SECTION II : LES FONDEMENTS D'UNE HARMONISATION
FISCALE
L'harmonisation fiscale doit respecter des conditions
(paragraphe I) et un certain contenu (paragraphe
II) pour valider sa mise en oeuvre.
PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DE L'HARMONISATION
FISCALE
Comme toute autre action communautaire, l'harmonisation des
fiscalités nationales intervient dans la mesure nécessaire au
fonctionnement du marché commun par le rapprochement des
législations.
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Cette définition indique une double subordination de
l'harmonisation fiscale :
- elle est subordonnée sur le terrain économique
ou du moins de la politique législative de la Communauté.
- elle est aussi subordonnée en tant qu'instrument au
service d'objectifs. Ainsi une telle harmonisation devra justifier d'une base
juridique appropriée.
A- La nécessité économique de
l'harmonisation fiscale
Pour juger de la nécessité économique
d'une harmonisation fiscale, il faut que les moyens de cette harmonisation
soient mis en parallèle avec le contenu des objectifs à
atteindre. Or ces objectifs ont évolué : d'un marché
commun l'on est passé à un marché unique et aujourd'hui
à la réalisation d'une Union économique et
monétaire. Ainsi la modification des buts ne peut laisser
indifférente l'appréciation de la nécessité de
l'harmonisation fiscale.
Selon la Commission de l'UE, dans son livre
blanc16, « l'abolition pure et simple des frontières
fiscales est le seul moyen d'atteindre le but visé, à savoir la
libre circulation des personnes et des biens au sein de l'Union ».
Un marché unique est donc un espace où les
biens, les capitaux, les services et les personnes devraient circuler
librement. Sa mise en place exige donc l'élimination des obstacles
à cette libre circulation. Le marché unique reflète alors
un approfondissement du marché commun où il ne saurait être
question de frontières ou d'obstacles à l'intérieur d'une
seule économie.
B- Les modalités de prise des décisions
et de résolution des problèmes
Recenser les objectifs économiquement
nécessaires à la réalisation du marché unique et
à son bon fonctionnement ne signifie pas forcément que toutes les
conditions soient réunies pour procéder à l'harmonisation
fiscale.
16Livre Blanc, OPOCE, juin 1985, p.56.
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En effet, entre la rationalité économique et les
possibilités juridiques qu'offrent les Etats membres, il peut y avoir
une marge non négligeable. C'est la raison pour laquelle, le
législateur communautaire doit prendre en compte les capacités
des Etats membres dans le processus de prise de décision et de
résolution des problèmes. Pour ce faire, le législateur
communautaire agit en suivant le principe de subsidiarité et le principe
de proportionnalité.
1. Le principe de subsidiarité
Le principe de subsidiarité est une maxime politique
et sociale selon laquelle la responsabilité d'une action publique,
lorsqu'elle est nécessaire, doit être allouée à la
plus petite entité capable de résoudre le problème
d'elle-même. C'est donc le souci de veiller à ne pas faire
à un niveau plus élevé ce qui peut l'être avec plus
d'efficacité à un niveau plus bas, c'est-à-dire la
recherche du niveau pertinent d'action publique.
Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa
compétence exclusive, la Communauté n'intervient,
conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la
mesure où les objectifs envisagés ne peuvent être
réalisés de manière suffisante par les Etats membres et
peuvent donc en raison des dimensions ou des effets de l'action
envisagée, être mieux réalisés au niveau
communautaire. Ce principe nous montre combien, par un manque de
compétence exclusive, il est difficile d'aboutir à une
harmonisation. La communauté n'a donc pas une habilitation
générale17.
2. Le principe de proportionnalité
Le principe de proportionnalité est un principe
d'adéquation des moyens à un but recherché. Au sein d'une
Union, le principe de proportionnalité implique que le contenu et la
forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire
pour atteindre les objectifs des traités. Dans l'Union européenne
par exemple, le principe de proportionnalité dispose que la
Communauté européenne ne doit pas, dans l'exercice de ses
compétences, faire plus que ce qui est nécessaire pour atteindre
ses objectifs. Ainsi, dans la mesure du possible, elle doit :
? d'un point de vue formel, privilégier les moyens
d'actions les moins contraignants pour les États membres (ex : la
directive par rapport au règlement) ;
? sur le fond, éviter de prendre des législations
excessivement détaillées.
17COMMUNIER Jean Michel, Droit fiscal communautaire,
Bruxelles, Bruyant, 2001
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En d'autres termes, ce principe implique que l'intervention de
la Commission en charge de l'Union n'est exigée et justifiée que
si la réalisation des objectifs communautaires n'est pas garantie,
l'achèvement du marché unique est compromis et à condition
que les Etats membres ne prennent pas de leur propre initiative les mesures qui
s'imposent. L'intervention communautaire ne doit pas aller au-delà de ce
qui est requis pour mettre en oeuvre les principes communautaires.
Si ces principes justifient et fondent une harmonisation
fiscale, il n'est pourtant pas négligeable de noter que ces mêmes
principes peuvent être l'objet d'un blocage politique. L'avancée
que constitue la création d'un marché unique et de l'Union
économique et monétaire, expression d'un volontarisme politique,
doivent faire l'objet de réflexions suffisantes en termes de
conséquences fiscales.
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