INTRODUCTION GENERALE
L'intégration est un processus par lequel deux ou
plusieurs pays cherchent à éliminer les barrières
douanières existant entre eux pour établir un espace
économique unique. Devant les changements profonds qui affectent
l'économie mondiale, l'intégration apparaît comme la
réponse adéquate au phénomène de la globalisation.
Elle vise, face à la compétitivité internationale et
à la mondialisation, non seulement à accroître les
capacités des pays intégrés, mais aussi à augmenter
la crédibilité et à restaurer la confiance des
opérateurs économiques de ces pays.
Bella Balassa (1965)1 distingue cinq degrés
d'intégration économique dans l'ordre croissant suivant : zone de
libre-échange, union douanière, marché commun, union
économique (ou marché unique), union économique et
monétaire. A travers cette typologie, il apparaît que l'union
économique et monétaire est l'étape ultime du processus
d'intégration. En analysant de près les différentes
étapes du processus d'intégration selon Bella Balassa, la mise en
place de l'intégration est conditionnée par quatre types de
liberté de mouvement (biens, services, personnes, capitaux). Ces types
de liberté de mouvement sont rendus possibles par la suppression des
barrières physique, technique et fiscale. Ainsi, les différentes
économies de l'Union deviennent interdépendantes. Par
conséquent, il y a nécessité de coordination des
politiques économiques notamment l'harmonisation des politiques fiscales
dans l'Union.
La question de l'harmonisation des politiques fiscales a
suscité d'importants débats contradictoires entre les partisans
de l'harmonisation fiscale « concertée » et ceux de
l'harmonisation fiscale par le marché ou la concurrence fiscale. Les
premiers concluent à la nécessité de l'harmonisation
fiscale dans la mesure où les différences nationales de pression
fiscale deviennent des incitations puissantes à la délocalisation
qui peut être source de perte de recettes budgétaires pour
certains Etats. Selon les seconds, la concurrence fiscale met fin au gaspillage
public, au coût économique exorbitant des recettes
collectées, la production des biens et services publics devient
efficaces (Emonnot, 2001).
1BelaBalassa, 1965 « Trade Liberalization and
revealed comparative », Manchester school of Economics and Social Studies:
90-123
2
Si les différents pays membres d'une Union engageaient
des réformes fiscales non concertées, elles pourraient engendrer
des effets pervers. En effet, elles risqueraient de déboucher sur une
concurrence entre les pays, désireux de soutenir la reprise
économique en attirant, par le biais de la fiscalité, des
activités économiques. Une telle concurrence fiscale pourrait
conduire à des pertes excessives de recettes budgétaires, et se
révéler néfaste en définitive pour l'Union dans son
ensemble.
Au regard des dangers que ferait naître une
intensification de la concurrence fiscale, l'Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), à l'instar de l'Union
Européenne, a manifesté une volonté de parvenir à
l'harmonisation fiscale afin de coordonner les politiques fiscales de
manière à éviter des réductions non
concertées et concurrentielles de taux ou d'assiette. Ainsi, le Conseil
des Ministres de l'UEMOA en conformité avec les objectifs de l'Union a
adopté les directives suivantes :
- la directive portant harmonisation des législatives
des Etats membres en matière de TVA2 ;
- la directive portant harmonisation des modalités de
détermination du résultat imposable des personnes
morales3 ;
- la directive portant harmonisation des taux de l'impôt
sur les bénéfices des personnes morales4.
La TVA apparait comme un élément important de la
marche vers l'harmonisation des législations fiscales. Elle est un
impôt indirect général organisé et important pour
les administrations des Etats membres de l'UEMOA. Elle occupe une place
importante dans le panier des recettes fiscales. De ce fait, elle semble le
mieux adapté pour compenser les pertes de recettes et favoriser la
dynamique de l'intégration au sein de l'Union. De plus, selon Chambas
(1994)5 « seule la fiscalité indirecte interne, si elle
est fondée sur une TVA bien gérée, peut fournir des
recettes fiscales d'un niveau élevé sans entraîner, en
raison des qualités de cet impôt, d'importantes distorsions
».
L'une des interrogations fondamentales qui en découle
du fait du processus d'harmonisation fiscale entamé dans l'UEMOA porte
sur le rôle de la TVA dans la constitution du marché
2 Directive N°02/98/CM/UEMOA portant
harmonisation des législations des Etats membres en matière de
Taxe sur la Valeur Ajoutée(TVA)
3 Directive N°01/2008/CM/UEMOA portant
harmonisation des modalités de déterminations du résultat
imposable des personnes morales au sein de l'UEMOA
4 Directive N°08/2008/CM/UEMOA portant
harmonisation des taux de l'impôt assis sur les bénéfices
des personnes morales dans les Etats membres de l'UEMOA
5«Fiscalité et développement en
Afrique subsaharienne», CHAMBAS Gérard, Economica, Paris, 1994,
152p
3
unique. De cette question principale découlent d'autres
interrogations auxquelles il est important d'apporter des réponses
précises. L'absence d'harmonisation de la TVA est-elle susceptible
d'entraver la marche vers le marché unique ? Quelle TVA communautaire
pour favoriser la marche vers le marché unique ?
L'objectif de cette étude est de montrer
précisément que si la fiscalité de façon
générale est un élément déterminant dans la
marche vers l'intégration, de quelle façon la TVA peut faire
obstacle à la constitution d'un marché unique en l'absence
d'harmonisation. Cette étude est d'une grande utilité pour aider
les autorités communautaires à apprécier le rôle de
la TVA dans le processus d'intégration.
La méthodologie adoptée pour apporter des
réponses adéquates aux questions spécifiques est
basée sur les entretiens avec les responsables de l'administration
fiscale et sur la recherche documentaire qui s'appuie sur les nombreux ouvrages
relatifs à l'intégration en général,
l'intégration des pays de l'UEMOA, l'intégration
européenne et à la fiscalité des Etats membres de l'UEMOA
en particulier.
La restitution des résultats de la recherche se
présente comme suit. Dans un premier temps, il s'agira de faire le
rapprochement entre l'intégration économique et la
fiscalité (1èrepartie). Il
conviendrait ici de rappeler les déterminants fiscaux de
l'intégration et également le lien entre la TVA et le
marché unique. Dans un second temps, il sera question de faire
l'état des lieux de l'application de la TVA au sein de l'UEMOA afin de
tirer des implications en termes d'harmonisation
(2ème partie).
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