WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Justice constitutionnelle en France et démocratie

( Télécharger le fichier original )
par Jean- Baptiste KLEBERSON
Université de Bretagne occidentale de France - Master 2 en droit public 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. De la démocratie représentative à la démocratie constitutionnelle

Le professeur Dominique Rousseau résume de la manière suivante la transmutation de la démocratie :

Kléberson JEAN BAPTISTE 69

La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

« L'ancienne représentation de la démocratie pouvait se résumer par la formule « la démocratie par la loi, la nouvelle peut s'exprimer par la formule la démocratie par la Constitution »72.

Fidèle à cette démarche comparative, nous pouvons affirmer que la démocratie constitutionnelle est à la fois la rupture et l'approfondissement de la démocratie représentative telle que théorisée par les pères de la révolution. Elle rompt définitivement et irrémédiablement avec le dogme de l'infaillibilité de la loi. Le respect de la loi n'est plus absolu mais conditionné. Conséquemment, la nouvelle forme de démocratie nie toute assimilation de la volonté parlementaire à la volonté générale. Les parlementaires sont considérés comme les délégués élus donc les subalternes du peuple souverain et non son « égal ». Le juge constitutionnel, l'un des acteurs influents de la démocratie constitutionnelle, vérifie continuellement si le travail législatif, les délibérations législatives sont en conformité à la volonté du souverain exprimée non plus dans la loi mais dans le « pacte social » fondateur qu'est la Constitution.

Les divergences entre l'ancienne et la nouvelle forme de démocratie vont au-delà de ces considérations précitées. La démocratie constitutionnelle n'est pas exclusive à l'instar de sa devancière. Elle n'est pas monopolistique en ce sens qu'elle intègre trois acteurs dans le processus d'énonciation de la volonté générale au lieu d'en donner l'exclusivité aux députés et sénateurs élus. Elle n'est ou en tout cas ne doit être ni la dictature ni le gouvernement des juges. A la majorité parlementaire et l'exécutif bien souvent monolithiques et confondus à cause du bipartisme ou des alliances politiques conjoncturelles, la démocratie constitutionnelle ajoute le juge constitutionnel qui sert d'ultime filtre à l'oeuvre des élus. Celle-ci ne fait pas de l'élection l'alpha et l'oméga de tout. Les pouvoirs des élus sont bornés et encadrés par une constitution formelle donc écrite à laquelle se réfère le Conseil constitutionnel pour garantir les droits des citoyens, des associations et des regroupements de citoyens. Stéphane Pinon, l'un des juristes promoteurs de la démocratie par la constitution encore appelée démocratie constitutionnelle affirme nonobstant les controverses :

« L'élection n'est pas, en soi ou nécessairement, le principe unique et exclusif, suffisant et distinctif de la démocratie ; elle n'a pas été et elle n'est pas le seul mode de participation populaire à l'exercice du pouvoir, le seul ressort de la légitimité démocratique »73.

La démocratie constitutionnelle conformément à sa dénomination ne se fonde pas exclusivement sur des arguments politiques. Ceux-ci sont confrontés aux raisonnements juridiques et sociologiques. Le juge constitutionnel vérifie toujours l'acuité juridique des textes législatifs par rapport à des principes non teintés de juridisme mais alliant la réalité socio-anthropologique, les acquis jurisprudentiels et le pur droit au sens kelsénien de la

72 D ROUSSEAU, « Droit du contentieux constitutionnel », op.cit., p.489

73 Cité par S PINON, « La notion de démocratie constitutionnelle dans la doctrine française », op.cit, p.452

Kléberson JEAN BAPTISTE 70

Kléberson JEAN BAPTISTE 71

La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

notion. La délibération du juge, dans un régime de démocratie constitutionnelle, se fait après un échange argumentatif entre la majorité et l'opposition et en tenant compte de l'avis du savant au sens que Max Weber donnait à cette notion c'est-à-dire l'intellectuel ou plus précisément la doctrine désintéressée, libre donc objective dans leur analyse et leur critique. La décision issue de cette pratique délibérative engageant divers acteurs n'est pas pour autant figée et irrévocable. Elle reste éternellement objet de questionnements et de discussions et peut être modifiée si les paramètres factuels et juridiques varient sous l'influence du temps. Ce phénomène est appelé revirement jurisprudentiel par les spécialistes.

Il va sans dire que le peuple souverain, à défaut de participer en bloc à toutes les délibérations, est mieux protégé dans un régime de démocratie constitutionnelle. Ses membres peuvent individuellement défendre leurs prérogatives à défaut de pouvoir participer en tant que corps constitué à toutes les décisions et délibérations les intéressant dans un régime de démocratie constitutionnelle. Il n'est pas osé de prétendre de ce fait que la démocratie constitutionnelle est une sorte de « démocratisation de la démocratie ». Elle résiste à toutes formes de tentatives réductionnistes de la liberté populaire ou de l'espace privé des citoyens et à toutes manoeuvres confiscatoires du pouvoir du peuple par ses délégués élus. En dehors des périodes électorales, elle offre à la population « un droit de regard » et de critique sur l'usage que font ses représentants ou ses « commis » de son pouvoir. « La logique de la démocratie constitutionnelle, expliquent ses adeptes, n'est pas de donner le pouvoir décisionnel (...) à la ou aux minorité(s)! Elle est de leur offrir la faculté de continuer à intervenir, entre deux moments électoraux, dans le processus de formation de la volonté générale en contraignant la majorité à prendre au sérieux leurs points de vue, à en délibérer et, le cas échéant, à les intégrer dans la décision finale »74.

La démocratie constitutionnelle ne s'inscrit pas non plus dans une dynamique révolutionnaire au sens commun du terme. Elle ne vise pas à un renversement de toutes les structures institutionnelles et de tous les mécanismes de gouvernabilité mis en place par la démocratie représentative. Autrement dit, sa vocation n'est pas d'ériger en lieu et place du parlement une autre institution dominante ou une autre structure détentrice à elle seule de la capacité de parler au nom du souverain. Elle est de préférence un mode de gouvernance décentralisée et réformiste. Elle reconnaît à l'instar de la démocratie représentative la légitimité incontestable des représentants élus à proposer, à réformer en un mot à diriger le pays. Le seul tempérament qu'il porte à cette faculté d'autodétermination des représentants élus est la prééminence de la Constitution ou du bloc de constitutionnalité telle que l'interprète en dernier ressort le juge constitutionnel ou le Conseil constitutionnel s'agissant du cas de la France. En ce sens, l'on peut affirmer que la démocratie constitutionnelle est également un approfondissement de la démocratie représentative ou de la démocratie parlementaire. La définition suivante tirée des écrits du précurseur tout au moins du défenseur infaillible de cette forme de démocratie réactualisée en l'occurrence, le professeur Dominique Rousseau, corrobore nos propos :

74 Ibid., p.452

La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

« La démocratie constitutionnelle définit un au-delà de la représentation non parce qu'elle la supprimerait mais parce qu'elle la transforme et élargit l'espace de participation populaire en inventant des formes particulières permettant à l'opinion d'exercer un travail politique : le contrôle continu et effectif, en dehors des moments électoraux, de l'action des gouvernants »75.

75 D ROUSSEAU, « La justice constitutionnelle en Europe », 3ème édition, Paris, Montchrestien, 1998, p.154

Kléberson JEAN BAPTISTE 72

La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

Kléberson JEAN BAPTISTE 73

Conclusion

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille