l'empereur n'ont évidemment pas dérogé à cette
pratique qui tend à ce que l'assemblée législative
s'autolimite elle-même. Il va sans dire que cet état de fait fut
conforme à la culture léguée par la lutte
révolutionnaire de 1789. En revanche, la place marginale faite par les
historiens constitutionnels au projet de Tribunal soutenu par certains
constituants de 1791 dont le député Guy Kersaint définit
comme « une instance extérieure à la représentation
nationale, appelée Tribunal des censeurs, qui devait être dans
l'ordre politique des autorités constituées ce que le tribunal de
cassation est dans l'ordre civil judiciaire afin de se prononcer entre autres,
sur la procédure législative » ne permet pas de cerner
totalement le sujet.18 La non-allusion à des
procédés purement judiciaires pour contrôler le parlement
témoigne d'un conflit latent ou d'un antagonisme entre une
éventuelle juridiction constitutionnelle et « l'ordre
démocratique » voulu, installé et perpétué par
les hommes de 1789 et leurs successeurs. Face à la souveraineté
parlementaire, aucun corps extérieur, encore moins le corps judicaire,
n'est légitime de se dresser. Jean Joseph Mounier, avocat de formation,
député de la nation écrivit dans « ses Nouvelles
observations sur les états généraux de France » :
« Le pouvoir judiciaire (...) est le plus dangereux de
tous les genres de pouvoirs ; c'est celui qu'il importe le plus d'assujettir
à la loi »
De là nait la thèse d'incompatibilité du
contrôle judiciaire de constitutionnalité avec la
démocratie entretenue jusqu'au 20ème siècle par
la classe politique française. Confier le contrôle du
législateur à des juges judicaire ou administratif a
été vu pendant longtemps comme une grave anomalie remettant en
question la souveraineté du peuple et la logique représentative
héritée de la période révolutionnaire. Ce qui
relève d'une banalité outre-
17 F. SAINT -BONNET, « La double genèse de la justice
constitutionnelle en France », R.D.P., 2001, n°3, p.753
18 Voir M. FIORAVANTI, « Sieyès et le jury
constitutionnaire : perspectives historico-juridiques », Annales
Historiques, n°349, 2007
Kléberson JEAN BAPTISTE 9
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